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L'Europe forteresse bafoue les droits humains

Jean-Michel Bos24 juillet 2009

L’accord passé avec la Libye qui prévoit de renvoyer dans ce pays les hommes, les femmes et les enfants qui sont interceptés en mer relance le débat sur une vision sécuritaire de l'immigration

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Zone militaire à Lampedusa
Zone militaire à LampedusaImage : DW/Petersmann

L’immigration est une compétence communautaire depuis le Traité de Maastricht, signé en 1992. L’année dernière, des textes importants ont ainsi été votées, comme la directive Carte bleue qui organise l’immigration des travailleurs dits hautement qualifiés.

Un autre texte a fait en revanche scandale : c’est la directive Retour qui organise le rapatriement des immigrés illégaux. Ces lois européennes ont pour objet d’harmoniser les conditions d’entrées sur le territoire communautaire. Pour la simple raison que l’Europe étant un territoire ouvert, le contrôle des frontières extérieures de l’Union prend une importance particulière.

Depuis quelques semaines, l’Italie pratique ainsi les rapatriements de clandestins vers la Libye, avant même que les barques n’arrivent à Lampedusa. C’est le fruit d’un accord signé à Bengazi entre l’Italie et la Libye. Un accord « mixte » : c’est-à-dire que d’un côté l’Italie demande pardon à la Libye pour la colonisation et offre une compensation financière. En retour, Tripoli s’engage à collaborer dans la lutte contre l’immigration clandestine. Le traité a été approuvé par les parlementaires italiens, et les premiers rapatriements ont commencé. Mais le problème tient au fait que la Libye n’est pas signataire de la Convention de Genève sur les réfugiés.

Les récits des migrants attestent des multiples violations de leurs droits subies en Libye. Mathilde Auvillain a rencontré à Rome, l’un d’entre eux.

La Commission critique l'Italie

Le commissaire Jacques Barrot a critiqué la loi sur l'immigration italienne
Le commissaire Jacques Barrot a critiqué la loi sur l'immigration italienneImage : picture alliance/dpa

Cet accord entre l’Italie et la Lybie est critiqué par ses partenaires européens et par la Commission à Bruxelles. La Suède, qui occupe la présidence de l’Union européenne, n’a pas caché qu’elle était partisane d’une politique plus libérale en matière d’immigration. Notamment pour tout ce qui concerne le droit d’asile. Mais aussi l’immigration légale.

La Suède est un petit pays qui adopte une attitude très pragmatique. A savoir que face au vieillissement de la population, l’économie européenne n’a pas d’autres choix que de recourir à l’immigration.

La Commission européenne pour sa part a fait porter les critiques sur un autre point. Car la nouvelle loi sur l'immigration italienne se heurte à un principe fondateur de l’Union européenne qui est celui de la liberté de circulation. Le gouvernement italien a en effet fait voter une loi qui prévoit d’introduire un délit d’immigration illégale - puni de 5 à 10 000 euros d’amende - un délit qui peut aussi s’accompagner d’une expulsion immédiate.

C'est sur ce point que la législation italienne se heurte au droit communautaire. Tout simplement car des ressortissants de l’Union européenne peuvent très bien se trouver dans ce cas de figure. Par exemple avec des Roumains ou des Bulgares, ou encore des populations d’origine Roms que le gouvernement italien a choisi de ficher pour mieux les contrôler.

La Commission européenne a donc rappelé à Rome qu’il était hors de question d’expulser ou d’enfermer des citoyens communautaires se trouvant en Italie dans une situation irrégulière. Mais derrière cela, tout le problème de l’immigration illégale en provenance d’Afrique ou d’Asie reste entier. Et sur ce point, le gouvernement italien peut faire ce qu’il veut, ou presque.

Où sont les frontières de l'Europe?

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Image : DW-Montage/picture-alliance/dpa

Nous restons sur ce thème des frontières car celles de l’Europe ne sont pas toujours faciles à définir. Surtout lorsqu’on veut se tourner vers l’est. Cette question de la géographie est importante puisqu’elle détermine en partie le statut de candidat potentiel à l’adhésion de nouveaux pays membres. Comme par exemple avec la Turquie, le Maroc ou bien l’Ukraine.

Alors, où commence l’Europe, où sont ses frontières ? Doit-on par exemple intégrer la Russie, aller jusqu’aux monts Oural ?

C’est la question que nous avons posé à Pierre Verluise, il est directeur du site Diploweb.com et auteur de « Géopolitique de l’Europe » paru aux Editions Sedes.