1. Aller au contenu
  2. Aller au menu principal
  3. Voir les autres sites DW

Satire ou blasphème?

Sandrine Blanchard3 février 2006

Le tollé se répand dans la majeure partie des pays musulmans. Ce matin, on signalait notamment des incidents en Indonésie, dans le bâtiment de l’ambassade danoise à Djakarta. De son côté, le gouvernement allemand refuse de présenter ses excuses pour des dessins publiés dans la presse. Cette « affaire » des caricatures, reprises dans plusieurs journaux européens, intéresse au plus haut point la presse allemande, ce matin.

https://p.dw.com/p/C70o
Un militant palestinien armé devant le siège de l'UE, hier à Ramallah.
Un militant palestinien armé devant le siège de l'UE, hier à Ramallah.Image : AP

« Laissez nous défendre notre liberté ! » titre die Welt. Le quotidien publie aujourd’hui quelques réactions de ses lecteurs sur une page illustrée par l’une des caricatures si controversées. Ces lettres reflètent les tensions exacerbées chez le lectorat en majorité chrétien du journal. Certains lecteurs allant jusqu’à faire des parallèles douteux avec le Munich de 1938. Notons la lettre d’une certaine Gabriele qui estime qu’ « on ne doit pas caricaturer le prophète d’une religion, [que] cela est un manque de goût et n’a rien à voir avec la liberté de la presse, mais, écrit-elle, je trouve la réaction des pays arabes très exagérée et inacceptable ». Les réactions électroniques d’internautes, sur le forum de discussion mis en place par die Welt, sont également publiées. Un certain Thomas y rappelle notamment que le mot « caricature » provient du latin « caricare », qui signifie exagéré, chargé.

Pour la tageszeitung, cette affaire signe la fin de la discrétion danoise. Le journal estime que chacun doit décider s’il a envie ou non de mettre du fromage frais danois sur ses tartines, s’il veut ou non jouer au Lego – qui est une marque danoise connue de jeux d’assemblage. La taz poursuit : chaque musulman a le droit de boycotter les produits en provenance du Danemark pour marquer sa colère religieuse. Tout comme chaque personne, musulmane ou non, a le droit de penser ce qu’elle veut de ce boycott et elle a même le droit d’en rire. Ceci dit, la taz met en doute l’efficacité d’un boycott dirigé vers une nation dans son ensemble. Pour le journal, ce type d’action est plus efficace lorsqu’il est restreint à quelques entreprises ciblées. La tageszeitung estime par ailleurs que cette affaire marque la fin de l’impunité de la politique xénophobe menée par le Danemark. Et du silence autour de l’engagement du pays scandinave dans la guerre en Irak.

La Frankfurter Allgemeine Zeitung fait le parallèle avec l’affaire Rushdie, l’auteur des « Versets sataniques » qui s’est attiré une fatwa lancée par l’Ayatollah Khomeyni, le dirigeant iranien de l’époque. Et la FAZ note que, face à la menace d’attentats terroristes, les occidentaux sont plus prompts à présenter des excuses qu’à l’époque, quitte à porter préjudice aux principes de la liberté d’expression, satirique, et de l’indépendance artistique. Le quotidien met également en garde contre la tentation d’ériger des principes au-dessus des lois pour protéger telle ou telle religion, au nom du « politiquement correct », ce qui, d’après la FAZ, rendrait impossible toute pensée vraiment critique sur des sujets qui émeuvent plus que tout l’humanité, depuis toujours.

Pour finir, un mot de la Süddeutsche Zeitung. Le quotidien munichois estime que la provocation n’est pas la bonne façon d’aborder l’islam radical. Contrairement à l’Europe qui a pris ses distances avec le sacré, dans le monde musulman, l’islam est à la fois religion, loi et règle de vie, écrit le journal qui appelle à davantage de respect. La SZ recommande de réfléchir à la portée de la satire, dans un pays où le journal nazi « Der Stürmer » avait lancé dans les années 1920 une campagne antisémite, à grand renfort de caricature de Juifs au nez crochu.