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Coupables mais pas responsables

Christophe LASCOMBES19 octobre 2004

Outre les grands dossiers politiques nationaux et internationaux, les commentateurs de la presse allemande s’attachent aussi aujourd’hui à la condamnation de trois agents du Bundesgrenzschutz , la Police allemande de l’Air et des Frontières, accusés de la mort d’Amir Ageeb, demandeur d’asile soudanais, lors de sa reconduite au pays sur un vol de ligne Lufthansa en mai 1999.

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Menottés, ligotés, voire bâillonnés, le traitement des demandeurs d'asile expulsés d'Allemagne n'est pas des plus tendres
Menottés, ligotés, voire bâillonnés, le traitement des demandeurs d'asile expulsés d'Allemagne n'est pas des plus tendresImage : dpa

Une peine légère de seulement neuf mois de prison avec sursis, constate la Frankfurter Allgemeine Zeitung. La clémence de la Cour a surtout été motivée par la défaillance impardonnable de la hiérarchie des trois fonctionnaires. Selon les attendus du jugement, ces supérieurs ont démontré une ignorance et une incompétence crasses.

Die Welt reprend les mêmes termes et enfonce le clou et cite, in extenso, le juge : « C’est à se demander si l’ancien patron du Bundesgrenzschutz a jamais entendu parler de formation policière », fin de citation. Pour le tribunal, il s’agissait ici d’une situation exceptionnelle et il a clairement refusé de laisser les policiers payer pour l’incurie de leurs supérieurs.

Pour la Süddeutsche Zeitung, il s’agit là d’irresponsabilité organisée. Ce jugement semble confirmer un cliché, celui qui veut que les responsables administratifs peuvent se permettre les plus grosses erreurs sans devoir jamais en payer les conséquences. Seulement là, il ne s’agit pas d’une erreur mais bel et bien d’un crime, souligne le journal. Il s’agit de fonctionnaires dont les supérieurs hiérarchiques ont exigé des missions sans leur donner la formation adéquate. Ces responsables, ou plutôt irresponsables organisés, s’en tirent à bon compte car aucun paragraphe du Code Pénal ne prévoit de condamner une telle incurie. Le fait que les règles de reconduite aient été modifiées après la mort du Soudanais confirme également un cliché : il faut d’abord que quelque chose se produise avant que les choses ne changent.

Amertume, titre la Frankfurter Rundschau. Ce jugement laisse un arrière-goût d’amertume, en raison de sa clémence et de sa sévérité. Du fait qu’il s’agissait de fonctionnaires d’Etat, il aurait fallu éviter tout risque de minimisation de l’horreur de cet acte, une minimisation pourtant générée par le fait que ce procès a trop longtemps été repoussé au lieu d’être traité en priorité. Le juge a pu éclairer un chapitre noir de la politique d’asile de l’Allemagne. Rien qu’à Francfort, ce sont 10 000 personnes qui chaque année sont raccompagnés contre leur gré dans le pays qu’elles ont fui. Amir Ageeb n’a certainement pas été le premier à payer de sa vie un tel conflit. Si certaines améliorations ont été mises en place, il n’en reste pas moins qu’un grand progrès reste encore à faire : une politique d’asile qui rend inutiles les expulsions forcées, conclut le journal !