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Afropresse, l’Afrique à travers la presse allemande

Aude Gensbittel15 juin 2007

Soudan – Secte Mungiki au Kenya – Mort d’Ousmane Sembène

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Afropresse à présent, l’Afrique à travers la presse allemande. Les journaux reviennent notamment sur l’accord de Khartoum pour le déploiement dans la province soudanaise du Darfour d’une force hybride de maintien de la paix, composée de soldats de l’Union Africaine et des Nations Unies.

C’est le cas de la Süddeutsche Zeitung. L’Union Africaine a à peine annoncé le déploiement d’une nouvelle force de paix dans la région du Darfour, que le gouvernement soudanais relativise déjà son consentement, écrit le quotidien. Ce qu’exige le régime de Khartoum, c’est que la troupe mixte, composée de 17 à 19 000 soldats de l’Union Africaine et des Nations Unies, soit recrutée principalement en Afrique et surtout pas en occident. Une revendication que l’ambassadeur américain à l’Onu Zalmay Khalizad a qualifiée d’inacceptable. Le gouvernement soudanais insiste par ailleurs pour que l’Union Africaine conserve le commandement de la force.

La Frankfurter Allgemeine Zeitung souligne elle aussi que l’annonce d’un accord avec Khartoum a été accueillie avec scepticisme par les Etats-Unis. Le journal rappelle que jusqu’à présent, ce sont avant tout des pays asiatiques qui se sont déclarés prêts à renforcer la mission au Soudan. Le chef de la délégation soudanaise de négociation, Mutrif Siddig, a toutefois déclaré que Khartoum donnait certes la priorité au recrutement d’Africains, mais n’excluait pas pour autant les soldats d’autres continents. En novembre 2006, poursuit le quotidien, le Soudan avait déjà accepté le projet d’une troupe « hybride » entre Union Africaine et Nations Unies, qui devait être déployée en trois phases. Mais peu après Khartoum avait fait marche arrière, en posant toujours de nouvelles conditions. Les derniers désaccords portaient sur le rôle des hélicoptères employés au Darfour. Il n’a pas encore été décidé s’ils devaient servir uniquement à la protection de la force de paix, ou aussi à celle de la population civile. L’utilisation de la terre et de l’eau par les nouvelles troupes, point sur lequel on négocie depuis des semaines, n’a elle non plus toujours pas été réglée.

Un thème qui revient aussi dans plusieurs quotidiens, c’est la répression par la police de la secte Mungiki, au Kenya.

La Berliner Zeitung évoque la brutalité des forces de l’ordre contre la population. Dans la lutte contre les membres de la secte interdite Mungiki, écrit le journal, policiers et militaires n’ont plus aucun scrupule depuis que le président du Kenya Mwai Kibaki et son ministre de la sécurité John Michuki leur ont donné l’ordre de tirer. Des témoins rapportent l’exécution de suspects à Mathare, le plus grand bidonville de Nairobi. Les policiers ont sorti les habitants de leurs cases à l’aide de gaz lacrymogènes et ont fouillé les habitations avec des chiens, quelques armes ont été trouvées. Mais beaucoup des personnes concernées, dont des femmes et des enfants, n’ont commis qu’une seule faute : ils font partie des plus pauvres parmi les pauvres et habitent un quartier du bidonville qu’ils appellent « Kosovo ». Un fief présumé de la secte Mungiki.

Qu’est-ce exactement que cette secte Mungiki ? Eh bien, c’est ce qu’explique la Frankfurter Rundschau, qui rappelle que l’organisation secrète est née dans les années 1980 et se considère comme l’héritière du mouvement Mau-Mau qui luttait autrefois contre la domination coloniale britannique. Mungiki, que l’on pourrait traduire par « multitude », avait à l’origine une orientation anti-occidentale et anti-chrétienne. Au cours des dernières années, l’organisation s’est visiblement transformée en association de malfaiteurs. Une sorte de mafia qui compte 100 000 membres et qui vit aujourd’hui principalement d’enlèvements, d’extorsion et de la perception de taxes illégales. Ceux qui tentent de se soustraire à leur influence risquent d’être exécutés de la pire façon : rien que dans les trois derniers mois, 12 personnes ont été décapitées. Mais l’organisation a aussi de l’importance au niveau politique, car presque tous ses membres appartiennent à la principale ethnie du pays, les Kikuyu. On dit que la secte a aidé à la victoire du président Mwai Kibaki, Kikuyu lui aussi, et qu’au moins cinq de ses ministres sont liés à l’organisation.

Et puis cette semaine, la presse allemande a rendu hommage au cinéaste sénégalais Ousmane Sembène, décédé samedi dernier.

Le cinéma africain, depuis la fin des années 1960 et jusqu’à aujourd’hui, c’était le Sénégalais Ousmane Sembène, écrit la Frankfurter Allgemeine Zeitung. Après avoir publié plusieurs romans, il avait étudié le cinéma à Moscou et dans la plupart de ses films il s’était intéressé aux luttes entre héritage colonial, traditions patriarcales et influences religieuses dans son pays. Parfois sous forme d’histoires semi documentaires, parfois de façon satirique, et souvent en plusieurs langues : français, wolof et diola. « En matière de morale, nous n’avons rien à apprendre de l’occident » a-t-il un jour déclaré avec l’autorité de celui qui en tant que soldat dans les rangs français lors de la Seconde Guerre Mondiale, puis comme ouvrier chez Citroën à Paris et sur les docks de Marseille, avait pu observer cette morale de très près.

Die Welt

souligne de son côté que le cinéaste rejetait le concept de « négritude » de son compatriote l’écrivain et président Léopold Sédar Senghor, qui célébrait les « valeurs noires ». Ousmane Sembène, lui, critiquait les traditions qui empêchaient la construction d’une société libre et juste. Il s’en est pris à la polygamie et au mariage forcé, ainsi qu’à l’oppression de la femme par le biais de l’islam, et a déclaré ouvertement que des chefs noirs avaient profité de l’esclavage de leurs frères. Dans les derniers films de Sembène, les héros ne sont pas les hommes, paralysés par leur religion, mais les femmes, qui représentent de plus en plus l’espoir du progrès. A la différence de beaucoup d’intellectuels africains, le cinéaste était une figure populaire, on le voyait souvent dans les rues et sur les marchés de Dakar, avec sa barbe grise, son bonnet de pêcheur et sa pipe. Le père du cinéma africain est mort à l’âge de 84 ans.

Notons pour terminer que l’hebdomadaire Die Zeit consacre cette semaine son grand dossier au président zimbabwéen Robert Mugabe. « Le rêve ruiné », c’est le titre de ce dossier, dans lequel le journal publie côte-à-côte des photos d’enfants des rues et de malades du sida et celles du chef de l’Etat lors d’événements officiels de sa carrière. Un grand article évoque la résignation d’une population appauvrie et désillusionnée. Aucun pays africain ne s’isole autant que le Zimbabwe, écrit Die Zeit. Ceux qui veulent dénoncer la brutalité et la corruption dans le royaume de Mugabe risquent leur vie.