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Paul Kagame isolé

Marie-Ange Pioerron3 août 2012

Après les États-Unis, les Pays-Bas et la Grande-Bretagne, l'Allemagne a suspendu une partie de son aide au Rwanda pour protester contre son rôle dans l'est de la République démocratique du Congo.

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Réfugiés congolais près de la frontière ougandaise
Réfugiés congolais près de la frontière ougandaiseImage : Reuters

De la part des Occidentaux, c'est une attitude qui marque un tournant, selon la presse allemande. Paul Kagame de plus en plus seul, estime par exemple la Frankfurter Allgemeine Zeitung. Jusqu'à présent, le président rwandais avait toujours pu compter sur ses bons contacts avec les puissants de ce monde. Ce Tutsi d'allure austère passait en Occident pour un visionnaire, il a conduit le Rwanda vers la modernité, alors que le pays est sorti profondément divisé du génocide de 1994.

On lui pardonnait jusqu'à présent de ne pas trop se soucier des habitudes démocratiques. De fait, l'économie rwandaise ne s'est jamais aussi bien portée. Que ce boom économique soit dû pour une bonne part au pillage des ressources naturelles du Congo a été consciencieusement laissé de côté. Cela semble avoir changé, souligne le journal.À première vue, note de son côté die tageszeitung, tout est clair : le Rwanda soutient des rebelles au Congo, il faut que cela cesse, et pour en arriver là il faut faire pression. Le problème, poursuit le journal, est que les premières accusations de l'ONU sur un soutien rwandais aux rebelles du M23 ont commencé à circuler en juin. En réaction, le gouvernement allemand a suspendu, il y a quatre semaines déjà, la signature d'un accord sur l'octroi d'une aide budgétaire de 21 millions d'euros. Cela n'a pas été rendu public.

Niebel in Ruanda
Le ministre de la Coopération Dirk Niebel en janvier 2010 à KigaliImage : picture alliance / dpa

Entre-temps, bien des choses se sont produites. Le Rwanda a répondu en détail aux accusations de l'ONU. Or, c'est à ce moment-là que l'Allemagne annonce la suspension de son aide. Les étranges menaces du ministère de la Coopération soulèvent bien des questions, estime le journal : l'Allemagne croit-elle réellement que tout irait mieux au Congo si seulement il n'avait pas de voisins ? Et si l'Allemagne s'intéresse à la crise dans le lointain Congo, peut-on reprocher au voisin rwandais d'en faire autant ?

Intervenir militairement au Congo ?

Panzer an der Front Kongo
Char de l'armée congolaise près de GomaImage : Simone Schlindwein

L'hebdomadaire Die Zeit se pose quant à lui une autre question : est-on à la veille d'une intervention militaire au Congo ? Après l'opération de l'Otan en Libye, l'idée d'intervenir militairement a disparu dans les tiroirs des gouvernements occidentaux, note Die Zeit. En Afrique, c'est l'inverse qui est vrai. Ces derniers mois, ce ne sont pas moins de trois appels à l'intervention de troupes africaines qui ont été lancés : en Ouganda pour chasser le chef rebelle Joseph Kony. Au Mali, où des islamistes occupent actuellement le nord du pays, et dans l'est du Congo où de nouveaux combats entre rebelles et armée menacent la fragile stabilisation des dernières années.

Cette soif d'action procède moins d'une envie d'aventures militaires que de l'aspiration à une architecture africaine de sécurité. L'Union africaine est le seul regroupement d'États à avoir inscrit dans sa charte la responsabilité de protéger. Au vu des dictateurs et cleptocrates au pouvoir, c'est à prendre avec précaution. Mais eux aussi savent que le principe de la non-ingérence n'est plus intangible sur le continent.

Ils peuvent malgré tout espérer que l'UA et les organisations régionales placent la barre trop haut. La grande intervention multinationale contre Joseph Kony est restée jusqu'à présent lettre morte. Ce sont des militaires américains et ougandais qui lui font la chasse. Une intervention au Mali bute sur le manque de contributeurs de troupes ayant une expérience du désert. Et dans l'est du Congo aussi nul ne sait qui veut fournir des troupes et les payer. Lutte de pouvoir à Bamako

Dioncounda Traore
Dioncounda Traoré à son arrivée à BamakoImage : Reuters

Le Mali, justement, continue à faire parler de lui dans les journaux. L'élément nouveau est le retour à Bamako du président de la transition Dioncounda Traoré. Il est resté absent pendant deux mois, et à sa descente d'avion, note la Süddeutsche Zeitung, il a donné l'accolade au Premier ministre Cheikh Modibo Diarra. Le geste faisait penser à deux boxeurs qui s'embrassent entre deux rounds, écrit le journal.

À 70 ans, le président Traoré sait que tous les espoirs reposent maintenant sur lui pour sauver le Mali. Les Touaregs, les putschistes et les islamistes sont actuellement les trois forces qui déstabilisent le pays, le Premier ministre n'arrive pas à les maîtriser. Mais la phase décisive dans la lutte de pouvoir avec Cheikh Modiba Diarra est encore à venir, estime le journal, qui souligne que le Premier ministre est de plus en plus critiqué pour sa proximité avec les putschistes.

Par précaution, Dioncounda Traoré a proclamé sa conviction que les miltaires veilleraient à la sécurité du président de la République. Peu de temps auparavant, des manifestants étaient descendus dans la rue à Bamako pour soutenir son rival Cheikh Modibo Diarra.

Le Kenya moins endetté que la Grèce

See Turkana Kenia
Le lac Turkana au KenyaImage : dapd

Enfin, la presse allemande livre aussi à ses lecteurs un article qui relativise la prétendue arriération économique de l'Afrique, surtout si l'on pense à la crise qui frappe certains pays la zone euro. Comme l'écrit la Süddeutsche Zeitung, les pays fortement endettés de la zone euro pourraient s'inspirer de pays plus pauvres qu'eux, par exemple le Kenya. La première économie de l'Afrique de l'est a certes beaucoup de problèmes sociaux et économiques, mais c'est un modèle en matière de gestion de la dette.

Le Kenya n'a jamais eu recours à l'initiative de désendettement pour les pays les plus pauvres. Les conditions de départ étaient pour cela trop bonnes puisque le poids de la dette était jugé supportable. Si la Grèce et le Kenya pouvaient permuter les rôles, la situation macro-économique de l'Europe serait nettement meilleure. Le niveau actuel de la dette kényane représente environ 43% du produit national brut, soit un quart du fardeau de la dette grecque. Si le Kenya était membre de la zone euro, ce serait le troisième pays le moins endetté. Seuls l'Estonie et le Luxembourg se classeraient devant lui.