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Afropresse, l'Afrique à travers la presse allemande.

Marie-Ange Pioerron16 janvier 2004

Namibie/Hereros - Sierra Leone - Angola

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La presse allemande fait cette semaine une large place au chapitre le plus sanglant de l'histoire coloniale allemande en Afrique. Le calendrier s'y prête, le 12 janvier ayant marqué le 100ème anniversaire du soulèvement des Hereros contre les troupes impériales allemandes dans ce qui était alors le Sud-Ouest africain, aujourd'hui la Namibie. Sous le titre « les souffrances d'un peuple oublié », la Süddeutsche Zeitung rappelle que la bataille décisive eut lieu le 11 août 1904 au Waterberg, où quelque 40 000 Hereros s'étaient rassemblés avec leur bétail. Mais bien qu'encerclés par les troupes du général von Trotha et militairement vaincus, plus de 30 000 Hereros purent s'enfuir dans le désert d'Omaheke. C'est là, poursuit le journal, que commença le génocide. Les Allemands bouclèrent le désert et les points d'eau. Ce fut le chapitre le plus atroce de l'histoire coloniale allemande, souligne ce confrère, mais le vingtième siècle ayant produit des violences allemandes encore plus monstrueuses, il fut vite oublié, du moins du côté allemand. Il est en revanche profondément ancré dans la conscience des Hereros. Chacun d'entre eux, qu'il ait 10, 20 ou 80 ans a grandi avec ce traumatisme collectif. Et note encore le journal, tous les Hereros que vous rencontrez vous demandent pourquoi , jusqu'à ce jour, les Allemands n'ont ni présenté d'excuses, ni versé de réparations. De fait, relève la Frankfurter Allgemeine Zeitung, les gouvernements allemands ont esquivé ce thème sensible. Le chancelier Kohl, lors de sa visite en Namibie en 1996, refusa de rencontrer des représentants des Hereros. Deux ans plus tard le président Herzog parla d'un « sombre chapitre » mais évita le mot « génocide ». Idem pour le ministre des affaires étrangères Joschka Fischer qui lors de sa visite en octobre dernier évoqua simplement une « responsabilité historique » particulière de l'Allemagne pour son ancienne colonie. Le choix des mots, souligne le journal, n'est pas sans importance, il pourrait avoir des conséquences en termes de dédommagement financier. Cela dit poursuit le journal, dans leur pays même les Hereros ne peuvent pratiquement compter sur aucun appui dans leur demande de réparations. La Swapo, l'ancien mouvement de libération au pouvoir depuis l'indépendance, se compose principalement d'Ovambos. Le président Nujoma appartient lui aussi à ce peuple. Pour la Tageszeitung de Berlin, qui ne consacre pas moins de trois pages à l'extermination oubliée des Hereros, on peut même parler d'un pacte tacite entre élites allemandes et namibiennes, un pacte qui ignore ou marginalise les états d'âme, les besoins et les intérêts de ceux qui furent les principales victimes de l'extermination physique d'autrefois. Les Hereros, donc mais aussi les Nama, les Damara et les San - autant de peuples minoritaires à l'intérieur de la Namibie.

C'est une histoire plus réconfortante qui nous est relatée cette semaine dans la Frankfurter Allgemeine Zeitung. Celle d'un ancien enfant soldat de la Sierra Leone, qui a trouvé en Allemagne une famille d'adoption. Tout commence un jour de décembre 1998. Alhadji Jallah a alors 15 ans. Les troupes gouvernementales du président Kabbah l'arrêtent avec son père et son frère ainé. Le père et le frère seront abattus. Alhadji est jeté dans une prison, qui sera prise d'assaut par les rebelles du Front révolutionnaire uni. L'un des rebelles lui jette alors un fusil entre les mains et il devient enfant soldat. Pourquoi ? La question le surprend. Pour survivre il n'avait pas le choix. Et il raconte à la journaliste de la Frankfurter Allgemeine les viols collectifs, les nourrissons tués parce qu'ils pleurent, les main coupées aux enfants. Mais un jour Alhadji va quand même réussir à s'enfuir, et à débarquer à Hambourg. Aujourd'hui il vit à Munich, mais l'avenir n'est pas encore très clair. Ses parents adoptifs, une mère journaliste et un père dessinateur de mode, sont tous deux au chômage. Et Alhadji risque de perdre sa place d'apprentissage, il ne parle encore qu'un allemand très rudimentaire. Mais pour reprendre le titre de l'article, l'essentiel pour lui est d'être libéré de l'obligation de tuer.

Autre lieu, autre guerre, celle de l'Angola est maintenant terminée depuis deux ans, lit-on dans la Frankfurter Rundschau, mais après cette guerre de près de 30 ans, la violence s'est installée dans le quotidien, et la pauvreté demeure. Les histoires de maris qui tuent leurs femmes parce qu'elles ont dépensé trop d'argent sont légion en Angola, note le journal. Dans la seule ville de Luanda, 130 personnes sont tuées chaque jour.