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50 ans de prison pour Charles Taylor

1 juin 2012

La condamnation à 50 ans de prison, de l'ancien président du Libéria, Charles Taylor est largement relayée par la presse allemande. Le tribunal spécial pour la Sierra Leone a prononcé cette sentence le 30 mai.

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Charles Taylor devant le tribunal spécial pour la Sierra leoneImage : AP

Auparavant, très précisément le 26 avril dernier, le même tribunal l'avait déjà reconnu coupable de crimes de guerre et crimes contre l'humanité pendant la guerre civile en Sierra Leone. Pour la Süddeutsche Zeitung, le tribunal a surtout condamné la brutalité particulière de Charles Taylor. Du temps où il était en activité, souligne le journal, Charles Taylor passait pour l'un des personnages les plus dangereux d'Afrique. Ce descendant d'un ancien esclave immigré des Etats-Unis s'est hissé au pouvoir dans les années 90, d'abord par la force puis par les urnes. Avec 75% des voix, Taylor a remporté une victoire étonnamment claire à l'élection présidentielle de 1997, jugée libre, équitable et transparente par les observateurs. Il n'a toutefois pas réussi à pacifier son pays. Ses agissements en Sierra Leone lui auront été fatidiques.

Charles Taylor Urteil Den Haag Sondergerichtshof für Sierra Leone
Image : AP

Le Tagesspiegel de Berlin voit dans le procès de Charles Taylor un procès des superlatifs: il est le premier chef d'Etat à être condamné depuis les procès de Nuremberg pour crimes de guerre (donc après la seconde guerre mondiale). Le jugement ne couvre pas moins de 2 499 pages, et dépasse ainsi de loin tous les jugements prononcés jusqu'à présent par la justice internationale, enfin les juges ont prononcé l'une des peines de prison les plus longues infligées par ce tribunal: 50 ans donc de prison. Cela dit, note plus loin le journal, Taylor n'a été reconnu coupable que de complicité avec une entreprise criminelle. L'idée, largement répandue, selon laquelle Taylor a dirigé toute la guerre civile en Sierra Leone, n'a pas été confirmée.

Prozess Charles Taylor Special Court for Sierra Leone
Retransmission en direct à Freetwon de la lecture du verdictImage : AP

L'avocat de Charles Taylor a annoncé que son client ferait appel. Mais la presse se demande ce qu'il adviendra de l'ancien président libérien si la peine est confirmée. Comme l'écrit die Tageszeitung, pour un tribunal qui n'est pas autorisé à condamner à la perpétuité, une peine de 50 ans de prison pour un homme âgé de 64 ans, est une décision osée. Ou purement symbolique. Car si Charles Taylor doit quitter un jour sa prison avant sa mort, cela impliquera une très large remise de peine, et tous les intéressés se demanderont alors à quoi bon tout ce procès. La justice internationale, poursuit le journal, fait des progrès dans la condamnation des criminels de guerre, mais plus elle avance et plus la question du devenir des criminels condamnés se pose avec acuité. Charles Taylor purgera sa peine dans une prison britannique. D'autres inculpés, condamnés par le tribunal spécial pour la Sierra Leone, sont détenus au Rwanda, alors que des génocidaires rwandais ont été envoyés dans des pays comme le Mali, d'où ils pourraient être transférés prochainement, pour des raisons de sécurité, en Sierra Leone. Bref conclut le journal, la communauté internationale est encore très loin d'un système unifié pour l'exécution des peines. La Neue Zürcher Zeitung, un quotidien suisse de Zurich, se demande pour sa part si la justice pénale internationale est un instrument de paix. La condamnation de Charles Taylor, écrit ce journal, soulève la question de savoir si le tribunal spécial pour la Sierra Leone a contribué à une paix juste en Sierra Leone, comme l'avait prophétisé son premier procureur en chef. Il est significatif que le président sierra leonais Ernest Bai Koroma, dans son discours pour l'anniversaire de l'indépendance du pays, n'ait pas dit un seul mot du procès. Au lendemain du verdict il a surtout évoqué l'avenir économique du pays. La condamnation du crime, poursuit ce quotidien, n'en est pas moins un élément important de la confrontation avec le passé. D'innombrables témoignages de victimes montrent que la reconnaissance officielle de leur souffrance et la condamnation des crimes sont une composante essentielle de la réparation.

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L'Azawad, tel que délimité par le MNLAImage : DW

Un Etat, mais lequel?

La presse continue de s'intéresser aussi au Mali. Quelques journaux relatent l'accord de fusion conclu dans le nord du Mali entre les Touaregs du MNLA, le Mouvement national pour la libération de l'Azawad, et le groupe Ansar Dine. La Frankfurter Allgemeine Zeitung parle d'une fusion surprenante, les deux groupes n'ayant en apparence rien de commun. Ansar Dine est un mouvement islamiste radical qui a des contacts étroits avec Aqmi, Al Qaida au Maghreb islamique. Le MNLA en revanche s'est toujours présenté comme un mouvement laïc. Mais, fait remarquer die tageszeitung, le MNLA a besoin d'Ansar Dine, car d'autres groupes que les Touaregs vivent aussi dans le nord du Mali. Ansar Dine de son côté a besoin du MNLA pour ne pas être perçu comme un appendice d'al Qaida. Cela dit poursuit le journal, la déclaration commune du 26 mai n'a pas gommé les divergences entre les deux mouvements. La ratification d'une déclaration finale a été reportée.

Südsudan Rubkona Markt Bombardement Angriffe
Après le bombardement du marché de Rubkona au Soudan du sud le 23 avril 2012Image : AP

Le Soudan du sud au bord du gouffre

Enfin les négociations entre les deux Soudans ont timidement repris. Mais la situation est toujours tendue, et selon la presse allemande, le Soudan du sud s'enfonce dans une crise économique sans pareille. La Süddeutsche Zeitung rappelle que le Soudan du sud a stoppé en janvier dernier sa production de pétrole à cause du litige avec le Soudan sur les frais de transit pour le pétrole du sud exporté via le nord. Le président sud-soudanais Salva Kiir, note le journal, pensait sans doute que l'arrêt de la production toucherait plus le gouvernement de Khartoum que son propre pays. Or le manque à gagner est énorme pour Juba. Certains ministères, comme ceux de l'éducation, de la santé et de l'agriculture, ont perdu 20% de leur budget, pour d'autres ce sont même 50%. Salva Kiir, souligne encore le journal, affirmait avoir suffisamment de réserves financières pour tenir le coup pendant 18 mois sans recettes pétrolières. Mais selon la Banque mondiale, les réserves seront épuisées dès juillet. Et c'est alors l'effondrement total du Soudan du sud qui menace.

Auteur: Marie-Ange Pioerron
Edition: Fréjus Quenum