Les Indiens de l'Uttar Pradesh aux urnes
2 mars 2012Avec ses 200 millions d’habitants, l’Uttar Pradesh a un poids politique important à l’échelle nationale. Ce scrutin fait figure de test pour tous les partis politiques. Mais il est aussi entaché d’irrégularités. Les candidats n’hésitent pas à payer les électeurs pour qu’ils votent pour eux.
Les militaires à la rescousse
Trois militaires uniforme kaki et fusil d’assaut en bandoulière gardent un bureau de vote du district d’Etah, dans l’Etat de l’Uttar Pradesh. Ils ont l’ordre d’empêcher les candidats d’entrer. Mais l’un d’eux, Rameshwar Singh, leur passe sous le nez et remonte la file d’attente. En toute illégalité. En ce jour d’élection, la loi l’oblige à rester chez lui pour ne pas influencer le vote. Comme il a corrompu les militaires ainsi que le président du bureau, il peut enfreindre la règle et inciter les personnes qui enregistrent le vote à travailler plus vite.
« Les officiers des bureaux de vote ne travaillent pas assez vite. Je suis venu les inciter à accélérer la cadence. Il faut absolument que plus de gens puissent voter. »
Le marché aux voix
En Inde, les électeurs ont tendance à voter contre le gouvernement sortant, tenu ici par le BSP. Rameshwar Singh est dans l’opposition. Plus le taux de participation est élevée, plus il aura de chances d’être élu. Rameshwar Singh a aussi corrompu les électeurs. Hors micro, les habitants, confient avoir reçu entre 500 et 1000 roupies (environ 12 euros) de la part de son parti, le Samajwadi Party. La pratique est courante en Inde et touche surtout les quartiers pauvres.
Assis à côté de son bras droit aux abords d’un carrefour de la ville de Lucknow, dans la capitale de l’Uttar Pradesh, Babloo Singh est un petit candidat. Il n’appartient à aucun parti et il n’a pas les moyens de payer les électeurs:
« Les grands partis donnent de l’alcool ainsi que 100 à 500 roupies à chaque électeur. Ils distribuent ça la nuit avant les élections. Ils payent surtout les habitants des bidonvilles qui sont très pauvres. Ils sont liés à des groupes mafieux et ont beaucoup d’argent. Si jamais je les dénonçais, ils me tueraient. »
En Inde, il n’y a pas de subvention publique pour les dépenses de campagne. Chaque candidat doit financer son élection par ses propres moyens. Un phénomène qui rapproche les partis politiques des mafias et des criminels. Rameshwar Singh est lui-même poursuivi pour meurtre, tentative de meurtre, extorsion et vol avec violence. Chacun y trouve son compte : les partis s’assurent un candidat qui a les moyens de se faire élire. De son côté, le candidat élu pourra s’enrichir en prélevant des pots-de-vin sur les contrats publics. Un véritable cercle vicieux qui alimente la corruption jusqu’au plus haut sommet de l’Etat.
Auteur: Emmanuel Derville
Edition: Sandrine Blanchard