1. Aller au contenu
  2. Aller au menu principal
  3. Voir les autres sites DW

Nord-Mali ou l'ivresse de la destruction

Marie-Ange Pioerron6 juillet 2012

Des sites inscrits au patrimoine mondial de l'humanité, détruits par des islamistes radicaux - c'est le genre d'événement qui fait monter la presse allemande au créneau.

https://p.dw.com/p/15T5U
Un des nombreux mausolées de TombouctouImage : Reuters

La destruction de mausolées à Tombouctou, par les islamistes d'Ansar Dine, inspire beaucoup d'articles. "Dans l'ivresse de la destruction", titre en première page die tageszeitung au-dessus d'une photo d'un mausolée tombé sous les coups de pioche des islamistes, le mausolée de Sidi Mahmoud Ben Amar. La Frankfurter Allgemeine Zeitung dénonce un islam de l'âge de la pierre. Cela nous rappelle, écrit le journal, la destruction des statues monumentales de bouddhas, à Bamyian, en Afghanistan et c'est aussi le même esprit fanatique qui anime aujourd'hui les destructeurs au Mali. Les mausolées de saints musulmans appartiennent depuis des siècles à la culture et la piété populaire dans tout l'espace ouest-africain et maghrébin. La construction de mausolées, explique le journal, plonge ses racines dans le soufisme, cette empreinte spécifiquement musulmane du mysticisme. Les marabouts enterrés dans les mausolées ont souvent dirigé des confréries soufis. On leur attribue une force bienfaisante. Hommes et femmes viennent prier au pied des mausolées pour implorer la guérison ou la fécondité. Tout cela n'est qu'abomination pour les fondamentalistes, principalement les salafistes qui se réclament du wahhabisme saoudien. Pas seulement à Tombouctou. En Libye et en Egypte aussi des mausolées ont parfois été détruits.

Mali Timbuktu Ansar Dine Islamisten Gruppe Mausoleum
Un site du patrimoine mondial à TombouctouImage : Reuters

La notion de patrimoine mondial est utopique, estime de son côté la Süddeutschte Zeitung. Elle part du principe qu'au-delà de toutes les frontières, querelles politiques et différences culturelles, l'humanité est unie. Et qu'il existe entre les peuples une influence culturelle réciproque, de sorte que certains sites sont d'une portée universelle et que leur protection est autant dans l'intérêt des Allemands que des Saoudiens ou des Equatoriens. C'est cet esprit qui sous-tend les décisions prises chaque année par le comité de l'UNESCO. Mais l'inscription de sites nationaux au patrimoine mondial a souvent aussi une dimension politique. Et elle s'appuie sur une conception culturelle qui n'est pas toujours partagée par l'ensemble de la population locale. L'islam populaire qui s'exprime en Afrique du nord dans la vénération de saints est un blasphème pour les islamistes radicaux d'Ansar Dine, elle enfreint l'interdiction d'adorer d'autres dieux que Dieu. Le groupe défend donc une idéologie dogmatique, incompatible avec une vision universelle de la culture.

Mali Timbuktu Ansar Dine Islamisten Gruppe Mausoleum
Des miliciens d'Ansar Dine à KidalImage : Reuters

A quand une intervention de la CEDEAO?

Cette rage de destruction affichée par les hommes d'Ansar Dine est attisée par les revers qu'ils infligent aux Touaregs, laïcs, du Mouvement national pour la libération de l'Azawad. Les Touaregs, écrit la Süddeutsche Zeitung, payent maintenant leur alliance initiale avec les fondamentalistes religieux. Leurs divergences idéologiques sont insurmontables, des combats ont ouvertement éclaté entre les deux groupes et les Touaregs ont perdu du terrain. La lutte de pouvoir entre groupes rebelles ne devrait pas tarder à enflammer de nouveau le nord du Mali, avec des conséquences catastrophiques pour les populations. Les Touaregs, poursuit le journal, ne sont d'ailleurs pas majoritaires dans le nord du Mali, et beaucoup d'entre eux ne sont pas d'accord avec la démarche militaire du MNLA. Mais personne ne leur a demandé leur avis. C'est une minorité qui décide ici de la guerre et de la paix. A Bamako les Touaregs ont dilapidé tout leur crédit par leur nouvelle insurrection. Aux yeux de la plupart des Bamakois ils passent globalement pour des traitres, des ennemis de l'Etat. Ceux qui en souffrent le plus sont précisément ceux qui ne voulaient pas combattre contre le gouvernement. A quand une intervention de la CEDEAO au Nord-Mali? Les Etats de l'Afrique de l'ouest, lit-on dans die tageszeitung, veulent absolument agir, pour restaurer l'unité de l'Etat malien. La question est : quand? Cela fait déjà des semaines que la CEDEAO s'est entendue sur le principe d'envoyer des soldats au Mali, mais on n'en voit toujours rien. Or le temps presse, souligne le journal. Non seulement à cause de la destruction des sites religieux à Tombouctou. Des informations inquiétantes circulent à propos de la ville de Gao: des islamistes auraient posé des mines anti-personnel tout autour de la ville.

Afrika Kongo Flüchtlinge in Goma
Réfugiés à GomaImage : Simone Schlindwein

Nord-Kivu: dans les coulisses des combats

Les mines sont également présentes dans l'est de la République démocratique du Congo. Les affrontements durent depuis plusieurs mois entre armée congolaise et rebelles du M23. Mais comme l'écrit die tageszeitung, les habitants de Goma n'en croyaient pas leurs yeux en voyant des soldats rwandais arriver dans leur ville le jeudi 28 juin. Un convoi de l'armée rwandaise a traversé le chef lieu du Nord Kivu jusqu'à la résidence du gouverneur Julien Paluku pour protéger le ministre rwandais de la défense James Kabarebe et d'autres hauts officiers rwandais lors d'une rencontre au sommet avec leurs homologues congolais. C'est une démonstration de force par les Rwandais et le signe aussi qu'ils se méfient du Congo et de son armée en décomposition, pas même capable de se protéger elle-même. Mais poursuit le journal, des rencontres de haut niveau se déroulent régulièrement entre militaires et services secrets congolais et rwandais. Un centre régional de renseignement a été inauguré récemment à Goma, il est dirigé par un général angolais et doit accueillir des représentants permanents de tous les Etats de la région. Selon la presse rwandaise, le Rwanda veut être le premier à envoyer sa délégation. Tout cela pourrait expliquer pourquoi le Congo a réagi si mollement au rapport de l'ONU sur l'appui apporté par le Rwanda à la rébellion du M23.

Geldwechsler in Ghana, Togo Geld
Change d'argent au GhanaImage : CC/bbcworldservice

Ghana: chasse aux commerçants étrangers

Enfin die tageszeitung évoque la fermeture de boutiques appartenant à des étrangers au Ghana. La mesure était prévue depuis longtemps, elle a été plusieurs fois reportée, mais cette fois-ci c'est du sérieux, écrit le journal. Les fermetures de magasins ont commencé mardi à Accra et se sont étendues mercredi à d'autres villes. Il s'agit de protéger les commercants locaux de la concurrence des migrants, accusés de "voler" le chiffre d'affaires local. Parmi les conditions imposées à tous les non-Ghanéens, y compris les ressortissants de la CEDEAO, qui veulent faire du commerce, figure notamment l'obligation d'investir au moins 300 000 dollars en argent ou en nature. Les étrangers ont peur, conclut le journal.