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Afropresse, l'Afrique à travers la presse allemande

Marie-Ange Pioerron14 novembre 2008

Cette semaine encore la région des Grands Lacs est très présente dans les journaux allemands. Tout d'abord avec la crise diplomatique entre le Rwanda et l'Allemagne.

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Manifestants devant l'ambassade d'Allemagne à KigaliImage : AP

Rose Kabuye,la directrice du protocole rwandais, était sous le coup d'un mandat d'arrêt européen, émis par la France. Elle a été arrêtée à Francfort puis placée sous écrou extraditionnel.

La Tageszeitung brosse un portrait de celle qu'il qualifie d'héroïne controversée de la guerre de libération. Les lecteurs allemands apprennent que Rose Kabuye a 47 ans, et qu'elle est la femme à occuper le grade le plus élevé dans l'armée rwandaise, celui de lieutenant-colonel. Comme Kagamé, dont elle est très proche, Rose Kabuye a grandi en exil en Ouganda, et a participé à la création du Front patriotique rwandais. Pendant le génocide de 1994, elle commandait comme major des unités du FPR , le FPR qui a alors conquis le Rwanda en trois mois. Par la suite, poursuit le journal, elle sera maire de Kigali puis député avant donc de diriger aujourd'hui le protocole. Mais comme on peut le lire dans la Frankfurter Allgemeine Zeitung, Rose Kabuye est beaucoup plus que la chef du protocole. Elle est un symbole de la lutte des Tutsis contre le régime criminel hutu du début des années 90. Elle a fait partie du noyau dur de l'armée rebelle tutsi commandée par Paul Kagamé. Madame Kabuye, note de son côté Die Welt aurait eu toutes les possibilités d'échapper à son arrestation. Depuis que son projet de voyage à Francfort était connu, Berlin l'avait mise en garde par le biais de divers canaux pour lui faire savoir que le mandat d'arrêt serait exécuté. Se pourrait-il, s'interroge alors Die Welt, qu'elle doive tester, à la demande de Paul Kagamé, les preuve contenues dans le dossier de la justice francaise? Car poursuit le journal, Paul Kagame serait impliqué lui aussi dans l'attentat contre l'avion de l'ancien président rwandais Habyarimana. Seule son immunité de chef d'Etat le met à l'abri d'un mandat d'arrêt français. La Süddeutsche Zeitung relève qu'après l'expulsion de l'ambassadeur d'Allemagne du Rwanda, le ministre-président de Rhénanie Palatinat, Kurt Beck, compte intervenir dans la querelle, pour l'apaiser. La Rhénanie-Palatinat est jumelée avec le Rwanda depuis 1983. Le conflit, souligne le journal, survient à un très mauvais moment. Les contacts de l'Allemagne avec le Rwanda sont requis pour résoudre la crise au Congo.

Plusieurs journaux font effectivement le lien entre cette affaire franco-germano-rwandaise et la guerre dans l'est de la République démocratique du Congo.

Pour la Tageszeitung par exemple il ne s'agit pas seulement des dommages causés aux relations germano-rwandaises, cela est réparable. Il y va de la position de l'Allemagne dans la quête de la paix dans la région des Grands Lacs. La France, souligne le journal, a été profondément impliquée dans le génocide rwandais de 1994. Elle ne s'est jamais remise d'avoir perdu ensuite le Rwanda comme zone d'influence. Qu'un juge d'instruction français puisse délivrer contre des responsables politiques rwandais des mandats d'arrêt sur la seule base de souvenirs de Rwandais en exil ne parle pas en faveur de l'indépendance de la justice française. Si l'Allemagne et, au delà, l'Union européenne, se commettent avec une compagnie aussi douteuse , c'est leur neutralité qui est définitivement sacrifiée. Or si l'Europe s'exclut de la recherche de la paix au Congo, elle laisse du même coup le champ libre aux fauteurs de guerre. Ce n'est pas un hasard,poursuit le journal, si le Rwanda commence à admetre la présence de combattants rwandais dans la rébellion de Laurent Nkunda, alors que l'Angola officialise à posteriori, par l'annonce d'un envoi de troupes, la présence de soldats angolais aux côtês des FARDC. La graine d'une nouvelle guerre africaine, avec le Congo comme champ de bataille, est semée, ajoute la TAZ. L'Europe peut jouer les spectateurs.

C'est aussi la crainte nourrie par une bonne partie de la presse allemande.

La Berliner Zeitung brandit le spectre d'une "deuxième guerre mondiale africaine" avant de rappeler que lors de la première, de 1998 à 2003, des armées de sept pays ont combattu à certains moments sur le sol congolais. Tandis qu'au dernier sommet de Nairobi, note le journal, on fabulait encore sur des solutions diplomatiques, des soldats angolais étaient aux côtés des troupes congolaises pour tirer sur les rebelles. Qui plus est, la SADC s'est dite prête à envoyer des troupes. La Namibie, le Zimbabwe, la Zambie et l'Afrique du sud ont déjà été des alliés de Kabila. Du côté de la rébellion de Laurent Nkunda, poursuit notre confrère, les effectifs augmentent eux aussi, notamment par le recrutement d'enfants soldats. En Ouganda des hommes de Nkunda enrôlent des jeunes comme mercenaires - au su du gouvernement ougandais. Les volontaires reçoivent cent euros puis sont formés dans les environs de Hoima, dans l'ouest de l'Ouganda. L'espoir que les occidentaux puissent empêcher une escalade s'est évanoui, souligne le journal. Car l'ONU et l'UE ont décidé de ne pas envoyer de forces de paix plus efficaces. Pour la Tageszeitung l'ONU attise même le conflit en mettant en garde contre le risque de génocide. Car ajoute la TAZ, dans cette nouvelle guerre le risque de génocide fait précisément partie, dans tous les camps, de la propagande mobilisatrice. L'ONU ne peut pas d'un côté redouter un génocide et de l'autre souligner qu'il n'y a pas de solution militaire. Si certains planifient un génocide au Congo, il importe de les neutraliser de force.

Enfin toujours à propos de la RDC, on peut lire cette semaine sur deux pleines pages de la Frankfurter Allgemeine Zeitung le récit de son correspondant en Afrique, Thomas Scheen. Il a été enlevé le 4 novembre dernier à Kiwandja par des milices maï-maï puis libéré trois jours plus tard. Son salut, Thomas Scheen l'a dû en grande partie à des officiers des FARDC. Mais il ne dit pas si la rançon de 30 000 dollars demandée par ses ravisseurs a été payée ou pas.