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Egypte - la sclérose du pouvoir

4 février 2011

L'Egypte continue de faire les grands titres des journaux. Dans les éditions de jeudi dernier, ils étaient assortis de photos de partisans de Moubarak, montés sur des chameaux et qui frappent les manifestants.

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Place Tahrir, le 4 févrierImage : AP

Moubarak a été longtemps sous-estimé, écrit la Frankfurter Allgemeine Zeitung, qui rappelle que les Egyptiens l'avaient autrefois surnommé "la vache qui rit". Aujourd'hui on semble avoir oublié ce que le raïs a fait pour l'Egypte, surtout dans la première moitié de son mandat - un mandat qui dure depuis trente ans, et qui est l'un des plus longs dans toute l'histoire de l'Egypte, y compris celle des pharaons. C'est précisément, poursuit le journal, cette incapacité à lâcher le pouvoir qui a conduit à la sclérose de l'Egypte et à des pratiques de plus en plus répressives. Moubarak n'a pas été non plus en mesure de percevoir les changements opérés dans son pays dans le sillage de la mondialisation, surtout dans la jeunesse citadine.

Hosni Mubarak Fernsehansprache
Mubarak annonçant la démission du gouvernement, 28 janvier 2011Image : dapd

"Après Moubarak" titre, dès mercredi, la Süddeutsche Zeitung. L'autocrate au pouvoir depuis 30 ans a manqué l'occasion de partir dans la dignité. Et pourtant l'ère Moubarak est révolue. Mais s'interroge plus loin le journal, qui présidera, après Moubarak, aux destinées du pays le plus peuplé du monde arabe? La réponse à cette question est d'autant plus difficile que les élections en Egypte ont cessé depuis longtemps d'être révélatrices des rapports de force.

La révolution mange ses enfants, lit-on dans l'hebdomadaire Die Zeit, mais l'armée mange aussi ses pères, surtout lorsqu'ils sont aussi vieux et malades que Moubarak. L'Egypte est un Etat prétorien en civil. En 1952 le général Nagib a renversé le roi et a été renversé à son tour par un capitaine nommé Nasser. Sadate a commencé sa carrière comme jeune officier, Moubarak comme chef de l'armée de l'air. Depuis 60 ans, l'armée et l'Etat ne font qu'un. Si Moubarak tombe, ce qui est très probable écrit Die Zeit dans son édition parue jeudi, le régime ne tombera pas pour autant. L'armée se tient en réserve pour jouer les arbitres. Le fera-t-elle pour sa propre cause ou au service de la démocratie, s'interroge notre confrère qui conclut en citant cette maxime: on peut tout faire avec des baïonnettes, sauf s'asseoir dessus, du moins pas longtemps. Dans un autre article Die Zeit estime que le rôle des réseaux sociaux Facebook et Twitter dans la mobilisation en Egypte a été très surestimé. Sans compter, écrit le journal, qu'Internet sert autant les oppresseurs que les opprimés.

Proteste im Sudan
Manifestation à Khartoum, décembre 2009Image : AP

Demain Khartoum?

Après la Tunisie et après l'Egypte, la presse allemande se demande aussi si le Soudan sera le troisième pays à basculer. Demain Khartoum? - c'est la question que pose la Süddeutsche Zeitung . Les étudiants de Khartoum ont leur premier martyr, ils déplorent la mort de leur camarade Mohamed Abdelrahman, descendu dans la rue dimanche dernier pour la liberté, écrit le journal. La tempête de la révolution observée en Afrique du nord va-t-elle souffler aussi sur la capitale soudanaise et annoncer la chute du régime? Par deux fois déjà au Soudan, rappelle le journal, en 1964 et en 1985 des insurrections populaires ont contribué à la chute des dirigeants. La dernière fois, le dictateur Nimeiri a été chassé. Les militaires ont alors préparé le terrain aux premières élections libres, mais quatre ans plus tard le général el-Béchir a pris le pouvoir par un coup d'Etat.

L'indépendance du Sud-Soudan, plébiscitée par les électeurs sud-soudanais, continue de susciter des articles. Le quotidien Die Welt parle d'une naissance à risque. Le Sud-Soudan a de mauvaises cartes en main, écrit le journal. La pauvreté et le risque d'une nouvelle guerre sont si grands que la communauté internationale doit tout faire pour aider le futur 193ème Etat de l'ONU à se tenir sur ses jambes. Mais attention, prévient Die Welt: l'aide extérieure ne doit pas être perpétuelle et ne doit surtout pas financer les tâches dévolues en priorité à l'Etat, comme la santé, l'éducation et les infrastructures. Car les millions déversés sans fin par l'étranger ont le même effet que le pétrole: ils cimentent la dépendance du gouvernement, l'empêchent de rendre des comptes à la population et freinent un développement durable. La croissance, autrement dit l'unique moyen de combattre la pauvreté, estime Die Welt, implique l'existence d'une économie privée qui fonctionne.

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Soldat de l'ONU à AbidjanImage : AP

Nouvelle médiation en Côte d'Ivoire

Après le 16ème sommet de l'Union africaine, un quotidien allemand évoque assez longuement la décision prise à Addis Abeba pour tenter de résoudre la crise ivoirienne. Comme le note die Tageszeitung, un panel de cinq chefs d'Etat devra faire dans un délai d'un mois des propositions contraignantes pour résoudre le conflit entre un président sortant, Laurent Gbagbo, qui s'accroche au pouvoir, et un président reconnu par l'UA, Alassane Ouattara. Ce quintette, comme l'appelle le journal, composé des présidents de la Mauritanie, du Burkina Faso, du Tchad, de l'Afrique du sud et de la Tanzanie, compte dans ses rangs aussi bien des alliés de Gbagbo que de Ouattara. Sa mise en place incarne le dilemme de l'Union africaine vis-à-vis de la crise ivoirienne. L'UA a reconnu Ouattara comme président mais ne dispose pas des moyens de contrainte nécessaires pour pousser Gbagbo vers la sortie. Plus d'un pays africain ne le veut d'ailleurs pas. Mais souligne le journal, pour la démocratisation de l'Afrique, ce serait un précédent fatal si les Etats africains acceptaient le maintien au pouvoir du perdant d'une élection. L'indécision de l'UA, note encore die TAZ, se reflète aussi dans le fait qu'en Côte d'Ivoire les deux camps ont salué la décision du sommet d'Addis et l'ont interprétée dans le sens qui leur convient. Le gouvernement Gbagbo y voit un refus de l'intervention militaire. Le gouvernement Ouattara salue la confirmation de sa légitimité par l'UA. Il fait toutefois remarquer, ajoute notre confrère, que sept tentatives africaines de médiation ont déjà échoué.

Auteur: Marie-Ange Pioerron
Edition: Fréjus Quenum