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Regrets et colère dix ans après Probo Koala

A. Göbel / F. Quenum (adaptation)18 août 2016

Le déversement de la cargaison n'avait été autorisé nulle part en Europe et c'est pourquoi les déchets se sont retrouvés en Afrique. Au moins 17 personnes ont péri dans ce scandale et d'autres sont toujours malades.

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Un chantier de dépollution près du village d'Akuedo
Un chantier de dépollution près du village d'AkuedoImage : picture-alliance/dpa

Trafigura, la société néerlandaise qui a affrêté le navire de déchets s'est engagée dans un processus de dédommagement mais n'a jamais admis sa culpabilité. L'affaire Probo Koala est depuis lors chargée de leçons dans les relations Nord-Sud.

Quand il pleut à Akuedo, l'on voit encore la substance toxique remonter à la surface. Une boue puante de couleur brune-bleue. Innocent Kassi un habitant, se souvient encore de la nuit où les déchets toxiques sont arrivés:

"Oh c'était terrible hein, dans la nuit du 18 au 19 août 2006 ! On a senti des odeurs au départ dans la nuit et on s'est dit bon ! Qu'est-ce que c'est? Quand vous-vous réveillez à trois heures du matin, c'est impossible de respirer dans votre chambre! Vous voulez mettre le nez dehors pour espérer avoir de l'oxygène? Là vous partez pour être asphyxié complètement ! Et ça ne venait qu'en milieu de nuit... 2H, 3H, 4H, 5H du matin. La journée ça s'apaise un peu mais la nuit, c'était impossible ! On a véritablement souffert."

Déchets hautement toxiques

Trafigura avait annoncé le paiement de 198 millions de Dollars au gouvernement ivoirien pour nettoyer la zone polluée
Trafigura avait annoncé le paiement de 198 millions de Dollars au gouvernement ivoirien pour nettoyer la zone polluéeImage : picture-alliance/dpa

Les déchets étaient constitués de produits chimiques pour le nettoyage, de mélange d'essence et de résidus de pétrole. 600 tonnes ont été chargées dans des camions au port d'Abidjan avant d'être ensuite déversées dans divers endroits de la capitale économique ivoirienne, à l'instar d'Akuedo. Thierry Gohoré, un autre habitant : "Ça nous a rendus malades, certaines femmes ont eu des avortements précoces, il y en a qui ont fait des fausses couches, il y a des enfants nés avec des malformations et ça continue."

Tel un cancer, les troubles respiratoires chroniques, les problèmes cutanés et les difficultés de vue font des ravages. Or aucun médecin n'a voulu jusqu'ici prendre le risque d'établir un lien entre ces problèmes de santé enregistrés et les déchets toxiques. Selon Christine Melai, les médecins ont peur d'éventuelles poursuites de la part de Trafigura.

Dédommagement insignifiant

Des activistes à l'instar de l'ONG Greepeace ont lancé une alerte sur la toxicité des déchets
Des activistes à l'instar de l'ONG Greepeace ont lancé une alerte sur la toxicité des déchetsImage : Getty Images/AFP/R. Pajula

Christine fait partie des trente mille victimes à qui Trafigura a versé 1000 euros chacune, suite à un accord avec le gouvernement ivoirien :

"Franchement, c'est de la foutaise ! Deux cent mille francs ne peuvent pas soigner quelqu'un qui est contaminé par les déchets toxiques ! C'est parce qu'on ne savait pas quoi faire qu'on a accepté ça comme ça. Moi, ce que j'ai dépensé pour ma santé, c'est plus de sept cent mille. Depuis 2006, je suis tout le temps malade jusqu'à aujourd'hui.»

Sous la pression internationale, Trafigura a pris en charge une partie du coût de la dépollution. Mais bien d'autres engagements sont restés sur le papier. Il s'agit par exemple d'un accord de dédommagement signé en 2009. Idem pour une décision de justice prise à Londres en 2014 et qui oblige Trafigura à payer 1000 euros respectivement à cinq mille autres victimes.

Mais l'affaire Probo Koala pose un autre problème éthique. Beaucoup de responsables politiques et administratifs ivoiriens se seraient fait corrompre pour fermer les yeux sur le scandale. On cite même le nom de l'ex-président Laurent Gbagbo, aujourd'hui jugé par la CPI suite à la crise post-électorale.