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Des salaires pour les chefs traditionnels

Henri Fotso4 octobre 2013

Le Cameroun a décidé de verser chaque mois une allocation aux chefs traditionnels, considérés comme des auxiliaires de l'administration. Une décision qui soulève de nombreuses critiques.

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Chefferie von Ntsingbeu 1 + 2 : das traditionnelles Gebäude vom Chef Haus in Ntsingbeu - Eintritt vom Verein Tockem von TOCKEM : ein Verein für nachhaltigen und solidarischen Tourismus Autor : Cécile Leclerc April/MAi 2012 bei TOCKEM - in Ntsingbeu (Dorf) in Kamerun (LAnd)
Chefferie de Ntsingbeu au CamerounImage : DW/ Cécile Leclerc

Ness Ruben Essombey est chef supérieur des Sodiko, village situé au nord de Douala. Comme les autres chefs traditionnels du pays, il dispose d'un pouvoir coutumier qu'il tient des ancêtres ainsi que d'un pouvoir administratif qu'il tient de l'État. Depuis le 13 septembre dernier, un décret présidentiel attribue au roi des Sodiko et aux autres chefs traditionnels du Cameroun une rémunération mensuelle :

« Le chef de l'Etat a pensé donner cette allocation parce qu'il se dit, ça va aider les chefs. Et je suis certain que si le pays avait moyen de faire davantage, il l'aurait fait. »

Un milliard de francs CFA

200.000 francs d'allocation mensuelle pour les chefs de premier degré, 100.000 francs CFA pour les chefs de second degré, et 50.000 francs pour les chefs de troisième degré. Cela coûterait chaque mois plus d'un milliard de francs à l'État, selon certaines sources qui s'inquiètent de ce montant imprévu au début de l'année budgétaire tout comme des salaires des sénateurs récemment élus. Le chef supérieur des Sodiko s'en félicite tout de même :

« C'est bien. Nous remercions le Chef de l'Etat. Il ne faut pas que les camerounais pense que le chef de l'Etat est en train de verser des milliards sur les chefs traditionnels qui passeront du jour au lendemain à de richimes camerounais. »

« Dignité ôtée »

Tous considérés comme chefs traditionnels au Cameroun, le lamido, le sultan, le chef de village, de canton et de quartier, se félicitent de la somme qui leur est allouée. L'écrivain Valère Epée, grand initié et traditionnaliste, lui, désapprouve cette allocation qu'il juge inconsistante et assujettissante pour les garants de la tradition :

« Le chef n'a pas de salaire. Son seul salaire doit être la déférence de son peuple. Personne n'est qualifié pour lui décerner un salaire régulier. Mieux que l'attribution d'un salaire, il aurait pu revaloriser le statut du chef. Je m'en attriste, pourquoi ? Parce que je vois nos chefs encore devenus plus dépendants qu'hier. Lorsqu'ils n'avaient pas de salaire, ils avaient au moins leur dignité qui vient de leur être ôtée.»

D'aucuns soupçonnent des calculs politiques de se cacher derrière la mesure du président Biya, prise à la veille de la campagne du double scrutin du 30 septembre dernier. À en croire Ness Ruben Essombey, roi des Sodiko, l'histoire ne leur donne pas tort :

« Sous tous les cieux, pas uniquement au Cameroun, tous les hommes politiques, une fois qu'ils arrivent au pouvoir, essayent d'instrumentaliser les chefs. Regardez ce qui se passe en Afrique : dans certains pays, lors des élections présidentielles, ils font le tour des chefferies. »

L'allocation attribuée aux chefs traditionnels n'est pas, selon la loi, cumulable avec une autre rémunération de l'Etat camerounais.

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