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Mugabe, un héros devenu dictateur

21 novembre 2017

Robert Mugabe a donc démissionné après 37 ans à la tête du Zimbabwe. Son image de combattant de la libération du pays du joug colonial britannique, en 1980, avait été écornée par la réalité de son pouvoir autoritaire.

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Simbabwe Krise Straßenszenen aus Harare
Image : Reuters/P. Bulawayo

Robert Gabriel Mugabe est né en 1924 dans un petit village au sud de Salisbury, qui est alors la capitale de la colonie britannique de Rhodésie du Sud.

Ses parents sont d'extraction modeste : des fermiers, très catholiques. D'ailleurs Robert Mugabe a été formé chez les jésuites, où cet enfant timide lit beaucoup.

Robert Mugabe suit une formation d'instituteur dans son pays, puis en Tanzanie et au Ghana. Il obtient sept diplômes universitaires, dont trois alors qu'il est en prison.

C'est au Ghana qu'il fait la connaissance de sa première épouse, Sally. Elle devient sa confidente et sa conseillère politique.

Combat pour la "libération" 

A son retour en Rhodésie du Sud en 1960, Robert Mugabe rejoint les rangs du mouvement de libération. D'abord contre le colon britannique, puis contre le gouvernement minoritaire blanc dirigé par Ian Smith, qui prône une séparation stricte des races.

En 1964, Robert Mugabe est arrêté et passe une dizaine d'années derrière les barreaux. En 1966, il ne pourra même pas assister aux funérailles de son fils. Au yeux des Zimbabwéens noirs, il se commue en héros national.

Robert Mugabe est libéré en 1975 et reprend le combat pour l‘indépendance de son pays.

Robert Mugabe - Simbabwe vor der Unabhängigkeit
Robert Mugabe, à Londres, en décembre 1979. Il vient de négocier l'indépendance de son paysImage : picture-alliance/dpa

En 1980 sont organisées les premières élections et il devient Premier ministre. Lors de son investiture, il prône la réconciliation entre les blancs et les noirs, préconise à ses concitoyens de tourner la page et de se tendre la main.

Des débuts prometteurs

Parmi ses premières réalisations au pouvoir, citons l'enseignement scolaire gratuit et l'accès gratuit aux soins de base pour les plus pauvres. Il engage des réformes économiques qui relancent le pays. L'espérance de vie augmente.

La reine d'Angleterre l'annoblit. A cette époque, Robert Mugabe est volontiers reçus dans les capitales occidentales.

En Allemagne, le président d'alors, Richard von Weizsäcker, le qualifie de "politicien intelligent et raisonnable, qui tente toujours de trouver l'équilibre".

Le tournant politique

Mais tandis que l'occident célèbre Robert Mugabe, la population zimbabwéenne lui découvre un autre visage. Après sa brouille avec son ancien compagnon d'armes, Joshua Nkomo, l'armée de Mugabe élimine des milliers de partisans de Nkomo.

Trois ans plus tard, les deux ennemis signent un armistice et Mugabe nomme Nkomo vice-président.

En 1992, l'épouse de Robert Mugabe, Sally, décède. Sa vie privée et son orientation politique en public changent du tout au tout. 

Il officialise sa relation avec son ancienne secrétaire, Grace qu'il épouse en 1996.

Contrairement à Sally, Grace n'arrive pas à se faire apprécier de la population. Rapidement, les Zimbabwéens dénoncent son goût prononcé du luxe et la surnomment « Gucci Grace ». Le couple présidentiel vit dans l'opulence tandis que la population du pays doit faire face au choléra, aux pénuries alimentaires et à l'inflation.

Simbabwe Machtkampf Robert Mugabe mit Ehefrau Grace
Robert Mugabe et sa femme, GraceImage : picture-alliance/dpa/AP/T. Mukwazhi

La fête organisée par Robert Mugabe à l'occasion de son 88è anniversaire a coûté près d'un million de dollars américains.

Pour ses 91 ans, il a fait tuer plusieurs éléphants et la viande a été servie dans un hôtel de luxe, accompagnée de 91 kilos de pâtisseries, agencées pour figurer les Chutes Victoria, les chutes d'eau situées sur le Zambèze. L'opposition dénonce alors une gabegie "obscène".

Un pays au bord du chaos

En 2000, l'Occident rompt avec Mugabe. Les anciens combattants de la guerre civile ont en effet obtenu son autorisation pour exproprier de force les fermiers blancs du Zimbabwe. Ne représentant qu'1% de la population totale, ces fermiers détenaient 70% des terres.

Robert Mugabe défend leur spoliation par la nécessité de rétablir l'équilibre entre fermiers noirs et blancs. Il déclare aussi : "L'homme blanc n'est pas chez lui en Afrique. L'Afrique appartient aux Africains ! Et le Zimbabwe appartient aux Zimbabwéens !"

En réalité, la plupart des terres spoliées sont redistribuées à des proches du président et à ses alliés politiques. De nombreuses fermes font faillite car les nouveaux propriétaires n'ont aucune expérience de l'agriculture. Le pays sombre alors dans une crise économique sans précédent.

En 2008, le taux d'inflation atteint plusieurs milliards, triste record du monde. Robert Mugabe accuse l'occident et ses sanctions d'être responsables de la crise.

Les Etats-Unis et l'Union européenne décident d'interdire l'entrée sur leur territoire à Robert Mugabe qui multiplie les violations des droits de l'homme et les fraudes électorales. La presse du Zimbabwe est muselée.

En 2008, le parti ZANU-PF de Robert Mugabe perd les législatives. Le président est contraint de nommer son rival du MDC, Morgan Tsvangirai, Premier ministre. Robert Mugabe et son parti remportent les élections de 2013.

Les années 2010

La fin du parcours politique de Robert Mugabe est marquée par son refus de quitter le pouvoir, en dépit de la pression de la rue. Les manifestations se multiplient mais le président souhaite que ce soit son épouse Grace qui lui succède.

Simbabwe Mugabe verkündet bei TV-Ansprache nicht wie erwartet Rücktritt
Novembre 2017 : les militaires prennent le pouvoirImage : picture alliance/AP Photo/Zimbabwe Herald

Le limogeage de son vice-président, Emmerson Mwangagwa, qui risquait de faire de l'ombre à Grace Mugabe, aura été la goutte d'eau de trop. L'armée a finalement réussi à renverser pacifiquement le « Vieux Bob », ancien combattant de la liberté devenu dictateur.

(avec Colombus Mavhunga)