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L'Afrique, "pionnière de la répression des crimes de guerre"

Philippe Pognan26 août 2016

Les journaux allemands commentent notamment le procès devant la CPI du jihadiste malien accusé d'avoir détruit des mausolées historiques à Tombouctou, au Mali. Un procès "historique" et à forte valeur symbolique.

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Ahmad Al Faqi Al Mahdi plaide coupable
Ahmad Al Faqi Al Mahdi plaide coupableImage : picture-alliance/dpa/P.Post

Dès le premier jour du procès lundi, Ahmad Al Faqi Al Mahdi, du groupe islamiste "Ansar Dine", a plaidé coupable de la destruction en juin et juillet 2012 de neuf des mausolées de Tombouctou et de la porte de la mosquée Sidi Yahia, des monuments classés au patrimoine mondial de l'humanité par l'Unesco.

L'un des mausolées détruits à Tombouctou, en 2014. Il a été reconstruit depuis.
L'un des mausolées détruits à Tombouctou, en 2014. Il a été reconstruit depuis.Image : picture-alliance/AP Photo/B. Ahmed

Pour die taz, die tageszeitung de Berlin, il est clair que ce procès est "historique“; c'est la première fois que la justice internationale reconnaît que la destruction de biens culturels est un crime de guerre. Les procès de la CPI sont souvent critiqués parce qu'ils sont presque toujours menés contre des Africains. C'est vrai, mais à l'inverse cela signifie aussi que l'Afrique devient une pionnière dans la répression internationale des crimes de guerre", conclut die taz .

Le quotidien Die Welt partage la position de la procureure de la CPI, Fatou Bensouda, et la cite: "Nos sites culturels ne sont pas des articles de luxe, mais sont d'une importance existentielle pour les communautés, les nations, l'Humanité. Sans culture, il n'y a pas de souvenir, de flambeau pour éclairer la voie de l'avenir. À Tombouctou, en Mésopotamie ou à Palmyre il ne s'agit pas de trésors, mais du droit de vivre des pensées et des idées". Que le terroriste montre des remords, c'est nouveau, relève le quotidien qui salue par ailleurs le travail de la Cour Pénale Internationale...

"La destruction de symboles culturels et celle des hommes qui appartiennent à cette culture va souvent de pair", souligne le quotidien Nürnberger Nachrichten. Cela fait partie des faits toujours répétés qui caractérisent les génocides; après la destruction de monuments, de coutumes et traditions propres à un groupe ou à un peuple, suit la destruction physique de ce groupe ou de ce peuple.Les juges qui défendent l'héritage du patrimoine mondial de l'Humanité de Tombouctou viennent donc aussi en aide à tous les gens qui sont menacés par des extrémistes où qu'ils soient, conclut le quotidien de Nuremberg, la ville même où les génocidaires nazis ont été jugés en 1945…

La CPI prononcera le 27 septembre son jugement et la peine à l'encontre de Ahmad Al Faqi Al Mahdi
La CPI prononcera le 27 septembre son jugement et la peine à l'encontre de Ahmad Al Faqi Al MahdiImage : picture-alliance/dpa/P.Post

Un cadre FDLR arrêté en RDC

Autre thème développé dans la presse allemande: l'arrestation de Sabimana Iraguha, un cadre de la milice rwandaise hutu FDLR. L'armée congolaise FARDC a pêché un "gros poisson" dans l'est de la République démocratique du Congo, en prenant dans ses filets un membre important des FDLR, le major Sabimana Iraguha, responsable de la sécurité du chef rebelle hutu rwandais Sylvestre Mudacumura. die taz revient sur cette arrestation par les Forces armées de la RDC de celui qui est plus connu sous son nom de guerre de Mugisha Vainqueur. Sabimana Iraguha a été arrêté au cours d'une opération commando des FARDC à Katsiru, localité du territoire de Rutshuru, située à une centaine de kilomètres au nord-ouest de Goma.

Les soldats des FARDC combattent différents groupes rebelles dans l'est de la RDC
Les soldats des FARDC combattent différents groupes rebelles dans l'est de la RDCImage : DW/John Kanyunyu

On pourrait presque croire que le président congolais Joseph Kabila a voulu faire là un cadeau à son homologue rwandais Paul Kagame. L'arrestation s'est produite au moment même d'une rencontre inhabituelle entre les deux chefs d'Etat dans la ville rwandaise de Gisenyi, à la frontière entre les deux pays. C'était la première visite du président Kabila au Rwanda depuis sept ans.

La justice internationale accuse de nombreux miliciens FDLR d'avoir pris une part active au génocide rwandais de 1994. Aussi, les FDLR ont toujours été l'objet de conflits entre les deux pays voisins. Mais depuis un an les forces armées de RDC combattent même leurs anciens amis des FDLR dans le cadre de l‘opération "Sukola 2" ou "Nettoyage 2" en langue lingala. Selon les données des FARDC, plus de 500 des mille à 2000 miliciens FDLR auraient été faits prisonniers ou tués au cours de l'année passée. Les FDLR, disséminés essentiellement au Nord et au Sud-Kivu, sont régulièrement accusés de commettre des atrocités contre les civils dans les zones sous leur contrôle.

Le président rwandais Paul Kagame considère toujours les FDLR comme une menace stratégique majeure, même si ces forces n'ont mené aucune action d'envergure en territoire rwandais depuis plusieurs années
Le président rwandais Paul Kagame considère toujours les FDLR comme une menace stratégique majeure, même si ces forces n'ont mené aucune action d'envergure en territoire rwandais depuis plusieurs annéesImage : picture-alliance/dpa/G. Ehrenzeller

Sabimana Iraguha alias Mugisha Vainqueur est lui aussi accusé de crimes brutaux. Selon une enquête onusienne il serait responsable du massacre de 32 Congolais en 2013 dans la localité de Kamananga dans le district de Bunyakiri dans la province du Sud-Kivu. En février 2009, des commandos sous ses ordres avaient déjà massacré une quinzaine de Congolais à Kipopo où ils avaient incendié une centaine de maisons.

Mugisha Vainqueur est par ailleurs un prisonnier particulièrement important, souligne la taz, car il doit pouvoir fournir de précieuses informations sur son protégé, le commandant en chef des FDLR, Sylvestre Mudacumura. Mudacumura est visé par un mandat d'arrêt international de la CPI depuis juillet 2012 pour des crimes commis dans les Kivus en 2009 et 2010.