Didier Drogba, l'espoir d'un continent

A Abidjan, tout comme dans le reste de la Côte d'Ivoire, difficile de ne pas trouver de référence en Didier Drogba. Une coupe de cheveux, un opérateur de téléphonie mobile, tout lui est associé. « Drogba est un symbole pour le football en Côte d'Ivoire. Drogba est une idole pour nous, tu comprends ? », clame un client du café Drogbacité (sic). Même la bière locale, la Bock, a été rebaptisée à son nom : la Drogba. Une bière à 6,6% d'alcool, une bière forte, puissante, une bière de caractère, à l'image du joueur, en somme.

Un joueur qui, au demeurant, aurait pu connaître une toute autre destinée. Petit, Didier Drogba avait déclaré à ses parents qu'il voulait devenir médecin. Des parents qui décident pourtant de l'envoyer en Europe auprès de sa famille, dans l'espoir d'un avenir meilleur. C'est donc à l'âge de cinq ans que le petit Didier quitte Abidjan, sa ville natale, pour rejoindre Brest, où il séjournera chez son oncle Michel Goba, ancien footballeur et international ivoirien. C'est en Bretagne qu'il découvrira l'amour de sa vie, le football : « Quand j'ai compris quel genre de sensations le football pouvait éveiller en moi, j'ai décidé d'en faire ma vie. »

37 millions d'euros pour rejoindre Chelsea

Didier Drogba commence sa carrière pro à 19 ans, au sein de l'équipe du Mans. Il retournera ensuite en Bretagne, où il jouera pour l'En Avant de Guingamp, avant de franchir un pas important dans sa carrière en signant pour l'Olympique de Marseille en 2003. Au terme d'une saison pleine, ponctuée par 32 buts en 55 matchs (toutes compétitions confondues), Didier Drogba rejoint le club londonien de Chelsea en juillet 2004. Montant de la transaction : 37 millions d'euros, ce qui en fait à cette époque le joueur africain le plus cher du monde (record « battu » une saison plus tard par le transfert du Ghanéen Michael Essien, qui signera lui aussi à Chelsea pour…38 millions d'euros).

Depuis qu'il est aux Blues de Chelsea, Didier Drogba a acquis une stature internationale. Il faut dire qu'en six saisons, le joueur a marqué 131 buts en 260 matches, soit une moyenne d'un but toutes les deux rencontres. Cette année, il a même été élu meilleur buteur de Premier League (le championnat d'Angleterre), grâce à ses 29 buts en 32 matches. Agile, puissant, Didier Drogba marque du gauche, du droit, de la tête, et surtout de presque n'importe quelle position. Un sens du but qui lui a valu de nombreuses sélections en équipe nationale de Côte d'Ivoire, dont il est naturellement devenu le capitaine. A ce jour, Didier Drogba compte 68 sélections pour 44 buts, ce qui en fait l'un des buteurs les plus prolifiques du football africain. Ses performances en club et en sélection lui ont d'ailleurs permis d'être élu deux fois Ballon d'Or africain, en 2006 et 2009.

Un homme influent, mais un homme quand même…

En tant que capitaine des Eléphants, Didier Drogba est devenu l'un des personnages les plus respectés, mais aussi l'un des plus influents de Côte d'Ivoire. Exemple : suite à la qualification des Ivoiriens pour le Mondial 2006 en Allemagne, Didier Drogba a saisi un micro, et au nom de l'équipe nationale, a appelé ses concitoyens à cesser la guerre civile qui déchirait le pays depuis quelques années : « Ivoiriens, Ivoiriennes, du Nord et du Sud, du Centre à l'Ouest […] S'il vous plaît, déposez les armes, et organisez des élections. » Certes, on attend toujours les élections, mais cette déclaration a contribué à apaiser les tensions en Côte d'Ivoire. Pas étonnant dès lors que Didier Drogba fasse partie cette année des 100 personnalités les plus influentes de la planète, selon le magazine américain « Time » d'avril 2010.

On pourrait croire que Didier Drogba est le prototype du joueur parfait, du « héros » qui porte son équipe et qui la mène à la victoire ; même ses coéquipiers ne disent que du bien de lui. Guy Demel, joueur de Hambourg, dit de son capitaine que c'est « un homme calme et sympathique. Il est là pour n'importe quel joueur, peu importe son statut, et ça, c'est simplement formidable ».

Sauf que Didier Drogba a un gros défaut : il lui arrive, par moments, de perdre son sang froid. Tout le monde se souvient de cette grosse colère qu'il avait piquée l'an dernier suite à l'élimination de son équipe de Chelsea face au FC Barcelone. Il s'était mis à crier à l'injustice (le fameux « it's a f***ing disgrace ») après que l'arbitre Tom Henning Övrebö a « oublié » de siffler deux pénalties pour les Blues. Pour sa conduite, il finira par écoper de quatre matches de suspension. Cette année, toujours en Ligue des Champions, Drogba est à peine revenu depuis quelques rencontres qu'il « agresse » Thiago Motta, le joueur de l'Inter Milan. Résultat, carton rouge pour l'Eléphant, qui laissera ses coéquipiers, en infériorité numérique, se faire éliminer. Didier Drogba l'avoue lui-même, il est conscient de ne pas toujours donner le bon exemple : « Sur le terrain, je deviens un autre homme, et j'avoue que je ne me reconnais pas toujours.»

A lui maintenant de faire en sorte de trouver la bonne recette afin de mener au mieux ses troupes en Afrique du Sud. En football, on parle souvent de l'âge des joueurs, on entend souvent dire qu'après 30 ans, les joueurs ne sont plus au top de leur forme. Pour Drogba, c'est différent ; à 32 ans, il n'a jamais paru aussi en forme que cette année. De plus, il est conscient que, à défaut d'être sa dernière Coupe du Monde, c'est la première et la dernière qu'il disputera sur le sol africain. Ce n'est pas pour rien que le "Time" l'a qualifié d' « espoir du continent ». Didier Drogba a ici l'occasion de réaliser son rêve, mais aussi celui de tous les Africains : voir un pays africain remporter une Coupe du Monde pour la toute première fois.

Auteur : Ali Farhat, Felix Hoffmann
Edition : Carine Debrabandère