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Kadhafi joue aux dominos

22 février 2011

Le fait que la Libye soit à son tour touchée par un soulèvement populaire peut paraître tout à fait logique. Pourtant, rien n'était moins sûr que la propagation du virus de la révolte dans ce pays.

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Mouammar Kadhafi est à la tête de la Libye depuis 1969. Son régime semble aux abois
Mouammar Kadhafi est à la tête de la Libye depuis 1969. Son régime semble aux aboisImage : picture alliance/dpa

C’est une recette qui a souvent été utilisée. La Libye est le pays le plus riche d'Afrique et la population a largement bénéficié de l'argent du pétrole : c'est ce qu'on appelle acheter la paix sociale. Car la Libye est beaucoup plus riche que l'Egypte et la Tunisie. Le PIB libyen, le Produit intérieur brut, est supérieur à celui de la Turquie et le double de la Tunisie. Or, il faut se souvenir que Mouammar Kadhafi, arrivé au pouvoir en 1969, a publié en 1975 son "Livre vert" qui pose les bases d'une révolution socialiste et écarte toute forme de démocratie.

Un système très comparable à l'exemple cubain car il garantit à la population l’accès à un logement, à un système de santé et à une éducation, le tout financé par l'état. Ceci explique pourquoi la population libyenne est globalement assez éduquée. Le statut des femmes est aussi plus enviable que dans d'autres pays musulmans : celles-ci ont le droit de travailler et la polygamie y est proscrite. Enfin, on trouve, comme à Cuba, une armée de petits fonctionnaires qui occupent des petits emplois qui n’ont aucun sens mais les met à l’abri du chômage.

La chef de la diplomatie européenne, Catherine Ashton, tente de faire oublier des décennies de Realpolitik
La chef de la diplomatie européenne, Catherine Ashton, tente de faire oublier des décennies de RealpolitikImage : AP/dapd

Tyran paranoïaque

Qu'est-ce qui explique alors que la révolte a malgré tout frappé la Libye ? Tout simplement le décalage devenu insupportable entre une société éduquée, entre un pays économiquement développé, riche, et un système politique archaïque, sclérosé, qui punit par exemple de la peine de mort toute personne qui voudrait fonder un parti politique. A ceci, il faut ajouter la lente agonie du patriarche, Mouammar Kadhafi, isolé du monde, vivant dans ses palais entouré par ses « Amazones », coupé de plus en plus de sa population et devenu la caricature d'un tyran paranoïaque.

Aujourd’hui, les ambassadeurs libyens démissionnent, de même que le ministre de la justice au motif de condamner les massacres perpétrés contre la population. C’est le temps de la curée. Celui des défections tardives de hauts fonctionnaires et ministres qui ont soutenu le régime jusqu'au dernier moment et le quitte quand il est en train de s'effondrer. Tout comme les pays européens d'ailleurs qui ont commercé avec Kadhafi par intérêt économique et sont aujourd'hui en train de le lâcher les uns après les autres. En se rappelant soudain qu'il est un dictateur sanguinaire.

Auteur : Jean-Michel Bos

Edition : Aude Gensbittel