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L'Allemagne a changé

Verica Spasovska5 septembre 2016

La "crise des réfugiés" est au cœur des débats en Allemagne, et au vu du résultat du dernier scrutin régional, il est clair que certains voient l'avenir avec pessimisme. Pas Verica Spasovska, voici son commentaire.

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Flüchtlinge an der österreichisch-deutschen Grenze
Image : picture-alliance/dpa/A. Weigel

Bien des choses ont changé cette année en Allemagne. La mauvaise nouvelle d‘abord: le racisme a augmenté. Le parti populiste de droite, AfD, Alternative pour l’Allemagne, qui avait perdu du terrain avant l’arrivée d’un million de réfugiés dans le pays, tire profit de la peur de nombreux Allemands face à l’arrivée massive d’étrangers dans le pays. Entretemps, l’AfD trouve le soutien de 15 % de la population au niveau national. Lors des dernières législatives, ce parti n’avait même pas franchi la barrière des 5%, nécessaire pour être représenté au Bundestag, la Chambre basse du Parlement allemand à Berlin. Mais aujourd’hui la situation a changé. La xénophobie est à nouveau de bon ton dans les salons en Allemagne.

Un bastion de la politique centriste

Verica Spasovska
Verica Spasovska, journaliste de la Deutsche WelleImage : DW/M. Müller

On doit toutefois comparer la situation de l’Allemagne avec celles d’autres pays européens: en France et en Bulgarie par exemple, les populistes de droite sont représentés aux parlements nationaux avec plus de 20% des suffrages, en Hongrie et en Pologne, ils sont même au gouvernement. Et en Grande-Bretagne, le parti xénophobe UKIP a été l’initiateur du Brexit, la sortie du pays de l’Union européenne. Et comparé aux pays profondément nationaliste d’Europe de l’est, l’Allemagne reste encore un bastion d’une politique libérale, centriste et un havre de stabilité.

Le rapport des Allemands avec leur chancelière a changé: son taux de popularité a diminué. De nombreux Allemands sont mécontents de la gestion de la problématique des immigrants et réfugiés. D’un autre côté, les sondages montrent que les partis de la coalition gouvernementale ont malgré tout encore une base solide. Dans le domaine de la politique extérieure, la chancelière jouit d’une solide réputation. Même si sa politique migratoire n’est pas du goût de tous les pays de l’Union européenne, la voix d‘Angela Merkel est écoutée sur toutes les questions importantes, telles que, par exemple, l’avenir de l’Europe après le Brexit. La position humaniste et humanitaire de la chancelière vis-à-vis des réfugiés est louée, entres autres, par le président américain Barack Obama: "L’Allemagne est du bon côté de l’Histoire."

La peur du terrorisme grandit

La chancelière jouit aussi de la reconnaissance de nombreuses personnes en Afrique et au Proche-Orient, parce que l’Allemagne a fait suivre ses paroles de gestes concrets et a laissé entrer sur son sol des centaines de milliers de personnes en détresse. Mais le rapport des Allemands avec les réfugiés a changé. L‘immense vague de solidarité et d’aide du début a fait place à un certain désenchantement. Les viols collectifs, perpétrés par des migrants nord-africainsle soir de la Saint-Sylvestre à Cologne en Rhénanie,les attentats islamistes d‘Ansbach et de Würzburg en Bavière ont exacerbé la peur des Allemands face au terrorisme islamiste, même si les auteurs de ces délits et crimes étaient déjà en Allemagne bien avant l’ouverture des frontières en septembre 2015!

Toutefois, aujourd’hui on sait aussi qu’un certain nombre d’islamistes se sont mêlés au flot incontrôlé de migrants l’année passée pour entrer en Allemagne. Mais si les frontières étaient restées fermées, alors ce seraient des centaines de milliers de personnes en détresse que l’on n’aurait pas pu aider.Et malgré les doutes et incertitudes, cette vague d’aide qui a commencé à déferler à travers le pays à l’automne passé se remarque encore. Les Allemands aident là où ils le peuvent: ils enseignent l’allemand aux enfants de réfugiés, accueillent chez eux des migrants mineurs non accompagnés ou bien aident lors de la recherche d’emplois. Sans cet énorme engagement bénévole de milliers de citoyens, bien des choses seraient moins bien organisées. En Allemagne, pas un réfugié n’a du dormir dehors à la belle étoile. La plupart des réfugiés arrivés en Allemagne vont bien mieux qu’auparavant. Cette générosité de nombreux Allemands vis-à-vis de gens en détresse peut être qualifiée à raison "d’histoire à succès".

De grandes tâches restent à accomplir

Mais les plus gros défis ne sont pas encore relevés. La société allemande doit encore prendre de nombreuses mesures d’intégration, pour scolariser les enfants et donner du travail aux adultes. Tout cela exige des moyens financiers et déclenche des débats animés par la jalousie, risquant de détruire la paix sociale.

Dans le même temps, la "crise des réfugiés“ offre la chance de défendre sa propre communauté de valeurs de manière plus assurée que par le passé. Que tous les réfugiés qui peuvent rester apprennent la langue allemande, respectent les valeurs de notre société démocratique et libérale, qu’ils placent la Loi Fondamentale, (la Constitution allemande) au-dessus de la Bible, du Coran et de toutes les autres écritures saintes et enfin qu’ils reconnaissent l’égalité des droits entre homme et femme - tout cela doit aller de soi. Des entorses à la loi doivent être immédiatement sanctionnées et l’expulsion d’étrangers auteurs de délits graves doit se faire bien plus rapidement que ce n’a été le cas jusqu’ici.

C’est de solidarité dont on a besoin

Oui, la "crise des réfugiés" a sorti les Allemands de leurs vies tranquilles et confortables, et elle exige beaucoup d‘eux. Elle les place devant de nouveaux défis, mais offre aussi de nouvelles chances. Car la bonne nouvelle, c’est que dans la multiplicité des cultures se cache aussi un gros potentiel, si l'on réussit à donner aux réfugiés le sentiment qu’ils font partie de notre société. Ce n’est qu’à cette condition qu’ils s’y intégreront de manière positive. Rien que l’argent que les immigrés et réfugiés envoient dans leurs pays d’origine dépasse le montant de l’aide au développement de l’Allemagne.

Si les Allemands ne considèrent pas les réfugiés comme une crise, comme un problème, mais s‘ils voient les choses de manière réaliste, s’ils constatent que la solidarité avec des gens en détresse peut renforcer une communauté, alors nous pourrons dire avec un certain recul :

"C’est bien que l’Allemagne ait changé!"