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Côte d'Ivoire: plus dure sera la réconciliation

29 avril 2011

La Côte d'Ivoire continue de retenir l'attention de la presse allemande. Il y a eu cette semaine un article très critique envers le nouveau président Alassane Ouattara.

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Des soldats pro-OuattaraImage : AP

Cet article est paru dans la Frankfurter Allgemeine Zeitung, sous le titre "pas de réconciliation en vue". Les habitants d'Abidjan, écrit notre confrère, ont derrière eux quatre semaines de combats de rues entre les troupes du président internationalement reconnu, Alassane Ouattara, et celles de l'ancien président Laurent Gbagbo. Tout le monde a hâte de retrouver une vie normale. Alors tout est bien qui finit bien? Certainement pas, répond le journal qui en veut notamment pour preuve les combats livrés par les soldats de Ouattara aux partisans du président déchu dans le quartier de Yopougon, un fief des pro-Gbagbo. Des armes lourdes y sont utilisées dans des zones d'habitation sans égard pour les pertes civiles. Les rebelles ont tué des dizaines de personnes, dont des femmes qui ont eu le malheur de se trouver au mauvais endroit au mauvais moment. Il existe d'innombrables rapports sur des cas de justice expéditive, et pourtant la mission des Nations unies en Côte d'Ivoire, l'ONUCI, ne trouve rien à dire sur les violations massives des droits de l'homme par les forces de Ouattara. C'est précisément ce deux poids, deux mesures, poursuit le journal, qui conforte les partisans de Gbagbo dans la conviction qu'ils sont victimes d'une conjuration internationale contre laquelle ils entendent se défendre par tous les moyens.

Elfenbeinküste Einsatz Frankreich Ouattara Gbagbo
Soldats français de l'opération LicorneImage : picture alliance / dpa

Un autre journal, der Freitag, dénonce à propos de la Côte d'Ivoire le retour du Supergendarme, entendez par là la France. Dans la bataille d'Abidjan, note ce journal, le président Sarkozy n'a pu résister à la tentation post-coloniale. Ce sont des hélicoptères français qui ont fait en sorte que l'ex-président ivoirien soit acculé à la capitulation. La Côte d'Ivoire pourtant - cette vitrine d'une région portant l'empreinte de la France - était censée témoigner d'un changement de paradigme dans la politique africaine de l'Elysée et du Quai d'Orsay: finie l'ingérence robuste, place à la subtilité diplomatique. Les accords de Marcoussis comme ceux de Ouagadougou ont eu des mentors français qui ont plaidé pour un partage du pouvoir entre rebelles du nord et forces armées du sud loyales à Laurent Gbagbo. Mais lorsque la France a été entrainée dans le bourbier ivoirien par une guerre civile impossible à contenir, le charisme du médiateur sincère s'est révélé peu convaincant.

Uganda Unruhen in Kampala
Manifestation à KampalaImage : dapd

Des marcheurs réprimés

Dans l'est de l'Afrique la répression des manifestations en Ouganda continue. C'est aussi un sujet qui trouve un écho dans la presse allemande. "Walk to work" - aller au travail à pied, c'est le thème de la campagne lancée par l'opposition pour protester contre la hausse des prix des carburants et des denrées alimentaires. Mais, note la Süddeutsche Zeitung, en réalité l'enjeu est beaucoup plus large. Kizza Besigye, le principal opposant, dit que l'Ouganda doit se libérer de la dictature de Yoweri Museveni. Les partisans du président dénoncent un agitateur qui tente de renverser un gouvernement légitime. Un dialogue entre les deux hommes semble exclu. Ils furent autrefois alliés, ils sont devenus des ennemis acharnés. Tous deux sont des combattants et ils jouent leur tout pour le tout. Museveni, note plus loin le journal, n'est pas encore confronté à des mouvements de masse comme dans le monde arabe - peut-être aussi parce que beaucoup d'Ougandais craignent que sans lui le pays plonge dans le chaos.

Marktfrau in Lira, Stadt im Nordwesten Ugandas
Au marché de Lira, dans le nord de l'OugandaImage : DW

DDT contre cultures bio

L'Ouganda fait aussi parler de lui pour une autre raison. Plusieurs journaux relatent les méfaits du DDT sur les cultures bio. die tageszeitung évoque les malheurs d'un agriculteur, qui réussissait dans la culture de coton bio jusqu'au jour où du DDT a été pulvérisé sur sa case. Du jour au lendemain sa récolte est devenue invendable. Aucun autre pays d'Afrique, souligne le journal, ne pratique autant l'agriculture biologique que l'Ouganda. En 2008, près de 300 000 hectares étaient cultivés selon des critères biologiques. La même année, les recettes d'exportation tirées de l'agriculture bio ont atteint 15,8 millions d'euros, soit 300 % de plus qu'en 2004. Et puis le gouvernement ougandais a commencé à utiliser du DDT pour combattre les moustiques qui transmettent le paludisme. Une provocation pour beaucoup de paysans bio, car le gouvernement propage l'agriculture conventionnelle. La Frankfurter Allgemeine Zeitung relève que les écologistes en Ouganda se battent depuis longtemps contre le DDT et autres pesticides. Mais face aux ravages du paludisme en Afrique, 122 Etats ont signé il y a dix ans la "Convention de Stockholm". Elle interdit certes l'usage d'insecticides chimiques, mais autorise une exception, à savoir la lutte contre les moustiques du paludisme lorsqu'il n'existe aucune alternative efficace et peu coûteuse.

Handelskammer Hamburg
Chambre de commerce de HambourgImage : Handelskammer/Zapf

Hospitalité en bras de chemise

En point final la presse livre un article plutôt grinçant sur la facon dont les chefs d'entreprise allemands parlent avec les Africains. La Süddeutsche Zeitung a assisté au récent forum énergétique germano-africain, tenu à la Chambre de commerce de Hambourg. Secrétaires d'Etat et ministres africains, écrit notre confrère, ont ajusté leurs boutons de manchettes et viennent à Hambourg pour parler des besoins d'investissements et des projets d'infrastructures dans leurs pays. Il est question de pétrole, de gaz, d'éoliennes. Les patrons de l'industrie allemande écoutent, et prennent des notes. Les relations économiques allemandes avec l'Afrique offrent un niveau d'échange sur lequel la souffrance, la compassion et l'apitoiement sur soi-même - un mélange qui plombe habituellement l'image de l'Afrique - ne jouent subitement aucun rôle. On ne parle ici de politique qu'en passant, comme de la météo - à moins que de nouvelles lois africaines viennent de vous torpiller vos affaires. On ne pose aucune question superflue, pas même aux invités zimbabwéens bien nourris. L'organisateur de ce forum, l'Afrika-Verein, l'association Afrique de l'économie allemande, maîtrise l'art de l'hospitalité en bras de chemise, conclut le journal.

Auteur: Marie-Ange Pioerron
Edition: Fréjus Quenum