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La Libye, cinq ans après Kadhafi

Philippe Pognan5 août 2016

Le 12 mai, les forces libyennes loyales au gouvernement d'union nationale (GNA) basé à Tripoli ont lancé une offensive pour reprendre Syrte. Les forces du GNA sont maintenant appuyées par l'aviation américaine.

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Libyen Angriff libyscher Streitkräfte auf IS in Sirte
Image : Reuters/G. Tomasevic

Les rebelles libyens, organisés de manière chaotique mais qui avaient fait chuter Mouammar Kadhafi en 2011 ont alors montré deux choses, estime la Süddeutsche Zeitung: d'une part, que des combattants en sandales avec des mitrailleuses montées sur des pick-up peuvent vaincre une armée, si ils bénéficient du soutien militaire aérien d'une coalition internationale. D'autre part, qu'une victoire militaire n'assure pas -et de loin!- un avenir meilleur, si aucun plan adéquat n'existe pour l'après- guerre, comme on en a fait l'expérience. Depuis cinq ans, il semble impossible de mettre en place, en Libye, un Etat qui fonctionne.

Libyen Angriff libyscher Streitkräfte auf IS in Sirte
Attaque des forces loyales au GNA à Syrte (15.07.16)Image : Reuters/G. Tomasevic

L'absence de pouvoir à la tête du pays attire tous les problèmes qui préoccupent fortement la communauté internationale dans le sud méditerranéen: C'est à partir du littoral libyen que les passeurs envoient une multitude d'embarcations, chargées de migrants et de réfugiés vers l'Europe; en même temps, de nombreux jihadistes s'infiltrent en Libye afin de profiter du chaos pour servir leurs intérêts et leur vision d'un Califat.

Rien que par sa position géographique, la Libye est de fait la charnière de l'horreur en Afrique du Nord. Ceci vaut aussi bien pour les réfugiés de l'Afrique subsaharienne que pour ceux qui, fuyant les guerres civiles en Syrie et en Irak, font le détour par la Libye pour tenter de rejoindre l'Europe. La route via la Libye est ardue et dangereuse, mais ouverte.

Les jihadistes du groupe Etat islamique s'intéressent à la Libye pour plusieurs raisons: la filiale de leur Califat, qu'ils avaient pu y installer devait devenir un camp de rassemblement et une base de transfert pour les recrues issues du Maghreb. La Tunisie, l'Etat précurseur de ce qu'on a appelé le "printemps arabe", fournit le plus gros contingent de combattants en Syrie et en Irak. L'Etat islamique rêve par ailleurs d'un axe jihadiste qui relie la côte méditéranénne libyenne en passant par l'Etat saharien du Niger jusqu'au Nigeria en Afrique de l'Ouest.

C'est aussi pour empêcher cela que les Etats-Unis procèdent de nouveau à des raids aériens en Libye. Il y a peu de temps encore, l'Etat islamique régnait en maître sur une bande de littoral de près de 250 km de long, aujourd'hui le groupe s'est retiré dans quelques quartiers de Syrte, la ville natale de l'ancien dictateur Muammar al-Kadhafi. De nouveau, des milices en partie chaotiques remportent des victoires grâce à un soutien aérien – Mais, se demande l‘éditorialiste, le prochain plan pour l'après-guerre fonctionnera-t-il cette fois ?

USA New York Sicherheitsrat der Vereinten Nationen über Libyen
Le Conseil de Sécurité des Nations unies en consultation sur la situation en Libye (le 14 juin 2016)Image : picture alliance/ZUMA Press/L. Muzi
Bootsflüchtlinge im Mittelmeer
Une embarcation de migrants et réfugiés subsahariens au large de la LibyeImage : Reuters/D.Z. Lupi

Autre thème : Le Nigeria et une enquête sur un massacre

Il s'agit d'un massacre qui s'est déroulé fin 2015 dans le nord du pays et dont les victimes étaient membres de la communauté chiite, une communauté largement minoritaire au Nigeria.

"Quelques huit mois après un terrible massacre par l'armée nigériane dans la ville de Zaria, dans le nord du pays, les responsables présumés pourraient devoir en répondre. C'est l'espoir soulevé par le rapport d'une commission d'enquête, qui vient d'être publié", rapporte la taz, die tageszeitung. Les 13 enquêteurs engagés par le gouvernement régional de l'Etat fédéré de Kaduna ont conclu que du 12 au 14 décembre 2015, 348 civils et un soldat sont morts en raison d'un usage disproportionné de la violence lors de la lutte contre des extrémistes chiites.

Longtemps, on a ignoré qui était responsable de ce massacre de Zaria, puisque les forces de sécurité et le groupe chiite "Mouvement Islamique au Nigeria" (MIN) se sont mutuellement accusés d'en être les auteurs. Selon l'armée, tout a commencé par une rue bloquée. Les membres du MIN auraient voulu stopper le chef de l'armée nigériane Tukur Buratai et l'assassiner. Les Chiites, eux prétendaient faire simplement une procession dans cette rue.

Combien de victimes ont fait les fusillades qui ont suivi, personne ne le savait au début. Devant la commission nationale des droits de l'Homme, l'armée avait déclaré qu'il y avait eu „seulement“ sept morts et une dizaine de blessés graves. De faux chiffres, un bilan maquillé, avaient affirmé de leur côté les Chiites qui parlaient d'au moins 800 morts. En avril, l'organisation de défense des droits de l'Homme, Amnesty International a cité le chiffre de 350 morts. Le gouvernement régional de Kaduna a déclaré qu'au moins 347 Chiites avaient été enterrés dans une fosse commune et ordonné l'enquête.

Non seulement ce massacre, mais aussi les conséquences qui en ont été tirées jusqu'ici scandalisent beaucoup de gens au Nigeria. Car aucun membre des forces de sécurité nigérianes impliquées dans cette tragédie n'a jusqu'ici été inquiété, contrairement à une cinquantaine de combattants chiites qui, eux, comparaissent actuellement en justice, accusés d'avoir tué la seule victime militaire du drame. Au pire, c'est la peine de mort qui les attend.

La Commission d'enquête a sévèrement critiqué la procédure. Les enquêteurs estiment que l'on aurait dû attendre leur rapport avant d'entamer un procès. En outre, un gouvernement démocratique au Nigeria devrait protéger tous ses citoyens de la même manière.

Au Nigeria, les Chiites sont une petite minorité qui compte seulement quelques dizaines de milliers de membres. La grande majorité des musulmans nigérians sont Sunnites. C‘est parmi eux que se recrutent les bien plus nombreux activistes du groupe terroriste Boko Haram, qui combat également les Chiites.

Nigeria Demo für die Freilassung von Ibraheem Zakzaky
Manifestation de chiites pour la libération du Cheikh Ibraheem Zakzaky arrêté à Zaria en décembre 2015Image : picture alliance/AP Photo/Sunday Alamba
Nigeria Soldaten in Damboa
L'armée nigériane est engagée contre tous les groupes jihadistes radicaux, mais principalement contre Boko HaramImage : Getty Images/AFP/S. Heunis
Nigeria Armee Task Force gegen Islamisten Boko Haram
Le Général Tukur Buratai, chef d'Etat-Major de l'armée nigériane (à g.)Image : Getty Images/AFP