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Afropresse, l'Afrique à travers la presse allemande

Sandrine Blanchard20 février 2004
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Cette semaine encore, c'est un peu maigre : la presse allemande se penche davantage sur les scandales politiques et financiers germano-allemands que sur l'Afrique. Commençons par l'édition allemande de février du mensuel Le Monde diplomatique. Le journal, paru il y a quelques jours dans les kiosques allemands, consacre toute une page au Sénégal. Plus précisément, il s'agit là d'un retour, très critique, sur la politique d'Abdoulaye Wade, sous le titre : « Pas d'argent, pas de victoire, pas de charisme ». Le journal explique que les espoirs soulevés en 2000 par l'alternance politique au Sénégal ont été depuis bien déçus. Et ce, notamment par l'échec du président à mettre réellement fin au conflit de Casamance, alors qu'il avait promis pour la région la paix en 100 jours. Et puis celui que l'on espérait voir amener un renouveau démocratique reprend finalement exactement les méthodes de ses prédécesseurs, des méthodes qu'il a pourtant longtemps dénoncées. Le Monde diplomatique rappelle également la répression extrêmement violente par le pouvoir en place de toute opposition et toute critique, et en cite d'ailleurs plusieurs exemples. Parmi ces exemples retenons celui du directeur de la radio Sud FM, Abdoulatif Coulibaly, qui avait publié un livre intitulé « Wade, un opposant au pouvoir. Le changement politique pris au piège ? ». Un livre paru en juillet dernier, qui n'a pas plus du tout au gouvernement de Dakar. Résultat des courses : non seulement la maison d'édition a été tout à coup étroitement contrôlée par le fisc, mais, et c'est plus grave, Coulibaly et son éditeur ont également reçu des menaces de mort. Bref, le Monde diplomatique estime que, finalement, la victoire des élections présidentielles de mars 2000 était davantage celle d'une coalition anti-Diouf que celle d'un véritable rassemblement pro-Wade. Et pour preuve du mécontentement y compris au sein des politiciens sénégalais, le journal raconte qu'aucun parti d'opposition n'a voulu envoyer de ministre au nouveau gouvernement, au moment du remaniement d'août 2003. Pour conclure, le Monde diplomatique estime que le président Wade accepte mal les critiques envers sa propre personne. Ce que le mensuel s'explique de la façon suivante : Abdoulaye Wade est un produit de la culture politique des années 1950, une politique marquée par le dirigisme charismatique de leaders . Fort de ses succès pour la mise en place du NEPAD, il est convaincu d'incarner le désir de changement de la population sénégalaise... à tel point qu'il n'accepte plus de se remettre en question. Sauf que, écrit le journal, le Sénégal est en crise : la croissance s'est de nouveau ralentie, le chômage des jeunes dans les villes ne descend plus en deçà de 40% et les campagnes sombrent dans le chaos depuis la privatisation des plantations de cacahuètes. Sans parler de la corruption ambiante qui n'arrange rien à la situation du pays. La Frankfurter Allgemeine Zeitung quant à elle revient brièvement sur la réunion de Kigali, le week-end dernier, et sur le Mécanisme africain d'évaluation par les pairs (MAEP), c'est-à-dire l'instrument de contrôle du NEPAD. Un instrument qui devrait permettre d'éprouver la politique des gouvernements africains par leurs pairs, ce qu'on appelle désormais la « bonne gouvernance ». Une évaluation basée sur des critères politiques - comme le respect des droits de l'homme- et économiques, afin d'attirer les investisseurs privés en Afrique. Le journal rappelle que les premiers pays à se soumettre au jugement du MAEP sont le Rwanda, le Ghana, le Kenya et l'Ile Maurice. Des pays qui vont plutôt bien, estime la FAZ. Notamment le Ghana, mais surtout le Kenya, dont le nouveau gouvernement semble lutter réellement contre la corruption. C'est nouveau, écrit le journal : l'Ile Maurice n'est pas considérée d'habitude comme faisant partie du continent africain. Mais elle est la bienvenue en Afrique, avec sa croissance économique qui pourrait relever la moyenne africaine. Alors, certes, écrit la FAZ, il n'y a pas de sanction prévue pour les pays qui contreviennent aux critères du MAEP. Mais la création de cette instance est, en soi, un pas en avant, estime le quotidien de Francfort, car elle mettra en évidence non seulement les progrès faits par les gouvernements, mais aussi leurs reculs. Pour finir, jetons un oeil à la tageszeitung de Berlin. Le journal publie un reportage fait au Rwanda, sous le titre « Lle retour de la machette ». Le quotidien berlinois explique que, dix ans après le génocide, qui a fait près de 800 000 morts, certains acteurs présumés des tueries reviennent s'en prendre, en sortant de prison, à des personnes qui pourraient témoigner contre eux devant l'un des tribunaux Gacaca, ces tribunaux de villages instaurés il y a deux ans. Des tribunaux destinés à vider un peu les prisons, par la confrontation des différents points de vue au sein des villages. La tageszeitung rapporte que la violence est omniprésente au Rwanda, depuis la fin officielle du génocide, il y a dix ans, et que les actes de vengeances ou représailles sont légion. Et les tribunaux Gacaca posent problème, écrit la taz, puisqu'il est arrivé que 24.000 meurtriers de 1994 soient renvoyés de prison et dans leur village d'origine, après seulement trois mois de resocialisation.