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Nigeria : des enjeux pas seulement religieux

27 janvier 2012

Le Nigeria se trouve propulsé une nouvelle fois à la Une de l'actualité africaine dans la presse allemande. La récente vague d'attentats à Kano, dans le nord du pays, a été particulièrement meurtrière.

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La ville de KanoImage : picture-alliance/dpa

Ces nouvelles attaques revendiquées par la secte islamiste Boko Haram amènent la Süddeutsche Zeitung à brosser un portrait du chef de Boko Haram, Abubakar Shekau. Le terroriste n°1 en Afrique, écrit le journal. A chaque fois qu'il profère des menaces de violences, il les met à exécution. Depuis les attaques de Kano la crainte que Shekau fasse tout pour détruire un Nigeria pluraliste a encore augmenté. Mais comme l'explique dans l'article un expert de l'Institut d'études de sécurité à Prétoria, Martin Ewi, l'extrême brutalité de Shekau pourrait aussi s'expliquer par le fait qu'il a failli, une fois, être capturé. "Il était dans la gueule du crocodile". Il revient maintenant pour tuer le crocodile.

Goodluck Jonathan Nigeria, Kano Bombenanschlag
Goodluck Jonathan en visite chez l'émir de Kano, le 23 janvier 2012Image : picture-alliance/dpa

Pour la Frankfurter Allgemeine Zeitung, dans un pays qui compte 70 millions de musulmans et autant de chrétiens, il suffit d'une étincelle pour dresser les deux groupes l'un contre l'autre. C'est ce que vise Boko Haram par le biais d'épurations ethnico-religieuses. Plus largement le journal relève que 45 à 50% des Africains sont musulmans. Et que, comme les chrétiens, ils sont mécontents de leurs conditions de vie, de la corruption, de la pauvreté. Mais au Nigeria, ils attribuent volontiers leur propre misère au sud, qui a toujours été économiquement privilégié, et donc aux chrétiens. Ce sont pourtant des dictateurs venus du nord qui ont le plus pillé le pays, ajoute le journal. Des chrétiens meurent au Nigéria, lit-on dans la Süddeutsche Zeitung. L'enjeu n'est pas seulement religieux. On peut en dire autant lorsque des salafistes tirent sur des coptes ou brûlent leurs églises, lorsque les derniers chrétiens d'Irak quittent leur pays parce qu'ils veulent vivre. Il y a toujours des raisons politiques, économiques et sociales à la violence, la guerre et la guerre civile. Les chrétiens ne sont pas non plus les bons, poursuit le journal, ils sont à bien des égards partie prenante dans les conflits. Et pourtant, souligne le journal, aucune religion dans le monde n'est autant l'objet de violence et de discrimination que le christianisme.

Chinatown Johannesburg Südafrika
Chinatown à JohannesburgImage : AP

Le continent de l'espoir

Loin de tout afropessimisme la presse allemande évoque cette semaine le formidable potentiel de développement du continent africain. L'Afrique passe depuis peu pour le continent de l'espoir. Bien des choses inimaginables ailleurs sont possibles en Afrique, écrit la Süddeutsche Zeitung. Il suffit de voir tous ces Chinois qui dans les régions les plus reculées construisent courageusement des routes avec les moyens les plus élémentaires. Le continent des pauvres se développe. Plus vite que certains ne l'avaient pensé. Mais il ne se développe pas toujours de la façon qu'avaient imaginée les responsables politiques et les entrepreneurs européens. L'occident reste certes un acteur important en Afrique. Mais partout l'on peut voir que d'autres gagnent en importance, principalement la Chine et l'Inde. Elles travaillent différemment que les partenaires économiques classiques. Pékin mise sur le troc: développement économique contre matières premières. Mais il y a aussi aujourd'hui des milliers de commerçants et petits entrepreneurs asiatiques qui vont en Afrique pour y faire des affaires apparemment impossibles.

China Afrika Wirtschaft
Ouvriers chinois en AlgérieImage : AP

CCTV Africa

L'avancée de la Chine sur le continent africain n'est pas seulement commerciale. A en juger par un article de la presse allemande, la Chine s'est aussi lancée dans la conquête médiatique de l'Afrique. La télévision chinoise va émettre, pour l'Afrique, à partir de Nairobi. Ce sera une heure de direct par jour, sept jours sur sept, écrit l'hebdomadaire Die Zeit. 60 minutes d'info pour l'Afrique, traitée du point de vue chinois, plus un talkshow et un documentaire le samedi et le dimanche. La puissante télévision d'Etat chinoise a envoyé en Afrique une équipe de correspondants jeunes et peu expérimentés. Aucun n'a de formation journalistique. Mais c'est la première fois, note plus loin le journal, que la télévision chinoise produira et émettra en direct dans un autre pays que la Chine. CCTV Africa n'emploiera comme présentateurs et reporters devant la caméra que des Africains débauchés de stations locales. Mais s'interroge Die Zeit, que se passera-t-il si ces journalistes ne veulent pas se soumettre à la sévère censure chinoise? Sur des sujets politiquement sensibles comme les révolutions en Tunisie et en Egypte, les conflits seront sans doute inévitables.

Voodoo Die Kraft des Heilens Film
Vaudou, Le pouvoir de guérison, film allemand de 2009Image : Alamode Film

Vacciner avec l'aide des esprits

Au Bénin le mariage entre médecine traditionnelle et médecine occidentale est plutôt réussi. Un film a été projeté dernièrement à Berlin. Il s'intitule "Vaudou et vaccins", et il inspire un article à la presse allemande. Très précisément au Tagesspiegel, de Berlin, qui prend l'exemple d'un guérisseur vaudou traditionnel, Dah Aligbonon. Ce guérisseur ne se contente pas de prescrire aux malades qui viennent le consulter d'apporter par exemple une chauve-souris, une poule et un coq pour les sauver des mauvais esprits. A la radio il conseille aussi aux mères de famille de faire vacciner leurs enfants contre la diphtérie, le tétanos et la rougeole. Sans l'intervention d'hommes comme lui, les programmes de vaccination proposés gratuitement par le gouvernement en coopération avec GAVI Alliance, ou Alliance mondiale pour les vaccins et l'immunisation, auraient beaucoup moins de succès, souligne le journal. GAVI Alliance mise à présent sur la vaccination contre le virus du papillome humain, une infection transmise sexuellement. Elle sera bientôt proposée aux jeunes filles béninoises. Les guérisseurs vaudou, demande le journal, conseilleront-ils cette nouvelle vaccination aux filles et à leurs parents, ou craindront-ils pour leur réputation, si la "concurrence" a plus de succès qu'eux? Il y a au Bénin 7 500 guérisseurs traditionnels, soit un pour 800 habitants, contre un médecin pour 10 000 habitants.

Auteur : Marie-Ange Pioerron
Edition : Fréjus Quenum