1. Aller au contenu
  2. Aller au menu principal
  3. Voir les autres sites DW

Afropresse, l'Afrique à travers la presse allemande.

Marie-Ange Pioerron6 juin 2008

Premier sujet qui retient cette semaine l'attention des journaux allemands: le sommet de la FAO à Rome,

https://p.dw.com/p/EF4U
Manifestation d'Oxfam à Rome avant le sommet de la FAOImage : AP

La FAO vivement critiquée par la Frankfurter Allgemeine Zeitung. L'organisation des Nations unies pour l'alimentation et l'agriculture, écrit ce confrère, s'est précisément laissé surprendre par le débat sur la hausse dramatique des prix des denrées alimentaires. Bien sûr les experts de la FAO avaient prédit que la sécheresse en Australie ferait baisser l'offre de blé sur le marché mondial. Mais au siège de l'organisation nombreux sont ceux qui ont été surpris par la réaction mondiale. Jacques Diouf, le directeur général de la FAO, a réduit son message à des formules déjà bien connues, poursuit le journal. A savoir: mise en garde contre le risque grandissant de famine dans le monde et appel à plus d'argent pour l'aide au développement. Mais ce message ne manque pas seulement d'une perspective constructive, il souffre aussi d'un manque de crédibilité. Car en près de quinze ans à la tête de la FAO Jacques Diouf n'a pas réussi à impulser des changements notoires en Afrique, le continent dont il est originaire. Les pays africains, souligne la FAZ, sont moins pour Jacques Diouf les destinataires de sa politique de développement que des clients pour son élection et sa confirmation comme chef de la FAO. Il n'est donc pas surprenant qu'il s'abstienne de commentaires publics sur les pays africains, même lorsqu'un pays fertile comme le Zimbabwe est réduit à l'indigence par un despote. Le Tagesspiegel de Berlin a interrogé le Sud-Africain Kumi Naidoo, porte-parole de "l'Action mondiale contre la pauvreté". La faim, dit-il, est aujourd'hui une arme de destruction massive. Le problème est que les pays donateurs passent rapidement d'une tragédie à l'autre. Pour la Tageszeitung, le sommet de Rome n'a accouché que de paroles creuses pour ventres creux. La communauté internationale n'a pas été capable de s'entendre sur une stratégie anti-crise. Dans un long reportage la TAZ se propose aussi de donner un visage à cette crise alimentaire. Aska Karubo Ubare est Kényanne. Elle vit à Kibera, le plus grand bidonville de Nairobi, et à 42 ans elle vient d'entrer pour la première fois dans un supermarché. Après les violences du début de l'année, explique le journal, l'organisation CARE a distribué 6 000 bons d'achat d'une valeur de 1 000 shillings chacun, soit environ 10 euros, aux habitants les plus nécessiteux de Kibera. Ubare en fait assurément partie. Outre ses trois enfants, cette femme séropositive élève aussi deux orphelins dont les parents sont morts du sida. Elle n'a plus vu son mari depuis des années. Son petit atelier de couture a été incendié en janvier par des inconnus. Avec le chèque de Care elle a acheté de la farine de maïs, 3 litres d'huile de tournesol, 2 kilos de sucre, un morceau de savon et 25 sachets de thé. Ne lui restent plus que 40 shillings, dont elle a besoin pour prendre le bus.

Le Soudan revient aussi cette semaine dans les colonnes de la presse allemande. 80 000 personnes ont fui les combats qui ont éclaté dans la zone frontalière entre le Nord et le Sud-Soudan.

Apocalypse à Abyei, titre la Berliner Zeitung dans son édition du 3 juin. Depuis le 31 mai de violents combats opposent la 31ème brigade de l'armée soudanaise, appuyée par des cavaliers arabes, à des unités de la SPLA, l'armée de libération du sud-Soudan, l'ex-rébellion donc. L'émissaire spécial des Etats-Unis pour le Soudan, Richard Williamson, parle d'une atmosphère de fin du monde. Un médecin, autrichien, de Médecins sans Frontières, qui a travaillé auparavant au Darfour estime que, dans une certaine mesure, la situation était meilleure au Darfour où il y a au moins des camps bien organisés. C'est à Abyei et dans les environs, souligne le journal, que se trouvent presque tous les gisements de pétrole du Soudan. Pour le président El-Béchir l''enjeu est donc infiniment plus grand qu'au Darfour. Les deux camps sont de surcroît soumis à une pression extrême. Après l'attaque surprise de rebelles du Darfour sur Khartoum début mai, Omar El Béchir doit faire preuve de fermeté pour apaiser les voix critiques qui s'élèvent dans son propre camp. D'autre part, poursuit le journal, ce conflit autour d'Abyei arrive à point nommé pour les ex-rebelles de la SPLA. La corruption liée à la mauvaise gestion économique les rend de plus en plus impopulaires.

Enfin la presse allemande nous livre cette semaine une réflexion sur l'aide à l'Afrique. Elle est publiée dans le quotidien Die Welt et signée Tobias Kahler, le directeur de la section allemande de DATA, une association dont le sigle anglais signifie Dette, sida, commerce, Afrique. Il est vrai, lit-on dans cette tribune libre, que les défis de l'Afrique sont immenses. Il est vrai que l'objectif de l'aide est de devenir superflue. Mais il est vrai aussi que la nouvelle aide au développement s'est libérée depuis longtemps des griffes de la politique de puissance de la guerre froide. Le nombre d'enfants qui aujourd'hui vont à l'école en Afrique a augmenté de 29 millions par rapport à il y a neuf ans. Il y a aussi des échecs, poursuit Tobias Kahler. Mais détruit-on une maison neuve parce qu'on s'est trompé dans les mesures d'une porte. A l'avenir nous pourrions fortement profiter d'un commerce dynamique avec l'Afrique, un marché de près d'un milliard de personnes, à 14 km de l'Europe. N'abandonnons pas les relations avec l'Afrique à des pays comme la Chine. Nous devons résoudre aujourd'hui les problèmes de l'Afrique pour qu'ils ne deviennent pas les nôtres demain. Tenir les promesses faites à l'Afrique est un investissement dans notre propre avenir. C'est pour l'Allemagne une question de crédibilité, de sécurité et de prospérité.