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« Au nom de la France » (un journal allemand)

Yvon Arsenijevic27 avril 2004

Eugen Lucius – vous connaissez ? C’est un chimiste, fondateur de Hoechst, au XIXe siècle, à Francfort. Hoechst allié plus tard à Rhône-Poulenc pour devenir Aventis avant de « fusionner » avec le français Sanofi-Synthélabo au terme d’une sacrée bagarre. Cela, c’était hier. Aujourd’hui, la Frankfurter Rundschau propose un portrait du vieux chimiste dans un épais dossier consacré à la naissance de Sanofi-Aventis, désormais troisième pharmacien du monde. Des dossiers aussi épais, la presse allemande en fourmille, mais quand, en plus, on appelle les ancêtres à la rescousse, c’est quelque part le signe qu’on a vraiment mal et qu’on enrage. C’est le cas de la presse allemande aujourd’hui.

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Jean-François Dehecq, Pdg de Sanofi, a emporté la décision dans la bataille Aventis
Jean-François Dehecq, Pdg de Sanofi, a emporté la décision dans la bataille AventisImage : AP

Die Welt, à Berlin : « Paris triomphe : Sanofi avale Aventis » – comme une simple gélule, pourrait-on ajouter.
Die Tageszeitung (à Berlin aussi) parle d’ailleurs d’un « pilule-poker » au cours duquel l’OPA inamicale du petit français Sanofi sur le gros franco-allemand Aventis est soudain devenue « amicale » - transformation que le journal traduit par ce (très) joli titre : « Bouffe-moi, s’il te plaît ».
Alors par quel miracle, cette transformation ? La réponse fuse : l’ingérence des gouvernants français, de ceux que la Süddeutsche Zeitung appelle carrément les « héritiers du Roi Soleil » : comme sous Colbert et Cie, quand toute l’économie devait marcher au pas de Louis XIV, s’exclame le journal de Munich qui refuse de se bercer d’illusions : le nouveau champion sera FRANÇAIS.
Alors, si le coup de baguette pas magique du tout donné par Paris déplaît fortement aux éditorialistes, que dire de ses conséquences, surtout quand le chancelier allemand (critiqué par l’opposition pour son inaction) plaide pour la neutralité politique en matière d’industrie : bravo, le félicite Die Welt, mais à quoi cela sert-il quand d’autres ne s’y tiennent pas ? Ce qui est bon pour la France dans ce cas, ne l’est pas pour l’Europe, ajoute le journal.
L’Europe qui devrait cependant être capable, selon la Frankfurter Rundschau, si elle veut vraiment jouer dans la cour des opérateurs mondiaux, non seulement de supporter ce genre concurrence entre les économies nationales, mais aussi de les gérer dans le sens d’une division du travail.
Scepticisme en tout cas aussi au Financial Times Deutschland qui doute que le choix (même imposé) du plus petit partenaire soit le bon. D’abord, l’alternative suisse (à savoir Novartis) est mieux placée que Sanofi sur le marché américain, ensuite, ses produits sont un meilleur complément au catalogue Aventis, et puis surtout les brevets : ceux de Novartis sont sûrs, insiste notre confrère de Hambourg, tandis que ceux des produits phares de Sanofi sont menacés à moyen terme. Seulement – et nous y revoilà – les Suisses n’ont pas fait le poids face à Paris.
Paris qui « se réjouit », comme le note également la Frankfurter Allgemeine mais tout en découvrant quand même un aspect positif à la « pharma-fusion » dans le domaine... de l’emploi... là ,justement, où la plupart de ses confrères se font l’écho de mille craintes : Sanofi ne visait pas seulement l’activité américaine du groupe franco-allemand, écrit le journal, il est tenté aussi par la production d’insuline en Allemagne, le parc technologique le plus moderne du monde dans ce domaine, alimenté par un bon milliard d’investissements ces quatre dernières années. Quand on rachète quelque chose d’aussi moderne, conclut le journal, ce n’est pas pour le balancer – c’est pour le garder.