1. Aller au contenu
  2. Aller au menu principal
  3. Voir les autres sites DW

Des dirigeants africains au service du peuple ?

Anne Le Touzé26 février 2016

Au Zimbabwe, le président Robert Mugabe célèbre avec faste ses 92 ans, alors que son pays est confronté à la sécheresse. Les journaux commentent aussi le résultat de l'élection présidentielle en RCA et en Ouganda.

https://p.dw.com/p/1I37f
Robert Mugabe a offert 300 vaches à l'Union africaine pour aider l'organisation à devenir plus indépendante financièrement
Robert Mugabe a offert 300 vaches à l'Union africaine pour aider l'organisation à devenir plus indépendante financièrementImage : picture alliance/dpa/A. Ufumeli

Un journaliste de l'hebdomadaire Der Spiegel témoigne: Au moment des indépendances, Robert Mugabe était une providence pour un continent écorché. Aujourd'hui, je le considère comme un criminel d'Etat et je me demande comment on peut autant se tromper sur un homme. Comment un porteur d'espoir a pu se transformer en dictateur brutal, dont le régime voyou a plongé un pays prospère dans l'abîme. Mugabe est depuis 36 ans au pouvoir et compte y rester encore 100 ans. Il a déjà annoncé sa candidature à la présidentielle de 2018, mais sa fin a déjà commencé. Au sein de son parti, c'est la guerre ouverte, souligne le journaliste.

La lutte de pouvoir pour la succession de Mugabe est à son comble, confirme la Berliner Zeitung. Au début de l'année, la vice-présidente Joyce Mujuru a été renvoyée de son poste et de son parti. Mugabe lui a reproché de vouloir le tuer. Et le président zimbabwéen a placé son épouse, de 40 ans sa cadette, dans les starting-blocks. Et depuis, Grace Mugabe livre un combat sans merci au "crocodile" Emmerson Mnangagwa, un partisan de la ligne dure qui accompagne Mugabe depuis le combat pour l'indépendance et a sûrement autant de cadavres dans son placard que l'autocrate lui-même. Les observateurs estiment tout à fait possible que cette lutte de pouvoir débouche sur un conflit sanglant dans un pays déjà durement éprouvé.

Le président zimbabwéen a soufflé ses 92 bougies, pendant qu'un quart de la population meurt de faim
Le président zimbabwéen a soufflé ses 92 bougies, pendant qu'un quart de la population meurt de faimImage : Reuters/P. Bulawayo

L'état de catastrophe a été déclaré au Zimbabwe, souligne la Neue Zürcher Zeitung. La sécheresse risque d'entraîner une famine. Des milliers de bêtes sont déjà mortes de faim et des milliers de puits sont asséchés. Le gouvernement estime à 1, 6 milliard de dollars le montant nécessaire pour importer du maïs et réparer les système d'irrigation. Un million et demi de personnes dépendent de l'aide alimentaire. Le problème est que les promesses de dons se font rare, car beaucoup craignent que l'argent disparaisse dans la poche du président. L'an dernier, sa fête d'anniversaire avait coûté un million de dollars...

Démocraties de façade

Le président ougandais Yoweri Museveni rempile pour un nouveau mandat de cinq ans et personne n'est sérieusement surpris note la Süddeutsche Zeitung. Depuis 30 ans au pouvoir, il a remporté la mise avec un score officiel de 60,8%. Auparavant, il a incité des milices à s'attaquer aux opposants, bloqué une partie de l'internet et fait emprisonner des candidats de l'opposition. Lors de sa première investiture en 1986, Museveni avait souligné que les dirigeants ne doivent "pas être les maîtres, mais les serviteurs du peuple". Entre-temps, il ne se distingue de ses nombreux voisins autocrates que dans le choix des armes, constate la Süddeutsche.

La résidence de Kizza Besigye, sous surveillance policière
La résidence de Kizza Besigye, sous surveillance policièreImage : DW/E. Lubega

Le Tagesspiegel de Berlin dresse le portrait de Victor Ochen, fondateur du réseau Ayinet ("African Youth Initiative Network") qui s'engage pour la paix en Ouganda. C'est un "Ougandais typique" : à 34 ans, il n'a jamais connu d'autre président que Museveni. Victor Ochen vit dans le nord de l'Ouganda, une région marquée pendant 20 ans par les exactions des rebelles de la LRA ; autant dire qu'il sait ce que c'est que la violence. Pendant la campagne électorale, il a écrit une lettre ouverte aux candidats à la présidentielle pour exprimer son inquiétude face à la rhétorique guerrière de Yoweri Museveni et de son principal adversaire Kizza Besigye : "Il n'y a pas de honte à perdre des élections libres et justes" écrit-il, "mais il n'y a pas non plus de paix à remporter une victoire dans la violence et dans le sang".

Selon le Tagesspiegel, les événements qui ont suivi l'annonce des résultats de la présidentielle montrent que les inquiétudes de Victor Ochen étaient fondées puisque le leader de l'opposition Kizza Besigye a contesté les résultats avant d'être de nouveau arrêté. Et lorsque les États-Unis ont appelé Yoweri Museveni à faire libérer l'opposant, on leur a fait comprendre que cela ne les regardait pas.

2016 est une super-année électorale en Afrique, avec des élections dans au moins 17 pays, rappelle la Süddeutsche Zeitung. Mais ce n'est pas pour autant un festival de la démocratie. Au contraire, c'est surtout l'occasion de montrer que dans beaucoup d'endroits, la démocratie n'est qu'une façade.

Lueur d'espoir pour le continent

Faustin-Archange Touadéra, qui avait été la grande surprise du 1er tour, est élu président de la République centrafricaine, note die tageszeitung. Il a obtenu 62,7% contre le favori de la course Anicet-Georges Dologuélé. Et ce dernier a aussitôt reconnu sa défaite, épargnant au pays un nouveau conflit. Touadéra est sans doute le seul responsable politique centrafricain qui peut se targuer d'arriver à la cheville d'Anicet-Georges Dologuélé en ce qui concerne le maniement des chiffres. Mathématicien de formation, il prend la tête d'un pays ruiné en sachant que "le plus dur reste à venir". Diriger la Centrafrique sera d'autant plus difficile qu'il n'a pas été possible d'élire un nouveau parlement en même temps que le président. La commission électorale, rappelle die tageszeitung, a annulé les élections législatives du 30 décembre en raison d'irrégularités massives. Touadéra se retrouve donc avec un parlement dans lequel il n'a pas de majorité.

Le nouveau président de la Centrafrique a du pain sur la planche
Le nouveau président de la Centrafrique a du pain sur la plancheImage : Getty Images/AFP/I. Sanogo