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Afropresse, l’Afrique à travers la presse allemande

Marie-Ange Pioerron21 janvier 2005

Rwanda – Maroc

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Nous commençons par le Rwanda où les juridictions traditionnelles villageoises viennent d’être étendues à l’ensemble du pays. Elles sont appelées à juger des centaines de milliers de personnes, soupçonnées d’être impliquées dans le génocide de 1994. Mais la presse allemande est plutôt sceptique quant à la capacité de ces gaçaças, ces juridictions villageoises donc, à juger autant de suspects. Le principe de cette justice traditionnelle, écrit la Tageszeitung de Berlin, est clair: après la confrontation entre bourreaux et victimes, les bourreaux sont réintégrés dans la communauté. Mais avec près d’un million d’inculpations, cela risque de surmener le pays. Il est vrai, poursuit le journal, qu’après avoir critiqué les gaçaças pour leur manque de conformité avec les critères transparents de l’Etat de droit, la communauté internationale les considère à présent comme l’unique possibilité de traduire en justice des suspects emprisonnés. Il faut savoir, note ce confrère, en citant un représentant de la coopération allemande à Kigali, que le Rwanda n’a en tout et pour tout que 180 procureurs. A supposer qu’une petite centaine d’entre eux s’occupent exclusivement de procédures liées au génocide, cela donnera tout au plus 6 000 procès par an. Il n’en demeure pas moins que les gaçaças ont devant elles une tâche colossale. Conclusion de la Tageszeitung: plus d’un observateur présume que, dans deux ou trois ans, elles mourront de leur belle mort, à savoir par le biais d’une amnistie de masse. Le quotidien Die Welt publie quant à lui une tribune libre signée de l’écrivain Hans-Christoph Buch qui doute que les gaçaças rendent réellement la justice. Notamment parce que leurs juges sont nommés et formés par le régime militaire rwandais, un régime tristement célèbre, souligne l’auteur, pour son manque de partage des pouvoirs et de transparence démocratique.

La presse allemande se penche aussi cette semaine sur une autre forme de confrontation avec le passé. Cette fois-ci, il s’agit du Maroc. Le fils et les péchés du père, titre la Frankfurter Allgemeine Zeitung avant d’évoquer les premières auditions publiques de l’instance Equité et Réconcilication. Une instance inspirée de tentatives similaires en Afrique du sud, au Timor Oriental et au Pérou, mais qui dans l’ensemble du monde arabo-musulman, représente une expérience inouie. Pour la première fois, des victimes des "années de plomb", sous le règne de Hassan II, parlent en direct, à la radio et à la télévision, de tortures, d’enlèvements, et de morts en prison. Dans le cas du Maroc, souligne, le journal, l‘expérience est d’autant plus délicate que c’est un fils, le roi Mohammed VI, qui laisse dénoncer publiquement les péchés du père. Le jeune souverain marocain se risque dans une entreprise hasardeuse en jetant un éclairage sur les obscurs cachots de son père. D’une part c’est comme si Hassan II comparaissait, à son grand désavantage, devant le tribunal de l’histoire. De l’autre beaucoup de ses exécutants occupent aujourd’hui encore des postes de responsabilité dans la police et l’armée, précise la Frankfurter Allgemeine.

Enfin le Soudan fait encore parler de lui cette semaine dans la presse allemand. Après l’accord de paix conclu entre le régime de Khartoum et la rébellion sudiste, l’hebdomaire Der Spiegel évoque le risque d’un nouveau conflit au Soudan. Cette fois-ci entre sociétés pétrolières américaines et chinoises. 60% de la production pétrolière soudanaise sont aujourd’hui livrés à la Chine, note le Spiegel. Mais après l’accord de paix de Nairobi, et dans l’hypothèse d’une solution à la crise du Darfour, les sanctions américaines contre le Soudan pourraient être levées. La voie serait alors ouverte à des compagnies comme ChevronTexaco et ExxonMobil.