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Afropresse, l'Afrique à travers la presse allemande.

Marie-Ange Pioerron29 février 2008

Nous commençons par les désaccords qui subsistent entre la France et l'Allemagne à propos de l'EUFOR, la force européenne chargée d'assurer la sécurité des réfugiés dans l'est du Tchad et le nord de la RCA.

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Dans une rue de N'DjamenaImage : AP

Comme le note la Frankfurter Allgemeine Sonntagszeitung de dimanche dernier, la France souhaite aussi des soldats allemands au Tchad, mais Berlin reste réticent. Nulle part ailleurs les insuffisances de la politique européenne de défense ne sont aussi manifestes que dans la mission de l'EUFOR, censée stabiliser le Tchad. A l'heure actuelle, poursuit le journal, la politique allemande a les regards tournés vers l'Afghanistan. Mais à moyen terme l'Afrique pourrait devenir un plus grand défi en termes militaires et de politique de sécurité. Car les deux principaux partenaires européens de l'Allemagne - la France et l'Angleterre - veulent partager avec les amis européens, de préférence avec les Allemands, le fardeau hérité de l'époque coloniale. Ils ont besoin pour cela d'un appui militaire. Dès le début de son mandat Angela Merkel a pu se rendre compte de l'opiniâtreté de Paris. Avant même qu'elle ait pu se défendre, le président Jacques Chirac avait arraché à la chancelière l'accord à l'envoi de la Bundeswehr au Congo. Sarkozy, le successeur de Chirac, n'a pas été moins entêté à propos du Tchad, mais il a eu moins de succès, souligne le journal. Angela Merkel a vite appris. Elle a fait envoyer quatre officiers d'état-major au quartier général de l'EUFOR, près de Pris. Pas un de plus. Mais note un peu plus loin notre confrère, fidèle à une bonne vieille tradition, Berlin tente d'atténuer son refus par sa générosité financière et couvre environ un cinquième des coûts de la mission, soit une contribution de 20 millions d'euros.

La Bundeswehr est donc allée en République démocratique du Congo. C'était en 2006, dans le cadre de la mission européenne chargée de superviser le déroulement des élections. Début 2007 un nouveau gouvernement a été installé à Kinshasa, mais selon la presse allemande la vie des Congolais ne s'est pas améliorée.

Qui gouverne en République démocratique du Congo? La réponse, lit-on dans la Tageszeitung, devrait être simple, à savoir: depuis un an un gouvernement élu reconstruit avec l'aide internationale un pays détruit par la dictature et la guerre. Et pourtant, à Kinshasa l'électricité est encore plus rare qu'avant les élections, à présent il n'y a même plus d'eau. Sans cesse il est officiellement question de réformes et de contributions financières internationales. Mais la population n'en voit rien, ajoute le journal qui cite en ces termes un membre du gouvernement provincial de Kinshasa: "La mafia est au pouvoir, cette fois avec une légitimation démocratique". Autre citation, celle d'un militant de la société civile qui s'exprime ainsi "c'est bien simple, les gens n'ont rien à manger". Mais poursuit la TAZ, à Kinshasa personne ne croit à des manifestations ni à l'opposition. Les forces de l'opposition sont discréditées, les gens sont occupés à survivre. 90% de la population kinoise vivent du secteur informel. Un seul espoir demeure, écrit le journal, cet espoir c'est la Chine. "Quand les Chinois viendront" - cette phrase si souvent entendue à Kinshasa résonne comme autrefois l'espérance de la fin de la guerre.

La presse allemande nous emmène aussi cette semaine en Afrique du sud, à Soweto, le plus grand ghetto noir de la banlieue de Johannesburg.

Un ghetto de 3 millions d'habitants, mais où certains quartiers sont devenus méconnaissables. Qu'on en juge par cet article de la Frankfurter Rundschau qui nous présente Mpho Phail. Il est agent immobilier à Soweto et il n'arrive pas à satisfaire une demande qu'il qualifie d'incroyable. Dans le quartier de Diepkloof Extention, note le journal, les villas sont blanches, les rues asphaltées sont balayées. Les maisons peuvent y coûter jusqu'à 350 000 euros. Soweto est devenu un endroit branché. Autrefois des montagnes d'ordures s'amassaient au bord de rues poussiéreuses. Aujourd'hui le ramassage des ordures fonctionne. Toutes les rues sont goudronnées, des orchestres de jazz jouent le soir dans des parcs. Soweto, rappelle le journal, a été créé il y a plus de cent ans comme camp d'isolement pour les mineurs africains malades de la peste. Il a toujours été synonyme de misère, de répression et de violence. Aujourd'hui, poursuit notre confrère, le côté scintillant de Soweto s'est enrichi de deux paillettes: un hôtel Holiday Inn et un centre commercial de luxe, la philosophie de la directrice de ce centre étant de faire comprendre aux habitants de Soweto qu'eux aussi sont des "gens de première classe".

Enfin l'engouement pour les produits bio dans les pays européens commence à faire sentir ses effets en Afrique. Selon la presse allemande le label bio est une source d'enrichissement pour les Africains. Comme l'écrit la Tageszeitung, le bio n'a pas grand chose à voir avec l'idéalisme, c'est avant tout une question d'argent. De plus en plus d'entreprises africaines voient dans les labels bio européens et américains une chance d'exporter leurs produits. Elles s'informent donc des conditions à remplir pour obtenir le label, cherchent une agence de certification indépendante et jouent le jeu. Non sans une certaine perplexité, note le journal après une visite au dernier salon de l'agriculture biologique à Nuremberg, le plus grand salon du genre dans le monde. Comme le font remarquer beaucoup de producteurs africains, la plupart des fruits et légumes produits en Afrique sont de toute façon "bio". Les petits paysans ne peuvent se payer des engrais chimiques.

En bref encore la presse allemande s'intéresse à un pays dont elle ne parle que rarement. Ce sont les Comores. La Frankfurter Allgemeine Zeitung titre sur le risque de guerre entre le gouvernement fédéral comorien et les "renégats" entre guillemets, d'Anjouan. Depuis des semaines les avertissements et les ultimatums se multiplient écrit le journal. L'Union africaine soutient la fermeté du président de la fédération et veut fournir des troupes. La question est la suivante, précise le journal: le président de l'île semi-autonome d'Anjouan est-il ou non aux ordres du président de l'Union des Comores? A Moroni, siège du gouvernement fédéral, la réponse est oui. A Anjouan, la population voit les choses du même oeil, mais personne ne le dit publiquement car le président Mohamed Bacar a pris l'allure d'un dictateur.