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Le dilemme de l'intervention en Libye

1 avril 2011

La Libye et la Côte d'Ivoire restent les grands sujets africains dans la presse allemande. L'intervention de la coalition internationale en Libye continue de soulever beaucoup de questions.

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Un rebelle libyen à la sortie d'Ajdabiya, 01.04.11Image : AP

Elle pose même un dilemme, écrit die tageszeitung: le dilemme de la responsabilité de protection. Il est clair, note le journal dans son édition de jeudi, que les deux objectifs de la résolution 1973 de l'ONU ne sont pas atteints: ni l'objectif explicite, à savoir protéger les civils des attaques de Kadhafi, ni l'objectif implicite, qui est d'aider les insurgés à renverser le dictateur. De là la proposition, vite déposée sur la table, de livrer des armes à la rébellion. Jamais encore, poursuit le journal, le conseil de sécurité n'a adopté contre un pays des mesures qui vont aussi loin en se référant précisément au principe de la responsabilité de protéger. Aussi souhaitable que soit ici une évolution qui empêche un génocide, les choses se compliqueront s'il s'agit d'armer un belligérant dans une guerre civile. Livrer des armes à des rebelles est une affaire dangereuse, souligne de son côté la Süddeutsche Zeitung, également dans son édition de jeudi. Une fois la guerre terminée les anciens insurgés affectionnent d'utiliser leurs fusils et lance-roquettes contre le nouveau gouvernement ou leurs fournisseurs d'armes. L'Afghanistan en est un exemple. Les guerriers de Dieu ont été armés par les occidentaux pour combattre les Soviétiques. Après le départ de l'armée rouge, les guerriers de Dieu se sont appelés taliban et ont tiré sur leurs anciens bienfaiteurs. Cela pourrait arriver en Libye. La guerre traine en longueur. Américains et Européens sont désemparés.

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Pilotes français en partance pour le ciel libyenImage : AP

Dans un autre article, paru mardi, et intitulé "après les bombes la politique", le même journal, la Süddeutsche Zeitung, relève que les rebelles n'ont toujours pas de visage. Le futur rôle des tribus est incertain. Si toutes les structures de pouvoir existant jusqu'à présent sont dissoutes, le risque est grand que les trésors du pays soient répartis de manière arbitraire. La Libye n'a pas la cohésion interne de la Tunisie ou de l'Egypte.

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Réfugiés libyens en Sicile, 20.03.11Image : dapd

La Libye après Kadhafi

La presse consacre aussi beaucoup d'articles à ce que pourrait devenir la Libye après la chute du colonel Kadhafi. La Frankfurter Allgemeine Zeitung a envoyé un journaliste à Baida, l'un des centres de la rébellion, dans l'est du pays. A Baida, lit-on dans son reportage, les jeunes ont très vite compris qu'ils n'avaient pas l'expérience nécessaire pour mettre en place des structures et organiser la révolution. Ils ont donc eu l'idée de former un conseil qui après la chute de l'ordre ancien prendrait les affaires en main. Ils se sont entendus sur cinq personnes et à la différence de ce qui s'est fait en Egypte, ils ont abandonné leur fonction de contrôle sur la révolution mais sont restés une force motrice. D'autres villes libérées ont également formé des conseils et chacun d'entre eux a envoyé un représentant à Benghazi où ils ont formé le conseil national de transition.

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Des combats signalés par de la fumée noire à Abidjan, 31.03.11Image : dapd

La Frankfurter Rundschau a interrogé un politologue libyen en exil en Allemagne, Ali Algibbehsi, sur les perspectives du combat de l'opposition dans son pays. Les médias occidentaux, souligne-t-il notamment, exagèrent le rôle des tribus en Libye. La révolution a été declenchée par la jeune génération. Ce sont les jeunes qui se battent et ce sont eux aussi qui ont créé le conseil de transition. Les occidentaux, lui demande notre confrère, doivent-ils envoyer des troupes au sol? La résolution 1973, répond Ali Algibbehsi, ne l'autorise pas et les Libyens ne le veulent pas non plus. Demander l'aide de l'étranger n'a déjà pas été pour eux une décision facile. Et cet opposant libyen ajoute que la Libye a suffisamment de ressources pour se remettre debout après la chute de Kadhafi.

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Des habitants d'Abidjan quittent la ville, 29.03.11Image : AP

Option militaire en Côte d'Ivoire

L'autre grand sujet de l'actualité africaine dans la presse allemande c'est la Côte d'Ivoire. Depuis le début de la semaine, les événements s'y sont précipités. Les journaux ont relaté la progression fulgurante des Forces républicaines d'Alassane Ouattara vers Abidjan. Ce qui a donné des titres comme "Grande offensive contre Gbagbo" ou "Ouattara choisit l'option militaire". Le président reconnu par la communauté internationale veut mettre un terme par une offensive armée au blocage politique dans son pays, écrit la Frankfurter Allgemeine Zeitung dans son édition de jeudi. La Süddeutsche Zeitung note que l'Union africaine, comme d'autres, a échoué en Côte d'Ivoire. Le journal évoque une maxime chère au premier président de la Côte d'Ivoire, Félix Houphouet-Boigny: "le dialogue est l'arme des forts". Son partenaire de dialogue, il est vrai, fut plus l'ancienne puissance coloniale française que l'opposition ivoirienne. Aujourd'hui, souligne le journal, le principe qui vaut en Côte d'Ivoire est que le dialogue est l'arme des faibles.

Comment se fait-il, demande pour sa part die Tageszeitung, que les rebelles qui contrôlent la moitié du pays depuis plus de huit ans n'aient pas marché plus tôt sur Abidjan. Dès la fin 2010 ils auraient pu mettre un terme au grotesque tapage mis en scène par Laurent Gbagbo après sa défaite à la présidentielle. Il y a encore une semaine, écrit la Tageszeitung vendredi, tout laissait à penser que la Côte d'Ivoire se dirigeait vers un génocide et que seule une intervention de l'extérieur pourrait éviter le pire. A la lumière des événements survenus entre-temps, le journal parle d'un tournant pacifique et souligne que, s'il a été possible, c'est parce que la Côte d'Ivoire a échappé précisément à l'intervention armée d'un Sarkozy mégalomane et de généraux nigérians fanfarons.

Auteur: Marie-Ange Pioerron
Edition: Fréjus Quenum