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Afropresse, l'Afrique à travers la presse allemande

Marie-Ange Pioerron25 avril 2008

Les journaux allemands font une large place à la visite du président rwandais, Paul Kagamé, en Allemagne.

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Paul Kagamé et Angela MerkelImage : picture-alliance/ dpa

Paul Kagamé était ici en visite d'Etat, ce qui signifie qu'il a été reçu officiellement par son homologue allemand Horst Köhler. Et ce dernier se fait interpeller, dans les colonnes de la Frankfurter Rundschau, par le journaliste et écrivain Hans Christoph Buch. Je sais, écrit Hans Christoph Buch dans une lettre ouverte au président allemand, je sais que le tapis rouge est parfois déroulé aussi pour des dictateurs. Pour obtenir la libération d'otages, il faut parler avec les ravisseurs, surtout lorsqu'il ne s'agit pas seulement d'individus mais de peuples entiers - le Darfour et le Zimbabwe en sont des exemples. Mais rappelle un peu plus loin Hans-Christoph Buch, j'ai vu de mes propres yeux comment l'armée gouvernementale rwandaise, autrement dit l'ex-front de libération commandé par Paul Kagamé, a ouvert le feu sur 80 000 civils sans défense, des réfugiés hutus entassés sur un espace de la taille d'un terrain de football, sans eau ni nourriture, exposés à un soleil de plomb et à une pluie glaciale. C'était le 22 avril 1995, dans le camp de Kibeho dans le sud du Rwanda. Selon les estimations du Haut commissariat de l'ONU pour les réfugiés, 4 000 hommes et femmes, enfants et vieillards ont été tués ce jour-là par les soldats sous les yeux d'une poignée de journalistes, dont moi-même. Le gouvernement a parlé de 300 morts au plus. Je ne peux vérifier ces chiffres. Je sais seulement qu'une jeune mère qui me tendait son bébé pour le sauver des balles a brusquement fait demi-tour parce que je craignais pour ma vie. Je m'en fais jusqu'à ce jour le reproche, ajoute Hans-Christoph Buch. La Tageszeitung crie elle aussi son indignation, mais pour une autre raison. Elle juge scandaleux que l'un des ennemis de Kagamé, Ignace Murwanashyaka, le patron des milices hutues rwandaises FDLR, puisse résider en Allemagne. La frontière entre des activités politiques légitimes et le "terrorisme" est certes une question délicate, écrit le journal. Ce que les Forces démocratiques de libération du Rwanda prétendent défendre sonne à première vue comme une bonne cause, à savoir plus de démocratie au Rwanda. En réalité elles organisent une véritable terreur contre la population civile dans l'est du Congo. Elle y entretient près de la frontière avec le Rwanda un puissant appareil militaire qui ne vise qu'un seul objectif: plonger de nouveau le Rwanda dans la guerre et renverser le gouvernement du président Kagamé, gouvernement qui reconstruit le pays d'une poigne de fer, mais avec des succès remarquables. Que la direction des FDLR puisse organiser tranquillement sa guerre à partir de l'Allemagne est un scandale, souligne le journal. La Berliner Zeitung évoque le génocide de 1994 mais note que le sauveur du Rwanda, Paul Kagamé, est soupçonné d'avoir lui-même fourni le prétexte à ce génocide. Le journal, on l'aura compris, revient sur l'enquête du juge français Jean-Louis Bruguière, pour qui Kagamé est le principal responsable de l'attentat contre l'avion du président Habyarimana, le 6 avril 1994. Mais, poursuit le journal, de nos jours, quelques bonnes nouvelles nous parviennent aussi du Rwanda. Les villes du pays comptent parmi les plus propres et les plus sûres de toute l'Afrique. Il est interdit au Rwanda de mendier, de marcher pieds nus et de porter des vêtements sales.

Le Soudan refait cette semaine son apparition dans les colonnes de la presse allemande. Le bilan des victimes de la guerre au Darfour a été revu à la hausse. Selon les Nations unies, ce sont 300 000 personnes qui sont mortes ces cinq dernières années au Darfour, soit 100 000 de plus que ce qui était supposé jusqu'à présent. Malheureusement, lit-on dans un commentaire de la Süddeutsche Zeitung, le Soudan est victime de la concurrence entre les crises de ce monde. Les révoltes de la faim dans les Caraïbes, en Asie et en Afrique, l'insurrection des Tibétains, les massacres au Kenya et l'effrontée farce électorale du dictateur zimbabwéen Robert Mugabe volent la vedette au Soudan. Dans le sud du pays la détresse humanitaire atteint une ampleur indescriptible. Personne pourtant ne s'indigne. C'est qu'à la différence du Tibet, du Kenya ou du Zimbabwe, le Soudan n'a pas de personnalités médiatiques dans l'opposition. Il n'y a pas de dalaï-lama au Soudan, pas de Raila Odinga, pas de Morgan Tsvangirai. L'ancien secrétaire général de l'ONU, Kofi Annan, qui est intervenu comme médiateur au Kenya, ne vole pas au secours des Soudanais. La population du Soudan a pourtant besoin de la médiation de diplomates internationaux. Le Soudan n'a une chance de paix que si les gouvernements africains et occidentaux exercent une pression conjointe sur le régime d'Omar el-Béchir et son allié chinois. L'entreprise est laborieuse, mais pas désespérée, comme en témoigne l'affaire du cargo chinois An Yue Jiang. Ce bateau, qui devait livrer des armes au Zimbabwe, a dû faire demi-tour, tous les pays africains lui ayant refusé d'accoster dans leurs ports. La Frankfurter Allgemeine Zeitung se félicite elle aussi de cette fermeté. C'est un bon signe, écrit le journal, un signe que la Chine ne devrait pas négliger. Il est fou d'approvisionner un régime comme celui du Zimbabwe en armes et en munitions. Les instincts politiques en Afrique australe sont encore intacts. Personne ne pourra dire qu'un homme comme le président sud-africain Thabo Mbeki est représentatif d'une région dont la réputation a durablement souffert ces dernières années.