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Frappes aériennes en Libye

25 mars 2011

Le nord du continent africain continue de monopoliser l'attention des journaux. A commencer par la Libye une semaine après le début des frappes de la coalition internationale contre le régime du colonel Kadhafi.

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Un insurgé sur un char détruit par une frappe aérienneImage : picture alliance / dpa

Cette intervention soulève beaucoup de questions dans la presse. La révolution arabe a perdu son innocence, écrit la Süddeutsche Zeitung. Depuis que des navires de guerre et des avions de combat occidentaux bombardent les troupes du colonel Kadhafi le soulèvement contre les autocrates n'est plus l'affaire exclusive des peuples arabes. Mais les insurgés ont appelé à l'aide. Ils n'ont aucune chance contre la machine de guerre de Kadhafi. A la différence des présidents déchus en Egypte et en Tunisie, le despote de Tripoli utilise des bombardiers, de l'artillerie et des missiles contre son peuple. A la différence aussi des deux Etats voisins, la Libye ne dispose d'aucune institution indépendante. La communauté internationale était contrainte d'intervenir face au massacre prévisible à Benghazi, le fief de la rébellion.

Libyen Krieg Gaddafi Benghasi NATO
23 mars 2011 à BenghaziImage : dapd

Benghazi, lit-on dans le Tagesspiegel de Berlin, serait hérissée aujourd'hui de potences et des soldats fouilleraient la ville, maison par maison, comme en avait menacé Kadhafi. Le journal voit dans l'intervention militaire une insurrection de la conscience. Et ajoute-t-il, dans les premiers jours de ce genre d'intervention, la distinction entre le bien et le mal est claire. La guerre et la morale semblent aller de pair. Mais la guerre est toujours synonyme aussi d'escalade. Cette intervention restera-t-elle en mémoire comme un acte de la conscience universelle ou comme l'épopée impérialiste d'une coalition d'anciennes et de nouvelles puissances coloniales? Trois aspects sont à cet égard décisifs, souligne le journal: l'appui réel de la Ligue arabe, la surveillance politique de l'intervention militaire par le conseil de sécurité de l'ONU et le rôle majeur du peuple libyen dans le choix de son avenir. Ce futur, tel qu'il est entrevu par les insurgés, est esquissé dans die Tageszeitung par le Dr. Rida Benfayed, il est médecin à Tobrouk et membre du conseil national de transition: "nous voulons un Etat juste et démocratique, dans lequel le destin du pays tout entier ne sera pas décidé par une seule tribu ou un seul clan. Nous voulons des élections, des partis politiques, une presse libre, bref tout ce que vous avez aussi en Allemagne". Et Rida Benfayed n'est pas tendre avec la chancelière Angela Merkel . Il lui reproche d'attacher plus d'importance au pétrole libyen qu'au sang libyen.

Krieg in Libyen
Un Tornado britannique décollant pour la LibyeImage : AP

L'Allemagne on le sait, s'est abstenue lors du vote de la résolution de l'ONU. Mais si cette résolution a été vite adoptée, les possibles conséquences de l'intervention en Libye n'ont pas été pensées jusqu'au bout, estime l'hebdomadaire die Zeit. L'impulsion morale commande de venir militairement en aide aux rebelles. Mais le droit international interdit de prendre parti. Très pratiquement, poursuit le journal: si les insurgés l'emportent, protègerons-nous les perdants de leur soif de vengeance. Qui veut sauver des civils doit les sauver tous - y compris les kadhafistes. Même animée des mobiles les plus nobles, la guerre est la guerre note plus loin le journal. Nous aurions dû savoir que la démocratie ne s'instaure pas à coup de bombes.

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Devant un bureau de vote au CaireImage : AP

Une première démocratique

L'Egypte, elle, poursuit pacifiquement sa marche sur la voie ouverte par la chute de Hosni Moubarak. 77% d'Egyptiens ont voté oui aux amendements constitutionnels qui étaient soumis à référendum le 19 mars. La presse allemande se fait l'écho de ce premier exercice démocratique.

Pour la plupart des Egyptiens, écrit le Tagesspiegel, le référendum constitutionnel du week-end dernier a été la première expérience démocratique de leur vie. De source officielle plus de 40% d'inscrits sont allés voter - un bon résultat après des décennies d'apathie politique et des taux réels de participation oscillant entre 3 et 10%. Nouveaux droits, nouveaux doutes, titre la Süddeutsche Zeitung, qui relève que le référendum a été précédé de débats houleux. Les partisans du non, chez les démocrates, refusent la réforme constitutionnelle parce qu'elle ne touche pas au pouvoir exhorbitant du président de la république. Les activistes de l'insurrection égyptienne dénoncent en outre un chronogramme trop serré, les miltaires ayant fixé la tenue d'élections législatives en juin, et celle de la présidentielle en septembre. Les choses vont trop vite, estiment les adversaires de ce calendrier, le temps est trop court pour créer de nouveaux partis politiques et les établir dans la société. Ils redoutent que l'entrée dans le nouveau parlement ne soit ainsi ouverte aux frères musulmans ou aux députés de l'ancien régime.

Proteste im Sudan
Manifestation à Khartoum, décembre 2009Image : AP

Une contestation occultée au sud du Sahara

Le vent de liberté qui souffle sur l'Egypte et la Tunisie a donné des ailes à la contestation dans certains pays de l'Afrique subsaharienne. Mais un journal allemand constate que cela n'intéresse guère les médias occidentaux.

Ce journal c'est la Berliner Zeitung qui relève que, dans l'indifférence quasi générale des médias occidentaux, des gens sont aussi descendus dans la rue au sud du Sahara. Au Gabon, à Djibouti et au Soudan des milliers de personnes ont manifesté contre leur gouvernement. Des manifestations durement reprimées: au Gabon l'Etat a fait tirer des gaz lacrymogènes contre les manifestants, au Soudan les opposants ont été soumis à des violences sexuelles. Les médias internationaux n'ont guère réagi à ces événements. Même sur la Côte d'ivoire, pourtant au bord de la guerre civile, on ne lit ni n'entend pratiquement rien, s'étonne le journal, qui est allé chercher une explication auprès du directeur d'un centre de réflexion britannique appelé Polis. Charlie Beckett, cet expert donc, avance plusieurs raisons: tout d'abord les manifestations sont loin d'avoir atteint l'ampleur qu'elles ont eue en Afrique du nord. Ensuite l'importance géopolitique d'un pays comme le Gabon est faible. Enfin les manifestations en Tunisie, en Egypte et en Libye ont surpris tout le monde. Au sud du Sahara en revanche l'effet de surprise est nul. Les manifestations, estime ce chercheur britannique, y sont permanentes. Un autre chercheur, américain celui-là, Ethan Zuckerman, ajoute un autre facteur, selon lui primordial: si on entend autant parler de l'Afrique du nord et si peu du reste du continent, cela tient avant tout à l'existence de réseaux sociaux et de la télévision par satellite, sous entendu Al Djazira. Ces technologies sont encore embryonnaires au sud du Sahara.

Auteur: Marie-Ange Pioerron
Edition: Fréjus Quenum