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Charles Taylor: plus dure sera la chute

27 avril 2012

La presse réagit au verdict prononcé contre Charles Taylor, par le tribunal spécial pour la Sierra Leone. L'ancien président du Liberia a été reconnu coupable de crimes de guerre.

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Le procès Taylor retransmis en direct à FreetownImage : Reuters

Un quotidien comme Die Welt salue ce verdict. L'ancien prédicateur baptiste converti au judaïsme s'est présenté devant le tribunal comme la victime d'une conjuration politique. Mais les juges n'ont pas mordu aux mensonges du chef de guerre. Ils ont écrit l'Histoire, souligne Die Welt. Ce verdict n'empêchera certes pas des dictateurs et des criminels de guerre de commettre encore des atrocités à l'avenir. Mais il émet un signal clair: l'impunité n'est plus garantie. Charles Taylor, se demande la Süddeutsche Zeitung, a-t-il réellement commandé, financé, soutenu par des livraisons d'armes un mouvement rebelle particulierement cruel (le RUF sierra leonais) et donc répandu une souffrance indicible sur tout un pays? Cette question n'a pas vraiment été élucidée, estime le journal, et un principe d'airain veut que le doute profite toujours à l'accusé. L'accusation a finalement triomphé, pas sur tous les points, mais cela suffira pour envoyer pendant longtemps Charles Taylor dans une prison britannique. C'est l'endroit dans lequel atterrissent normalement les salauds.

Sierra Leone zu Beginn des Taylor-Prozesses
Victimes de la guerre civile en Sierra LeoneImage : picture-alliance/dpa

La photo de Charles Taylor s'étale en première page de die tageszeitung qui estime dans son éditorial que le procès Taylor est à bien des égards ambigu. Le journal tient tout d'abord à souligner que l'ancien chef d'Etat a seulement été reconnu coupable d'avoir aidé et encouragé des crimes de guerre, et non de les avoir ordonnés. Imputer l'entière responsabilité de ces crimes à Charles Taylor était une accusation osée, et artificielle, car c'était réduire les rebelles sierra leonais à de simples marionnettes aux mains d'un seigneur de guerre diabolisé. L'image d'un Charles Taylor démoniaque était sans doute pratique pour tous les autres criminels de guerre en Afrique de l'ouest, mais n'avait que peu de rapport avec la recherche de la vérité. Si le procès Taylor doit avoir valeur de précédent, la leçon à en tirer doit être celle d'une plus grande objectivité.

Sudan Ölfeld Heglig Zerstörungen
Installations pétrolières détruites à HegligImage : Reuters

Champ de ruines à Heglig

La tension inaltérée entre les deux Soudans continue de préoccuper la presse. Omar el Béchir, le président soudanais, a célébré la reprise des champs de pétrole de Heglig, qui avaient été occupés par l'armée sud-soudanaise. Mais selon un quotidien allemand, il n'a pas vraiment de raisons de se réjouir. Lorsque Omar el Béchir s'est rendu à Heglig, écrit la Frankfurter Allgemeine Zeitung, c'est une image de désolation qui s'est offerte à son regard. Beaucoup d'installations sont détruites, d'autres sont minées et ne seront pas remises de sitôt en marche. Or le gouvernement de Khartoum a de toute urgence besoin de ces champs de pétrole. Sur les 130 000 barrils de pétrole brut produit chaque jour au Soudan, 80 000 proviennent de Heglig. Le conflit pour Heglig, poursuit le journal, est d'une toute autre nature que les innombrables escarmouches observées le long de la frontière depuis la déclaration d'indépendance du Soudan du sud en juillet de l'année dernière. Selon la décision de la Cour internationale de justice en 2009, Heglig appartient sans conteste au Soudan. Son occupation par l'armée sud-soudanaise relève donc d'une guerre d'agression. Mais le journal en arrive à la conclusion qu'aucun des deux Etats ne peut s'offrir le luxe d'une guerre. Le Soudan du sud, après l'arrêt de sa production pétrolière, est en faillite. Le Soudan n'a pas de quoi financer durablement une guerre sur deux fronts: au sud donc, et à l'ouest contre les rebelles du Darfour.

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Omar El Béchir à Khartoum le 20 avril 2012Image : Reuters

Un autre journal redoute pourtant une escalade. Et il pointe tout spécialement le doigt sur Khartoum. Le Soudan mise sur l'escalade dans la guerre avec le sud, titre die tageszeitung, qui signe par ailleurs un éditorial rageur contre Omar El Béchir. Pendant combien de temps encore, demande le journal, la communauté internationale va-t-elle regarder les agissements de ce Monsieur? Un mandat d'arrêt international a été délivré pour génocide contre le président soudanais. Béchir a qualifié récemment les Soudanais du sud "d'insectes". Depuis le génocide de 1994 au Rwanda, c'est la rhétorique africaine classique pour désigner un peuple à l'extermination. Mais ses homologues africains, poursuit le journal, le protègent. Et comme la plupart des bourreaux sur terre, il peut compter sur la solidarité indéfectible de Moscou et de Pékin. Quant à l'Europe, s'indigne die tageszeitung, ses ministres des affaires étrangères en sont encore à appeller les deux parties "à renouveler leurs efforts pour parvenir à un accord par le dialogue." Cela devrait enthousiasmer les insectes sud-soudanais.

Hauptbahnhof von Kinshasa (Demokratische Republik Kongo)
La gare centrale de KinshasaImage : Saleh Mwana Milongo

Kinshasa: un ghetto pour les riches

Plus au sud le même journal, die tageszeitung, consacre un long article à Kinshasa, la capitale de la République démocratique du Congo. Une ville tentaculaire qui pose des défis gigantesques pour la rendre plus vivable.Aucune autre ville en Afrique ne croît actuellement plus vite que Kinshasa, écrit le journal. Selon les estimations sa population est passée de 8 à 12 millions d'habitants ces cinq dernières années. La hausse du prix des terrains suit la même cadence. Qui veut s'acheter un logis dans le centre-ville doit débourser au moins 2 000 dollars par mètre carré - deux à trois fois plus pour des maisons avec vue sur le fleuve (le Congo). Sur la liste des villes les plus chères du monde, Kinshasa se classe à la 24ème place. En termes de qualité de vie, elle est tout en bas. Dans son plan de développement de 2007, la municipalité énumère des projets ambitieux: ramassage des ordures, accès à l'eau et au courant, construction d'hôpitaux et d'écoles. Et il est vrai que les Chinois ont refait huit grandes avenues. Mais le plus ambitieux de tous les projets, poursuit le journal, consiste non pas à moderniser les infrastructures mais à en créer de nouvelles de toutes pièces. C'est ce qui est en train d'être fait, au milieu du fleuve Congo, par la construction d'une île artificielle, financée par un fonds spéculatif britannique. Elle occupe actuellement la superficie de 53 terrains de football. Dans cinq ans elle sera dix fois plus grande. Des villas de style européen ou arabe y seront construites. Bref on aura compris que cette île artificielle est destinée à une mince élite, qui laissera les quartiers miséreux loin derrière elle.

Salafisten Ägypten
Des salafistes au Caire, avril 2012Image : DW

La succession de Moubarak est ouverte

Enfin l'approche de l'élection présidentielle en Egypte est suivie avec intérêt par les journaux allemands. Le scrutin aura lieu les 23 et 24 mai. Et la commission électorale a publié la liste définitive des treize candidats qui pourront briguer la succession de Hosni Moubarak. "Cherche désespérement pharaon", titre l'hebdomadaire Der Spiegel. Après leur victoire aux élections législatives, les islamistes partent affaiblis dans la course présidentielle. Deux de leurs principaux candidats ont été écartés. Le journal évoque notamment l'élimination du salafiste Hazem Abou Ismaïl. L'islam, écrit notre confrère, a peut-être des réponses à de nombreuses questions. Il en est une pourtant qui reste pendante: comment se fait-il que la mère - décédée depuis longtemps - du très dévôt Abou Ismail ait pu demander un permis de séjour aux Etats-Unis. Et comment se fait-il qu'elle ait même obtenu plus tard la nationalité américaine, ce pour quoi son fils vient d'être éliminé de la course à la présidence. Selon le code électoral les candidats doivent être Egyptiens de père et de mère. L'élimination d'Abou Ismaïl n'est pas pour déplaire, estime le Spiegel. Bon nombre d'Egyptiens qui avaient voté pour les islamistes aux législatives, poussent secrètement un soupir de soulagement.

Auteur: Marie-Ange Pioerron
Edition: Fréjus Quenum