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La réforme de l'orthographe en question

Yvon Arsenijevic9 août 2004

Comment l’Allemand doit-il écrire le mot «fleuve» ? « Fluss » avec les deux «s» de la nouvelle orthographe, entrée en vigueur en 1998 mais dont la période de transition dure encore un an, ou «Fluß», avec le célèbre «ß» (eszett) favori des vieux germanistes ? Tel est l’abyssal dilemme dans lequel se trouve replongé le pays tout entier depuis que des groupes de presse, et pas des plus légers, ont annoncé (c’était vendredi) leur décision de revenir aux anciennes règles. Bref, la querelle d’allemands sur la réforme de l’orthographe est repartie de plus belle en cet été qui n’en demandait pas tant pour être animé. Querelle qui divise aussi les journaux.

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Les partisans du retour au eszett
Les partisans du retour au eszettImage : AP

La BILD ZEITUNG défend bien sûr son éditeur, Springer (l’un des «grands» partisans avec le SPIEGEL du retour à l’«avant 1998») en expliquant que «les politiques aussi peuvent se tromper, comme ils l’ont fait il y a cinq ans, en accouchant d’une réforme de l’orthographe aberrante, avec des règles qui ont conduit à une confusion babylonienne». Et le journal à grand tirage de Hambourg n’y va pas par quatre chemins : si l’on ne veut pas courir le risque de fabriquer toute une génération de dyslexiques, écrit-il, on n’a pas le choix : il faut vite reconnaître l’erreur et annuler la réforme !

Passage dans l’autre camp avec la FRANKFURTER RUNDSCHAU qui dénonce un complot de «faiseurs d’opinion» visant à imposer la «bonne écriture» aux futures générations. Et comme ce qui est bon ne peut être qu’ancien, se moque notre confrère, des millions de potaches peuvent se mettre à apprendre à «penser à reculons» : peu importe les sommes englouties dans les nouveaux livres scolaires et les heures d’enseignement, peut importe même le degré de maîtrise (acquise entre-temps) de l’orthographe réformée, il y a là des hommes intrépides qui savent mener une révolution culturelle - à coups de pouvoir médiatique et de prosélytisme.

En réformant l’orthographe, écrit par contre DIE WELT (également du groupe Springer), on voulait réformer la société. Le résultat : une fracture de la langue écrite plus importante qu’elle ne l’a jamais été depuis le XIXe siècle. Alors, «arrêtons l’expérience», préconise le journal de Berlin.

L’éditorialiste de la BERLINER ZEITUNG propose pour sa part un scénario rigolo, ce qu’il appelle un «arrangement à l’amiable» : à savoir une commission, eh oui, encore une ! Mais à la place des Hartz et autres Rürup, on mettrait des champions de la langue écrite, comme Grass et Walser qu’on enfermerait avec les protagonistes de la réforme de l’orthographe pour trouver un compromis ; deux jours - pas plus - ça ne sert à rien, commente notre confrère qui précise quand même qu’avant, on se sera dit prêt, dans un grand élan de solidarité, à accepter le résultat, quel qu’il soit...

Pour finir, une question plutôt claire, posée par le PFORZHEIMER ZEITUNG : «Le sort de l’Allemagne dépend-il vraiment de son orthographe ?» et une réponse, pas en filigrane non plus, de la THÜRINGER ALLGEMEINE : Il y a deux mondes en Allemagne, le vrai (les réformes sociales) et le virtuel (la réforme de l’orthographe). Et si les journaux du pays débattaient avec autant d’énergie de la situation de l’ingénieur chômeur de 55 ans que du sort du double «t» dans tel ou tel mot, notre homme aurait toutes les chances. Mais il ne faut pas trop y compter, conclut le journal d’Erfurt.