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Des promesses au désenchantement en Égypte

Marie-Ange Pioerron23 août 2013

La presse allemande continue de s'intéresser de très près à ce qui se passe en Égypte.

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Près d'une morgue au Caire. Des bâtonnets d'encens sont allumés contre l'odeur de décompositionImage : Markus Symank

Du printemps à l'hiver arabe... C'est la trajectoire de l'Égypte, estime l'hebdomadaire der Freitag. Une révolution inachevée a conduit à la restauration d'un État répressif qui rappelle le régime de Hosni Moubarak.

Tout avait pourtant commencé de manière si prometteuse en Égypte. La chute de Moubarak, le 11 février 2011, faisait penser à la prise de la Bastille le 14 juillet 1789. C'est tout un monde qui était ébranlé. Comme la révolution française, la révolution égyptienne vivait de sa faculté d'exprimer les besoins de son époque et de toute une région.

Ce qui a malheureusement manqué aux révolutionnaires de la place Tahrir, poursuit le journal, c'est un programme révolutionnaire qui n'élude pas la question suivante : après la chute du président, fallait-il faire tomber aussi un système qui imposait à des millions d'Égyptiens une vie sans justice ni dignité humaine ?

Berlin Protest von Amnesty International und Mursi-Anhängern
Manifestation d'Amnesty International et de pro-Mrosi devant l'ambassade d'Égypte à BerlinImage : DW/H. Kiesel

Un autre hebdomadaire, Die Zeit, évoque plus précisément le massacre du 15 août, qui a fait près de 1.000 morts au Caire chez les partisans des Frères musulmans. Ce massacre du Caire, avec ses préliminaires faites d'échec politique, de trahison et de déception, marque une triple césure, écrit le journal : l'expérience de la domestication démocratique de l'islam politique a été interrompue.

L'alliance politique entre l'occident et le principal pays arabe est sur le point de basculer, et les sphères d'influence au Proche-Orient sont redistribuées. Les diplomates occidentaux ont été trompés par les alliés égyptiens. Leur échec était voulu, il a fourni le prétexte à la violence des forces de sécurité. L'armée égyptienne a dupé ses partenaires occidentaux et a fait d'eux des complices involontaires d'un massacre.

Réactions embarrassées chez les occidentaux

EU stoppt Waffenlieferungen nach Ägypten
L'UE suspend ses livraisons d'armes à l'ÉgypteImage : Khaled Desouki/AFP/Getty Images

Bon nombre de journaux s'intéressent précisément aux réactions des occidentaux, notamment des Européens, mais aussi à l'attitude d'Israël. À propos de l'Europe tout d'abord, la Süddeutsche Zeitung relève que, comme depuis des années déjà en Syrie, les Européens se rendent compte maintenant en Égypte qu'ils ne peuvent influer de manière décisive sur le cours des choses.

Cela vaut autant pour l'Union européenne dans son ensemble que pour les membres de cette union. Ni en solo, ni comme communauté, les Européens n'ont été jusqu'à présent en mesure d'exercer une pression susceptible de dissuader les militaires, au moins à court terme, d'éliminer les Frères musulmans comme facteur politique.

Israel Ägypten Grenze zu Sinai Grenzübergang Nitzana
Poste frontière de Nitzana entre Israël et l'ÉgypteImage : Reuters

La Frankfurter Allgemeine Zeitung relève que la violence et le chaos en Égypte inquiètent les dirigeants israéliens, mais les réactions de leurs partenaires américains et européens ne les préoccupent pas moins. Israël ne veut pas donner l'impression de s'ingérer dans les affaires intérieures de l'Égypte. Mais en coulisse il cherche à convaincre Américains et Européens de ne pas laisser tomber leur principal allié. Pour Israël, l'armée égyptienne est l'unique garantie de la pérennité du premier accord de paix conclu par l'État juif avec un État arabe.

Dans la même veine, la Süddeutsche Zeitung note que l'étrange solidarité d'Israël avec les militaires égyptiens ne se nourrit évidemment pas d'un excès de sympathie mais de l'analyse suivante : dans le chaos égyptien, le général Sissi et les siens représentent pour Israël la meilleure de toutes les solutions. Les occidentaux peuvent exiger la fin de la violence et appeler à la démocratie. Vue d'un poste-frontière dans le sud d'Israël, l'alternative en Égypte se réduit à ceci : l'armée ou l'anarchie.

Le chef de Boko Haram mort une nouvelle fois

Fahndungsfoto Abubakar Shekau
Avis de recherche d'Abubakar ShekauImage : Getty Images

Au sud du Sahara, la presse allemande tourne ses regards vers le Nigeria. Un porte-parole des forces d'intervenion de l'armée nigériane dans le nord du pays a annoncé la "mort présumée" du chef de la secte Boko Haram, Abubacar Shekau. La nouvelle est accueillie au Nigeria avec beaucoup de scepticisme, lit-on dans la Frankfurter Allgemeine Zeitung.

Abubacar Shekau aurait été grièvement blessé par des soldats près de la frontière camerounaise dès le 30 juin et serait mort au Cameroun "entre le 25 juillet et le 3 août". Mais l'armée nigériane, estime le journal, a trop souvent propagé de fausses nouvelles pour qu'on la croie sur parole. Abubacar Shekau a déjà été déclaré mort en 2009. Deux ans plus tard, l'armée annonçait l'avoir arrêté. Cela se révéla également faux.

Aucune source indépendante, poursuit le journal, n'a par ailleurs confirmé la mort de l'actuel n°2 de la secte, Momodou Bama, qui aurait été tué début août dans le cadre de l'offensive militaire menée depuis le mois de mai contre Boko Haram. Mais, souligne le journal, même si la mort d'Abubacar Shekau et de Momodou Bama était avérée, cela n'aurait pas réduit la force de frappe du groupe terroriste. Depuis début août, il y a eu dans le nord du Nigeria une demi-douzaine d'attaques et d'attentats qui ont fait au moins 70 morts.

Zentralafrikanische Republik Vereidigung Michel Djotodia
Investiture de Michel DjotodiaImage : STR/AFP/Getty Images

Toujours pas d'État en Centrafrique

La République Centrafricaine inspire aussi un article à la presse allemande. La raison en est l'investiture du nouveau président Michel Djodotia. Il a prêté serment le 18 août, cinq mois après avoir chassé François Bozizé du pouvoir. « Le chef de l'État est là », titre die tageszeitung, « ne manque plus que l'Etat ».

Djotodia est à la tête d'un pays dévasté par ses propres troupes. La Séléka, rappelle le journal, est née fin 2012 comme coalition de différents groupes rebelles du nord-est musulman du pays. Des milliers de bandits de grand chemin se sont joints à elle lors de son offensive éclair sur Bangui.

Les autorités parlent aujourd'hui de 25.000 combattants, dont 20.000 n'appartenaient pas au noyau originel de la Séléka. Les exclure de la troupe présuppose l'existence d'une structure de commandement dont la Séléka ne dispose pas.

La légitimité de Djotodia, souligne plus loin le journal, a été confirmée par la présence à son investiture de ses deux voisins les plus influents, le Tchadien Idriss Déby et le Congolais Denis Sassou-Nguesso.

L'Union africaine prévoit d'envoyer une force de paix de 3.500 hommes. La France a encore 1.200 soldats sur place. Et ce sont des soldats français qui assurent la formation de la garde présidentielle de Djodotia. Pour l'ex-puissance coloniale, ajoute la Taz, cela a toujours été le moyen le plus sûr de garder le chef de l'État sous son contrôle.