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Ebola, émigration, esclavage

Philippe Pognan15 août 2014

L'évolution de l'épidémie d'Ebola, la poussée de l'émigration africaine vers l'Europe et l'esclavage moderne dont sont victimes des Africains subsahariens en Libye sont les thèmes évoqués cette semaine dans la presse.

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Plusieurs milliers de personnes ont tenté cette semaine de pénétrer à Melilla
Plusieurs milliers de personnes ont tenté cette semaine de pénétrer à MelillaImage : picture-alliance/dpa

Le quotidien Berliner Zeitung rappelle l'histoire légendaire de Joseph Meister, un jeune garçon alsacien de 9 ans mordu en 1885 par un chien enragé. Louis Pasteur, chimiste, physicien et pionnier de la microbiologie le sauva d'une mort certaine en lui injectant un vaccin qu'il n'avait testé jusque là que sur des chiens.

C‘est une histoire similaire – mais à une bien plus grande échelle – qui se joue en Afrique de l'Ouest avec l‘épidémie d'Ebola, souligne le journal. Là aussi des gens ont besoin d'une aide de toute urgence. Alors que l'on compte plus de 1000 morts et près de 2000 personnes infectées par le virus, l'Organisation mondiale de la santé (OMS) a pris avec courage la bonne décision en annonçant que l'usage de vaccins expérimentaux, non encore testés sur l'homme était justifiable sur le plan éthique.

Le savant français Louis Pasteur a mis au point un vaccin contre la rage en 1885
Le savant français Louis Pasteur a mis au point un vaccin contre la rage en 1885Image : picture-alliance / akg-images

« Il ne faut pas s'attendre à des miracles »

Les quantités du vaccin ZMapp disponibles actuellement ne suffisent en aucun cas pour la plupart des malades. Aussi l'OMS exige-t-elle à raison que les patients disent expressément s'ils veulent ce traitement ou non. Car ce sérum anti-viral peut avoir des effets secondaires néfastes. En outre, l'expérience a montré que trois patients atteints du virus et traités avec ce cocktail anti-viral qu'est le ZMapp y ont réagi de manière différente. Deux Américains, un médecin et une infirmière, qui avaient contracté le virus au Liberia, ont surmonté l'infection et se rétablissent. Mais un prêtre espagnol est décédé bien qu'il ait reçu ce traitement, peut-être trop tardivement ? s'interroge la Berliner Zeitung.

Le journal constate que jusqu'ici personne ne peut dire ce qui finalement explique la survie d'un patient atteint du virus d'Ebola. Les deux Américains sauvés reçoivent des soins médicaux intensifs, les meilleurs possibles. La lutte contre cette maladie est un combat sur tous les fronts : il s'agit de stopper des saignements dans diverses parties du corps, d'empêcher que les organes ne cessent de fonctionner, de baisser la température des malades. Mais dans de nombreuses régions touchées par le virus, tout cela n'est presque pas réalisable.

Miguel Pajares, prêtre espagnol, a succombé au virus malgré le traitement ZMapp
Miguel Pajares, prêtre espagnol, a succombé au virus malgré le traitement ZMappImage : picture-alliance/dpa/Fundacion Juan Ciudad ONGD

Si les moyens disponibles actuellement ne peuvent être utilisés pour la majorité des malades, ils pourraient cependant jouer un rôle décisif dans la lutte contre Ebola, lit-on encore dans la Berliner Zeitung. Si le personnel médical était traité en priorité, cela éviterait l'effondrement des systèmes sanitaires et médicaux dans les pays concernés. Car jusqu'ici 170 médecins, infirmières et aides-soignants ont contracté le virus, dont 80 en sont morts. Des dispensaires et des services sanitaires entiers sont désertés. L'organisation « Médecins sans Frontières » cherche de toute urgence du personnel médical. Face à cela, il est tout à fait juste que le fabricant américain de ZMapp envoie toutes ses doses de vaccin disponibles au Liberia pour soigner les médecins libériens atteints du virus. C'est un signal qui améliore la situation du personnel sur place, surtout sur le plan psychologique.

Avertissement dans un hôpital d'Abidjan, en Côte d'Ivoire
Avertissement dans un hôpital d'Abidjan, en Côte d'IvoireImage : Reuters

On a besoin de chacun, également pour renforcer la confiance, souligne aussi l'éditorialiste, qui relève que dans les régions affectées par le virus d'Ebola, de nombreux patients sont méfiants vis-à-vis des médecins revêtus de la tête aux pieds de combinaisons de protection, vis-à-vis des stations d'isolement et de médicaments inconnus. Le plus important donc reste pour le moment l'information des populations et l'isolement des malades. Et si des sérums tels que ZMapp devaient se révéler vraiment efficaces et que l'on en produise rapidement de plus grandes quantités – ce que les sociétés pharmaceutiques ont promis – alors le cercle de patients sauvés pourrait vite augmenter et, avec une utilisation rapide et ciblée, l'épidémie circonscrite, espère la Berliner Zeitung.

Afflux d'immigrés dans le sud de l'Espagne

Depuis le début de cette semaine, plus de 2.000 réfugiés sans papiers ont atteint l'Europe en franchissant le détroit de Gibraltar, relève la Frankfurter Allgemeine Zeitung. La plus grande partie d'entre eux ont atteint la côte méridionale de l'Espagne par un temps clément et une mer calme au moyen de petites embarcations pneumatiques gonflables. Au cours de la journée de mardi, ce sont 920 personnes à bord de 94 embarcations qui ont accosté sur le littoral espagnol.

Mais mercredi déjà, cet afflux avait sensiblement diminué. Le gouvernement de Madrid explique cette diminution par des contrôles plus sévères de la police et des gardes-côtes du Maroc. Après des discussions avec les responsables marocains, les autorités régionales d'Andalousie, région du sud de l'Espagne, ont exprimé l'espoir de voir la situation revenir à la normale. Le même jour, écrit la FAZ, 600 Africains essayaient, pour la plupart en vain, de franchir en masse la triple barrière grillagée qui sépare l'enclave espagnole de Melilla du territoire marocain. Une soixantaine ont passé plusieurs heures sur l'une des clôtures hautes de 6 mètres, espérant, en vain, être recueillis côté espagnol. La veille encore, près de 800 candidats à l'immigration avaient déjà tenté de passer côté espagnol et près de 80 y étaient parvenus.

Des réfugiés sauvés par la marine italienne près de l'île de Lampedusa
Des réfugiés sauvés par la marine italienne près de l'île de LampedusaImage : picture alliance / ROPI

Parce qu'en Andalousie, les centres d'accueil sont maintenant déjà pleins à craquer, le gouvernement espagnol a ordonné le transfert par bus des réfugiés vers Madrid et Barcelone. Le ministre espagnol de l'Intérieur, Jorge Fernández Díaz, a convoqué une réunion de crise, le gouvernement régional d'Andalousie a demandé une aide d'urgence de l'Union européenne.

Des migrants afrcains devant l'enclave de Melilla
Des migrants afrcains devant l'enclave de MelillaImage : picture-alliance/dpa

Formes d'esclavage moderne en Libye

Il existe un esclavage dont sont victimes nombre de migrants subsahariens, relève le quotidien Tagesspiegel, qui rapporte que les milices libyennes recrutent de force les migrants comme soldats auxiliaires. Ces recrues forcées sont des Africains, avant tout des Erythréens, des Somaliens, des Ethiopiens, des Maliens et des Soudanais. Ils servent souvent à transporter munitions, armes et ravitaillement jusque sur les lignes de front. Nombre d'entre eux sont blessés ou tués dans une guerre qu'ils ne voulaient pas et qui n'a rien à voir avec eux.

La situation des migrants en Libye est dramatique, au moins aussi dramatique qu'en 2011 après la révolution contre Kadhafi, écrit l'éditorialiste du Tagesspiegel, qui cite l'exemple de Misrata, où plus de 700 réfugiés, pour la plupart Erythréens, hommes, femmes et enfants, sont retenus dans une sorte de camp de concentration qui sert de réservoir d'esclaves aux milices libyennes. Il y a quelques semaines, 225 jeunes hommes avaient été sortis du camp pour aller accomplir de prétendus travaux publics.

Un char de combat entre les mains des rebelles
Un char de combat entre les mains des rebellesImage : Reuters

Ce n'est qu'après le retour de sept d'entre eux, blessés, que les détenus du camp ont appris les horribles expériences de ces jeunes gens utilisés comme de la chair à canon et la mort de nombre d'entre eux. Entre-temps une soixantaine d'autres ont été à leur tour enrôlés de force. Et durant les combats qui se sont déroulés fin juillet-début août dans la capitale, Tripoli, des milices ont sorti de leurs logements des douzaines de jeunes migrants qu'ils ont recrutés de force, les chassant dans les rues quand ils essayaient de se mettre à l'abri pour échapper aux tirs des combattants.

La ville de Benghazi, dans l'est de la Libye, est régulièrement le théâtre de violences
La ville de Benghazi, dans l'est de la Libye, est régulièrement le théâtre de violencesImage : picture-alliance/dpa

Jusqu'ici, déplore le Tagesspiegel, tous les appels lancés à la communauté internationale par des organisations de défense des droits de l'Homme, avant tout à l'Union européenne et aux Etats-Unis, pour établir des corridors humanitaires afin de permettre aux migrants bloqués en Libye de sortir du pays, sont restés sans échos.