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Restitutions difficiles

Carine Debrabandère20 novembre 2006

Réunion au sommet à la chancellerie de Berlin entre le ministre délégué à la culture et les directeurs des principaux musées allemands. Il était question de la restitution d’œuvres d’art pillées par le régime nazi, alors que les réclamations d’héritiers de juifs spoliés se multiplient à travers le monde.

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"Scène de rue berlinoise" - Ernst Ludwig Kirchner
"Scène de rue berlinoise" - Ernst Ludwig KirchnerImage : AP

Il s’agissait bel et bien d’un sommet de crise aujourd’hui à Berlin, avec au cœur des débats une centaine de toiles de l’expressionnisme allemand, qui, dans les trois premières décennies du 20e siècle, a compté parmi les plus grands maîtres de la peintre moderne d’August Macke à Ernst Ludwig Kirchner, en passant par Wassili Kandinsky. Des œuvres qui appartenaient à des collectionneurs juifs, spoliés par le régime nazi, et dont les descendants réclament aujourd’hui les biens familiaux.

Il s’agit d’essayer de concilier le mieux possible justice morale et historique et défense du patrimoine artistique national. Car un vent de panique souffle sur les musées allemands qui ont peur de perdre leurs chefs d’œuvre expressionnistes. D’un côté, Berlin s’est engagé à rendre les tableaux spoliés par le régime nazi, et l’Allemagne honore ses engagements. De l’autre, de nombreux experts soulignent que les restitutions de biens juifs ont parfois plus à voir avec le monde des affaires qu’avec la morale. Une grande partie des demandes de restitutions est en effet initiée par les maisons de vente aux enchères telles que Christie’s et non pas par les familles persécutées.

« Scène de rue berlinoise », un tableau d’Ernst Ludwig Kirchner datant de 1913, est la dernière illustration en date du malaise qui parcourt actuellement les milieux culturels allemands. Ce chef d’œuvre expressionniste était l’un des fleurons du Musée « Die Brücke » de Berlin. « Die Brücke », « le pont », est l’un des deux grands courants expressionnistes du début du 20e siècle. La toile de Kirchner a été restituée à la petite-fille de son ancien propriétaire juif Alfred Hess. Elle avait été vendue en 1936 par la veuve de celui-ci, réfugiée en Suisse après l'arrivée de Hitler au pouvoir, pour 3 000 Reichsmarks. Mais il n'existe aucune trace écrite de cette transaction, ni des conditions dans lesquelles la vente est intervenue. La municipalité de Berlin a restitué le tableau l'été dernier. Seulement voilà, le 8 novembre, il était en vente chez Christie’s à New York. La toile a été achetée pour la coquette somme de 38 millions de dollars par un donateur privé anonyme…qui est selon toute vraisemblance le propriétaire d’un musée new-yorkais.