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Afropresse, l’Afrique à travers la presse allemande

Marie-Ange Pioerron4 janvier 2008

Cette semaine c’est bien évidemment le Kenya qui a dominé l’actualité africaine dans les journaux allemands.

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Dans le bidonville de Kibera à NairobiImage : AP

L’afflux régulier de touristes allemands au Kenya n’est pas étranger bien sûr à cet intérêt. Il y a encore peu de temps, écrit le quotidien Die Welt, le Kenya passait pour un espoir en Afrique. Mais après une élection apparemment manipulée par le gouvernement le pays est en ébullition. Un exemple typique, ajoute le journal, de cette relation de cause à effet entre le manque de démocratie et le manque de développement que l’on peut observer partout en Afrique. Car la démocratie n’est rien d’autre qu’une accumulation d’accords sur les moyens de résoudre pacifiquement des conflits internes. Pour la Frankfurter Allgemeine Zeitung, même si la dernière décennie a apporté au continent africain plus d’Etat de droit, de démocratie et de multipartisme, les reculs pèsent plus lourd, du moins dans l’esprit de l’opinion publique. Le conflit au Kenya met en évidence tout ce qu’on associe volontiers à l’Afrique: le tribalisme, la corruption, l’abus de pouvoir, la pauvreté et la violence incontrôlable. Au Kenya, note plus loin le journal, tout le monde veut accéder à la mangeoire contrôlée par l’ethnie majoritaire des Kikuyu. Cette mangeoire, ce sont les emplois, les flux d’argent, les privilèges. Il est donc pensable, poursuit la FAZ, que les fraudes électorales présumées n’aient pas été téléguidées par le sommet de l’Etat mais par tous les profiteurs au sein de la police, de l’armée ou de la fonction publique. La révolte des pauvres, titre la Süddeutsche Zeitung, qui souligne que les violences post-électorales au Kenya n’ont pas seulement des motivations ethniques, mais que l’avidité des puissants en est aussi le déclencheur. Les Kikuyu, écrit le journal, forment l’ethnie non seulement la plus nombreuse mais aussi la plus puissante. Depuis l’indépendance elle occupe tous les postes-clés dans le pays. Si les bidonvilles de Nairobi, ou les villes de l’ouest du pays, brûlent, cela n’est pas seulement un conflit entre Kikuyu, dont est issu Mwai Kibaki, et Luo, auxquels appartient l’opposant Raila Odinga. Enragés par leur misère les pauvres déversent leur colère sur des groupes ethniques ennemis. Or la haine des démunis ne devrait avoir pour cible que les puissants, car ce sont eux qui depuis des décennies pillent le pays. La Tageszeitung enfin note que des femmes et des enfants ont péri brûlés vifs dans une église, que sur les routes des milices font le tri des gens en fonction de leur ethnie et ne laissent passer que ceux de leur propre ethnie. C’est ainsi qu’a commencé le génocide au Rwanda en 1994 , rappelle le journal, qui ajoute que seule une médiation internationale peut encore empêcher le Kenya de glisser dans une brutale guerre civile.

Autre thème pour la presse allemande: le Darfour. Lundi dernier la mission des Nations unies et de l’Union africaine au Darfour a pris le relais de la mission africaine. Mais le transfert reste largement symbolique. Tellement symbolique que la Süddeutsche Zeitung dénonce la farce du Darfour. Ce qui a été conçu comme la plus grande mission de casques bleus des Nations unies et de l’Union africaine commence avec quelques malheureux soldats qui n'ont même pas les moyens de se déplacer dans le désert, s’indigne le journal. Il est vrai que les pays occidentaux sont déjà sollicités avec leurs missions en Irak, en Afghanistan, au Kosovo et dans d’autres foyers de crises, mais il est peu crédible que les pays les plus riches du monde ne parviennent pas à rassembler deux douzaines d’hélicoptères pour le Darfour. C’est plus la volonté politique qui manque que l’argent et le matériel. Car l’occident se sent peu menacé par cette guerre au Darfour. Ceci dit, poursuit le journal, le principal obstacle à la mission de paix reste le président soudanais Omar el-Béchir. Il se moque du monde en alternant les concessions et les blocages. Il faut que les Etats africains et arabes exercent enfin une sérieuse pression sur El-Béchir pour l’amener à lâcher du lest. La Frankfurter Allgemeine Zeitung évoque quant à elle l’assassinat à Khartoum d’un diplomate américain et de son chauffeur soudanais. L’attaque, note le journal, s’est produite au lendemain de la signature, par le président George Bush, d’une loi qui permet de durcir le boycottage économique du Soudan. C’est ainsi que les Etats fédérés américains, mais aussi les communes et les particuliers, sont maintenant autorisés à se retirer d’affaires commerciales qui procurent des recettes au gouvernement soudanais.

Nous terminons ce tour d’horizon par le Mali où selon la presse allemande les cotonculteurs sont sur le point de perdre leur combat contre le coton génétiquement modifié.

"Dernière campagne" titre l’hebdomadaire Die Zeit qui note que le coton est à côté de l’or le principal produit d’exportation pour le Mali et qu’il nourrit près de trois millions de personnes. Mais pour les paysans il est surtout devenu un sujet d’inquiétude. La dernière récolte a été mauvaise, comme les récoltes des deux années précédentes. Et ce n’est pas tout , poursuit Die Zeit. De l’autre côté de la frontière avec le Burkina Faso le puissant ennemi n’attend qu’une chose: que les cotonculteurs maliens affichent leur faiblesse. L’ennemi en question c’est la firme Monsanto, leader sur le marché mondial pour les semences génétiquement modifiées. Le trust américain, explique le journal, est en train d'expérimenter un nouveau type de coton qui promet d’être moins vulnérable aux parasites et plus rentable que les variétés habituelles de coton. Si Monsanto parvient à le prouver et si les planteurs de coton maliens continuent d’avoir de mauvaises récoltes leur résistance à la firme américaine pourrait avoir été vaine. Ce sont de petits paysans, dans l’un des pays les plus pauvres du monde. Cela fait quatre ans qu’ils s’opposent avec succès à l’une des entreprises les plus puissantes du monde, ce qui en soi est déjà étonnant, souligne Die Zeit.