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Afropresse, l'Afrique à travers la presse allemande.

Marie-Ange Pioerron7 mars 2008

L'accord conclu au Kenya pour mettre un terme à la crise post-électorale trouve cette semaine une large place dans les journaux allemands.

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Kofi Annan avec Mwai Kibaki et Raila OdingaImage : picture-alliance/ dpa

C'est presque trop beau pour être vrai, écrit la Frankfurter Allgemeine Zeitung. Après deux mois d'affrontements proches de la guerre civile, après plus de 1 500 morts, les parties en conflit au Kenya se sont entendues sur la formation d'un gouvernement de coalition. Le chef de l'opposition, Raila Odinga, sera premier ministre et son parti, le Mouvement démocratique orange, obtiendra la moitié des portefeuilles ministériels. Le président Mwai Kibaki reste président et sauve la face. On peut parler d'une victoire de la raison. Mais, poursuit le journal, c'est là un compromis que les Kenyans n'ont pas eux-mêmes négocié entre eux, ce qui lui donnerait de la crédibilité. Il s'agit bien plutôt d'un accord intervenu uniquement sur la base de menaces internationales massives que Kofi Annan, le médiateur, a su magistralement utiliser. Que le Kenya soit désormais un pays plus stable est une illusion, souligne le journal. L'accord n'est rien d'autre qu'un accord de cessez-le-feu. Point n'est besoin d'avoir beaucoup d'imagination pour prédire que les conflits ethniques resurgiront au plus tard lors des prochaines élections. Le Kenya a fourni ces deux derniers mois un exemple de ce dont souffrent beaucoup de pays africains: l'absence d'un sentiment national et donc d'un ciment identitaire. En d'autres mots, ajoute la FAZ, le Kenya en tant que nation est une chimère. Le même journal relève aussi, dans un autre article, que suite aux violences des derniers mois des milliers de Kenyans continuent de vivre dans des camps de réfugiés. "Tous pour un, Kofi pour tous" titre l'hebdomadaire Die Zeit qui souligne lui aussi que le compromis trouvé n'a été conclu que sous la pression de l'extérieur. Une preuve de ce à quoi peut parvenir la pression internationale lorsque les acteurs agissent avec détermination. Trop de choses étaient en jeu, écrit Die Zeit: le Kenya, destination touristique de rêve, a été jusqu’à présent une ancre de stabilité sur un continent agité ainsi que la principale force économique de la région. Il passe de surcroit pour un partenaire fiable dans la lutte contre le terrorisme en Afrique. Raison pour laquelle l’intérêt de Washington était particulièrement grand. Cela dit, conclut le journal, la crise n’est pas encore maîtrisée. Nul ne le sait mieux que Kofi Annan.

Le Cameroun a vécu lui aussi une flambée de violence. Plus courte et moins sanglante qu’au Kenya, mais la presse allemande s’en inquiète malgré tout.

Comme le titre le Tagesspiegel de Berlin: "Le Kenya, le Tchad et maintenant le Cameroun". Un autre Etat africain risque de sombrer dans la violence. 17 personnes au moins sont mortes lors d’émeutes dans l’ancienne colonie allemande . Ces violences, le journal les explique par le mélange d’inflation galopante, de pauvreté, de corruption et d’absence de perspectives qui règne dans le pays. L’an dernier les prix des denrées alimentaires ont augmenté de 30%. Le Cameroun, poursuit le journal, pourrait pourtant tirer son épingle du jeu. Il exporte du pétrole, de la bauxite, du fer, du café, du cacao et des bois tropicaux. Les manifestants, souvent jeunes, veulent à l’évidence dénoncer les inégalités criantes au sein de la société camerounaise, note le Tagesspiegel. Les Camerounais se révoltent contre le président Biya, titre Neues Deutschland. John Fru Ndi, le chef de l’opposition, n’est pas le seul à penser que les hausses de prix montrent à quel point Paul Biya a perdu le contact avec la population. Les troubles au Cameroun sont l’expression de la frustration et du mécontentement dans un pays qui, même dans le contexte africain, présente un niveau inhabituel de corruption. Les manifestations, ajoute Neues Deutschland, sont aussi dirigées contre le régime autocratique de Biya, lequel veut de surcroit le prolonger au moyen d’une modification de la constitution. La Tageszeitung chiffre à plus de 100 le nombre de morts et note qu’après une semaine de violence sanglante les défenseurs camerounais des droits de l’homme redoutent le démantèlement de toute forme d’opposition dans la société civile.

Enfin à l’approche de l’élection présidentielle au Zimbabwe on peut lire dans la presse allemande une interview avec l’ancien ministre des finances, Simba Makoni. Il se présentera le 29 mars contre Robert Mugabe.

Simba Makoni, qui a rompu donc avec Mugabe, s’exprime dans les colonnes de la Frankfurter Rundschau. Question: pourquoi maintenant seulement? Il est clair depuis longtemps que Mugabe plonge le pays dans la ruine. Réponse de Simba Makoni: il y a encore peu de temps j’étais persuadé qu’il était plus efficace d’opérer un changement à partir de l’intérieur, à partir du gouvernement et du parti. Pendant notre congrès du mois de décembre je me suis rendu compte que nous étions dans une impasse. Aucun candidat n’a été autorisé contre Mugabe. C’est là que j’ai décidé de tenter ma chance seul. Mais, lui demande le journal, après votre candidature vous avez été exclu du parti. Si vous devenez président, il se pourrait que la ZANU-PF abandonne Mugabe et se range derrière vous. Vous considérez-vous comme le véritable représentant de la ZANU-PF? Non, souligne Simba Makoni. Je suis un candidat indépendant et j’ai créé une nouvelle plate-forme nationale pour rassembler des patriotes de tous les secteurs qui veulent aider notre nation. Il y a toutefois au sein de la ZANU-PF des gens qui se joignent à nous. Autre question: Beaucoup de Zimbabwéens veulent que les dirigeants actuels soient traduits en justice lorsqu’il y aura un changement politique. Etes-vous pour? Nous proposons un processus de réconciliation nationale, répond l’ex-ministre des finances. Un processus de guérison nationale et de réunification nationale. Nous ne serions pas crédibles si nous menacions et intimidions les gens. L‘on retiendra encore de cette interview que Simba Makoni affirme pouvoir mener sa campagne électorale sans problème, jusqu’à présent.

Enfin toujours à propos du Zimbabwe on peut lire dans la Frankfurter Allgemeine Zeitung qu’avec un taux d’inflation qui dépasse maintenant les 100 000% la planche à billets tourne à plein régime. La FAZ révèle aussi que selon le journal britannique Sunday Times une firme allemande de Munich, Giesecke et Dievrent, fournit chaque semaine des billets tout frais à la banque centrale zimbabwéenne. Ce que la firme en question ne veut ni confirmer ni démentir. Quoi qu’il en soit, poursuit le journal, il est sûr que Mugabe utilise en priorité les nouveaux billets pour accorder des hausses de solde à l’armée et s’assurer ainsi sa loyauté à l’approche des élections générales de la fin du mois.