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La grande fête de l'unité

24 septembre 2010

Dans la nuit du 3 octobre 1990, des milliers de personnes célébrent la réunification à Berlin. Au cours des mois précédents, les reponsables politiques ont mené des négociations difficiles et à l'issue incertaine.

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Feu d'artifice au-dessus du Reichstag, le 3 octobre 1990Image : picture-alliance/dpa

Lorsque la nuit est soudain illuminée par un immense feu d'artifice au-dessus du Reichstag de Berlin, nombreux sont les spectateurs qui ont les larmes aux yeux. Ils sont témoins d'un événement historique que ni les Allemands, ni les habitants des autres pays européens n'auraient imaginé vivre un jour. Au cours d'une révolution pacifique, les citoyens de la République démocratique d'Allemagne (RDA) ont renversé l'Etat socialiste et chassé leurs dirigeants du pouvoir. Aucun coup de feu n'a été tiré, aucun acte de violence ni aucun blessé n'ont été recensés. Ce 3 octobre 1990, la RDA intègre la République fédérale d'Allemagne, les Allemands sont à nouveau réunis au sein d'un même Etat.

Dresden Deutsche Einheit
A Dresde aussi, les Allemands font la fêteImage : picture-alliance/ZB

Cette nuit-là également, le président fédéral Richard von Weizsäcker souligne le lien entre l'unité allemande et celle du continent européen : « Nous, les Allemands, sommes conscients de notre responsabilité et voulons servir la paix dans une Europe unie », déclare-t-il juste avant le début du feu d'artifice.

Nuit blanche à Berlin

L'ancien chef de la chancellerie, Rudolf Seiters, vient de vivre des semaines passionnantes. En tant que proche collaborateur du chancelier Helmut Kohl, il a assisté à de nombreux événements ces douze derniers mois. La nuit qui précède la fête de la réunification, il la passe à la Maison fédérale (Bundeshaus) de Berlin, l'ancien siège du « représentant du gouvernement à Berlin ». Ce sera une nuit sans sommeil : « Je pensais à mes négociations en faveur d'une autorisation de sortie du territoire pour les réfugiés de l'ambassade, à la scène avec Hans-Dietrich Genscher sur le balcon de l'ambassade allemande à Prague, à mon discours au Bundestag lors de la chute du Mur, au voyage de Helmut Kohl à Varsovie et à ce discours incroyable du chancelier devant la Frauenkirche de Dresde », se souvient-il.

Helmut Kohl Rudolf Seiters
Helmut Kohl et à sa droite, Rudolf SeitersImage : AP

323 jours mémorables

Le 3 octobre 1990, cela fait tout juste 323 jours que le mur de Berlin est tombé. Pour les responsables politiques des deux Allemagnes, l'année a été marquée par des négociations compliquées et des décisions d'une portée essentielle. En RDA surtout, les chamboulements sont nombreux. En mars 1990, les élus de la Chambre du Peuple ont transformé l'Etat socialiste unifié en une entité fédérale, dont les Länder nouvellement créés sont susceptibles de s'unifier à ceux de la République fédérale en vue de former un seul et même Etat. Par ailleurs, l'appareil de surveillance public a été dissous et la monnaie ouest-allemande, le Deutsche Mark, introduite. Mais la hâte dont fait preuve le gouvernement fédéral est justifiée. Face aux mouvements réformateurs qui se multiplient en Europe de l'Est, le continent est en ébullition, partout les citoyens réclament la liberté de circulation et un changement de système politique.

C'est la politique de « Glasnost et perestroïka » (« transparence et restructuration ») engagée par Mikhaïl Gorbatchev en Union soviétique qui a déclenché des mouvements de protestation massifs dans l'ensemble des pays d'Europe de l'Est. Rudolf Seiters se souvient : « A l'époque, il s'agissait de piloter avec la plus grande précaution un processus qui causait de nombreuses inquiétudes et peurs, non seulement à Moscou mais aussi dans les pays d'Europe occidentale. »

Bildgalerie Helmut Kohl und Francois Mitterrand in Verdun
François Mitterrand et Helmut Kohl à Verdun en 1984Image : AP

Fenêtre sur la liberté

Dans certaines capitales européennes, le souhait allemand d'unité se heurte au scepticisme, motivé par la peur d'une Allemagne trop forte au milieu du continent. Le Premier ministre britannique de l'époque, Margaret Thatcher, exprime ouvertement son opposition à la réunification et le chef de l'Etat français, François Mitterrand, ne cache pas non plus ses réserves face à une Allemagne unifiée.

En Union soviétique aussi, la tournure des événements rencontre des résistances. La puissance mondiale d'antan perd de plus en plus d'influence sur ses satellites réunis au sein du pacte de Varsovie et qui représentaient un contrepoids à l'Otan et au système de société capitaliste. A l'Ouest, on redoute un coup d'Etat contre Mikhaïl Gorbatchev, qui pourrait remettre en question le soutient de l'URSS à l'unité allemande.

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Mainfestation à Moscou contre la tentative de putschImage : picture-alliance/dpa

L'unité allemande au centre de la politique mondiale

La chance sourit aux Allemands. Car ce que l'on appellera plus tard la « fenêtre sur la liberté » n'a été ouverte qu'en 1990. Aucun autre événement politique mondial n'a détourné l'attention du processus de réunification. Il s'en est fallu de peu : quelques mois plus tard, en août 1990, tous les regards sont tournés vers l'Irak qui vient d'envahir le Koweït voisin. Et en 1991, le monde est tenu en haleine par une tentative de putsch contre Mikhaïl Gorbatchev, orchestrée par des généraux et une partie de l'Armée rouge. Si ces événements s'étaient déroulés un an plus tôt, le processus de l'unité allemande aurait sans doute été encore plus compliqué et encore plus long.

Un Bundestag réunifié

Les restes du feu d'artifice jonchent encore les rues de Berlin et déjà, les députés du Bundestag et de la Chambre du peuple de RDA se réunissent en session commune. Deux mois plus tard, ce sont les premières élections législatives de l'Allemagne unie depuis 1932. Le vainqueur incontesté des urnes est la coalition chrétienne-libérale dirigée par Helmut Kohl.

Auteurs : Matthias von Hellfeld, Anne Le Touzé
Edition : Sébastien Martineau