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Remise en question des dons pour le tsunami

Audrey Parmentier27 décembre 2005

Hier, les pays riverains de l'océan Indien ont rendu hommage aux 231.000 victimes du tsunami du 26 décembre 2004, l'une des catastrophes naturelles les plus dévastatrices de l'histoire moderne. Il y a un an jour pour jour, une vaste opération de solidarité était lancée dans le monde pour venir aux secours des rescapés. Aujourd’hui, cette solidarité est remise en question. D’une part parce qu’elle entraîne des aberrations et d’autre part parce qu’elle dévoile au grand jour des inégalités entre des régions plus ou moins médiatiques.

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Reconstruction dans la province d'Aceh
Reconstruction dans la province d'AcehImage : dpa

Les images de la catastrophe d’il y a un an reviennent, constate la "Frankfurter Allgemeine Zeitung".Et elles nous laissent toujours sans voix. Certains sont satisfaits de voir ce qui a été fait entre temps pour apaiser les souffrances des personnes concernées. 670 millions d’euros de dons privés ont été récoltés. Voilà qui pourrait donner matière à satisfaction. Et bien non, répond le journal de Francfort. Non parce que les grandes catastrophes de cette année, comme le tremblement de terre au Pakistan et l’ouragan Kathrina ont détruit l’illusion que l’homme était charitable de nature. Et de se demander pourquoi l’Allemagne n’a même pas réussi à collecter 5 millions d’euros pour la Louisiane ou encore pourquoi les dons pour le Pakistan n’on atteint que 50 millions d’euros. La réponse tombe comme un couperet : parce que le tsunami était télégénique. Et surtout parce que l’on n’avait jamais vu cela. Du coup, des scènes ont été montrées des centaines de fois, comme pour les attentats du 11 septembre.

"Die Welt" parle elle aussi du pouvoir des images. Les images, explique le journal, les images créent une certaine proximité et la proximité crée les émotions. Est-ce que tous nos dons ne devraient finalement pas aller dans les régions où la misère est encore plus grande mais où il n’y a pas de caméras, à savoir le Darfour, le Congo, ou encore le Niger. En tout cas, et c’est ce que souligne le journal conservateur, la catastrophe du Pakistan n’est pas de l’ordre du sensationnel. Le Pakistan n’est pas une destination de vacances. Résultat : très peu d’argent a été débloqué pour l’aide d’urgence.

La "Süddeutsche Zeitung" relève une autre injustice dans la région dévastée par le tsunami : si la catastrophe a quasiment ramené la paix dans la province d’Aceh, elle n’a fait qu’aggraver le conflit qui oppose tamoules et cinghalais au Sri Lanka. Bref le tsunami n’a fait que catalyser un développement politique qui était déjà programmé.

Il y a 250 ans explique la "Tageszeitung" quand un tremblement de terre détruisit entièrement Lisbonne, toute l’intelligentsia des Lumières, Voltaire, Rousseau, Kant, en profita pour en finir avec l’idée que le monde tel qu’il était était le meilleur des mondes. Aujourd’hui, constate la "taz" avec amertume, la recherche rationnelle des causes des catastrophes cède de nouveau la place aux interprétations religieuses et l’aide devient de plus en plus un substitut de politique.

Enfin, la "Frankfurter Rundschau" tire les leçons de la catastrophe. La méconnaissance de la situation sur place et le manque de professionnalisme ont conduit à des aberrations, et notamment à l’envoi de vieux habits d’hiver, de nourriture pour chiens ou encore de costumes de père Noël au Sri Lanka. Des maisons ont été reconstruites, mais sans cuisine. Les dons ne remplacent pas la réflexion sur les causes de la pauvreté.