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Ellen Görner, en recherche d'emploi

4 mai 2010

Ellen Görner a 54 ans, elle est au chômage depuis un an et demi. Elle vit à Dresde avec ses enfants, mais elle serait prête à aller au bout du monde si un emploi l’y attendait.

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Ellen Görner

Ne pas fléchir, ne pas se laisser aller : voilà apparemment la devise d’Ellen Görner. Elle habite au sixième étage dans une barre d’immeubles de la banlieue de Dresde. Le petit appartement de trois pièces est étroit, mais tout y est en ordre. La table du petit-déjeuner est bien dressée, car cela favorise la cohésion entre les membres de la famille « patchwork » – c’est ainsi que l’on appelle une famille qui ne suit pas le schéma classique père-mère-enfant.

Parmi les cinq enfants d’Ellen Görner, trois habitent encore avec elle : deux garçons, adolescents, et sa fille de 25 ans, Ulrike, qui est elle-même maman d’un petit Mauro. Ce dernier va à l’école depuis cette année. Les trois générations cohabitent dans le logement de 70 m². Les garçons sont en apprentissage, la jeune maman veut devenir infirmière. Chacun vaque à ses occupations.

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Les goûts musicaux d'Ellen Görner sont des plus variésImage : DW

Le pire ennemi d’Ellen Görner est la monotonie. Il est pénible de ne rien faire : passer l’aspirateur, faire la lessive, regarder la télévision, lire ses mails. Mais Internet ne lui a toujours pas permis de recevoir des annonces d’emplois !

Les enfants ne remplacent pas le travail

Les cloches de l’église voisine sonnent les coups de midi : il faut aller chercher le petit-fils à l’école. Ellen fume rapidement une dernière cigarette, puis va attendre Mauro dans la cour.

Pan ! A côté d’Ellen, une flaque ; et dans la flaque, une orange. Encore une. La veste d’Ellen est pleine de boue. Derrière une fenêtre du deuxième étage du bâtiment, des rires éclatent. Ellen est scandalisée : « De notre temps, une chose pareille était impensable ». Mauro arrive, tout heureux de retrouver sa grand-mère.

Son deuxième petit-fils, le petit Linus, aime aussi aller chez sa grand-mère. Et pourquoi ne pas ouvrir un jardin d’enfants ? Ellen secoue la tête : après avoir élevé ses cinq enfants, elle n’a plus les nerfs assez solides.



RDA – Cuba – Allemagne

Ellen Görner est née et a grandi à Zwickau, en Saxe, où ses parents ont été envoyés en exil après la guerre. C’étaient des Allemands des Sudètes, des membres de la minorité allemande dans les territoires tchèques avant la Seconde guerre mondiale. Après 1945, les Allemands des Sudètes ont été chassés de leur pays, et c’est ainsi que les parents d’Ellen sont venus à Zwickau. A l’école, elle était bonne élève, deuxième de sa classe à l’examen final. Elle aurait pu faire des études.

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Alexander a grandi à Cuba, il parle mieux espagnol qu'allemandImage : DW

Mais pour cela, il aurait fallu quitter Zwickau, ce qu’elle ne voulait pas à l’époque. Elle a alors travaillé dans une usine de papier, puis dans une boulangerie industrielle. Elle repense à la RDA avec nostalgie : « Nous avions tous du travail. Les salaires étaient aussi étaient corrects. Nous n’avions pas de bananes tous les jours, les oranges venaient de Cuba – c’était des oranges à jus. Mais on ne se portait pas mal. »

En parlant de Cuba : il n’en venait pas seulement des oranges, mais aussi des travailleurs immigrés. Ellen en a rencontré un, ils se sont aimés. Peu avant la chute du Mur, elle est partie avec lui à Cuba. Quand elle est rentrée chez elle en Allemagne, en 1996, ce fut un véritable choc culturel : Zwickau, une ville industrielle sous la RDA, était abandonnée. Plus rien ne fonctionnait. Toutes les entreprises, y compris la boulangerie où avait travaillé Ellen, étaient fermées.

Mais Ellen ne baissa pas les bras : elle suivit une formation pour se réadapter au monde du travail, apprit à se servir d’un ordinateur. Elle exerça ensuite plusieurs emplois : d’abord dans un foyer pour personnes malentendantes, puis elle trouva un emploi aux îles Canaries, à Lanzarote. L’Europe grandissait et elle parlait espagnol. L’agence allemande pour l’Emploi payait les billets d’avion aux chômeurs qui trouvaient un travail à l’étranger. Elle y travailla comme cuisinière, réceptionniste dans un hôtel de luxe, et dans une entreprise de sécurité. Puis vint la crise économique mondiale, et avec elle le chômage. Aujourd’hui, Ellen est assise devant son ordinateur à Dresde et cherche du travail.

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Ellen Görner ne baisse pas les bras. Elle cherche du travail sur InternetImage : DW

Ne pas perdre espoir

Au menu du déjeuner : purée de pommes de terre et poisson pané. La moitié de la journée est déjà écoulée, Dieu merci ! Elle se presse vers la boîte aux lettres… Pas de courrier. Ellen a contacté de nombreuses agences de recrutement, elle a aussi passé un entretien dans une entreprise de surveillance. Il y a de nombreux musées à Dresde ; elle aimerait bien y être surveillante.

Récemment, Ellen a lu une annonce dans le journal : un hôtel dans le Tyrol cherchait une réceptionniste. Elle a envoyé sa candidature, on l’a aussitôt interrogée sur son âge : « Bon, c’est vrai que je ne suis plus si fraîche, j’ai 54 ans, » a concédé Ellen avec son plus bel accent saxon. On lui assura qu’on « resterait en contact » avec elle… C’était il y a déjà un moment.

Déjà 54 ans ? Ou plutôt : seulement 54 ans ! Car Ellen Görner ne baisse pas les bras : « Pour moi, il n’y a rien de plus humiliant que de dire : je vis de l’aide de l’Etat, de Hartz IV, l’allocation chômage. Je ferais tout pour en sortir ! » Ellen est déterminée, des larmes lui montent aux yeux.

Auteur: Anastassia Boutsko
Traduction : Aline Ranaivoson
Edition : Anne Le Touzé