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L'Afrique vue par la presse allemande

Sandrine Blanchard27 février 2004

Cette semaine, les journaux allemands se sont intéressés à plusieurs thèmes africains, à commencer bien sûr par le tremblement de terre dans le nord du Maroc.

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La Süddeutsche Zeitung rappelle, à l'instar d'autres quotidiens, que le bilan, encore provisoire, des morts s'élève désormais à près de 600 personnes. Les recherches continuaient en cette fin de semaine, parfois avec des moyens rudimentaires, et même à main nues, alors que les espoirs de retrouver des survivants s'amenuisent avec les heures et les jours qui passent. Et une fois de plus, les journaux rappellent que si les normes de sécurité étaient plus strictes, et surtout respectées, le séisme, aussi fort ait-il été, aurait fait moins de dégâts matériels et de victimes...

L'Ouganda était également présent dans les journaux de la semaine...

La Frankfurter Rundschau, par exemple, a publié une photo réellement poignante. Au premier plan, une femme, dans la ville de Lira, accroupie, les mains en l'air. Et derrière elle on voit des manifestants. Sur le visage de cette femme, une expression de souffrance extrême : la légende explique qu'elle demande à la police d'arrêter de tirer sur la foule. Cette photo a été prise durant les manifestations qui ont dégénéré, mercredi dernier, alors que les manifestants ont attaqué une ethnie rivale, qu'ils accusent de soutenir l'Armée de résistance du seigneur. La Tageszeitung de Berlin revient quant à elle sur les exactions de la LRA, sous le titre : « Boucherie au nom du Seigneur ». Le journal rappelle que le massacre organisé le week-end dernier par la LRA, et qui a fait près de 200 morts, est le plus sanglant depuis plusieurs années. La taz revient sur l'histoire de l'Armée de résistance du seigneur, qui s'est soulevée, dans le nord de l'Ouganda, contre l'arrivée au pouvoir du président Yoweri Museveni- c'était en 1986-, et a longtemps été soutenue par le Soudan voisin. LRA qui a enrôlé de force plus de 10.000 enfants pour en faire des soldats ou des esclaves sexuels. Le quotidien berlinois explique que les violences de cette armée rebelle ont poussé près d'un million et demi de personnes à prendre la fuite et à se réfugier dans des camps de fortune. Des camps que l'armée ougandaise n'arrive pas à protéger efficacement, et que les associations humanitaires ne peuvent pas non plus ravitailler. C'est pourquoi, écrit la taz, les Nations Unies parlent de l'une des plus grandes catastrophes humanitaires au monde. Pour finir, la tageszeitung explique que le gouvernement ougandais a demandé à la Cour internationale de Justice de La Haye d'ouvrir une enquête sur l'armée rebelle, après que celle-ci a refusé de cesser ses violences, en échange d'une amnistie présidentielle.

Et puis, autre catastrophe humanitaire préoccupante : le développement galopant du SIDA, en Afrique...

C'est cette fois la Frankfurter Rundschau qui ne mâche pas ses mots. Le quotidien accuse les chefs d'État africains d'assister les bras croisés à l'expansion de l'épidémie. Et même de fermer les yeux. Tout d'abord le journal rappelle des chiffres effrayants ,publiés par l'ONU : tous les jours, 6000 Africains meurent du SIDA et on estime à plus de 28 millions le nombre de personnes infectées par le virus VIH en Afrique. Et la Frankfurter Rundschau pense que ce désastre est essentiellement dû à un manque de volonté politique d'enrayer la maladie. En Afrique du Sud, par exemple, qui est le pays le plus touché, le gouvernement de Thabo Mbeki n'a commencé à s'en préoccuper que grâce à la pression de la rue et de la justice, après avoir nié pendant longtemps que le virus HIV avait un rapport avec le SIDA. Et c'est aussi seulement grâce à ces pressions que l'industrie pharmaceutique a accepté de faciliter la distribution de médicaments, constate avec colère le journal. Mais là où la Frankfurter Rundschau s'emporte vraiment, c'est quand la ministre de la santé sud-africaine recommande aux personnes, mourantes du SIDA, de manger de la betterave rouge et des pommes de terre africaines pour se porter mieux. D'où la conclusion rageuse du journal : quand le président Mbeki affirme ne connaître personne infecté par la maladie dans son entourage proche, c'est à se demander s'il en a vraiment un, entourage.

On reste en compagnie de la Frankfurter Rundschau qui s'intéresse au Togo...

Et plus particulièrement au port de Lomé, avec un reportage sur les vendeurs à la sauvette qui se font un peu d'argent avec du matériel usagé en provenance d'Europe. « Ici on trouve de tout », raconte l'un de ces vendeurs : du matériel informatique, des voitures bonnes pour la casse, des machines à coudre, des lampes et beaucoup, beaucoup de pièces détachées. Du matériel souvent en mauvais état, donc, que des vendeurs sans scrupules jugent « bien assez bon pour l'Afrique ». Le journal déplore que le Togo ait besoin de faire du marché noir avec les ordures de l'Europe pour se maintenir en vie. Avec ses manipulations des résultats des élections de l'année dernière, le dictateur Eyadéma, au pouvoir depuis 37 ans, a empêché la reprise des relations diplomatiques avec l'Union européenne, et ainsi renforcé la précarité économique du pays.

Et pour finir, un petit mot sur la Sierra Leone : L'hebdomadaire hambourgeois, Die Zeit, lui consacre tout un dossier. Le journal raconte l'histoire de Tamba, un homme de 34 ans dont le visage a été déchiqueté à coups de machette par un enfant-soldat et qui n'a pas pu être opéré pour retrouver sa bouche, faute d'hôpital et de médecins disponibles. Die Zeit explique également la mise en place de la Cour spéciale de justice pour la Sierra Leone. Une cour exemplaire, chargée de juger les crimes commis pendant la guerre civile entre 1991 et 1999. Exemplaire parce qu'elle se trouve sur les lieux mêmes des faits, proche de la population, parce qu'elle ne juge que les hauts responsables des violations de la Convention de Genève à partir de 1996, et enfin exemplaire car parmi ses huit juges, cinq ont été envoyés par l'ONU et les trois autres ont été nommés par le gouvernement de Sierra Leone lui-même.