Sous perfusion, pour combien de temps ?
12 janvier 2011Haïti donne l'impression d'être un cas désespéré, s'attriste la Frankfurter Allgemeine Zeitung. Déjà avant le tremblement de terre, l'Etat titubait de crise en crise : politique, économique, sociétale. Le 12 janvier 2010 s'est produite l'une des pires catastrophes de l'histoire. Ce qui s'est passé ensuite était sans précédent : l'une des plus grandes opérations humanitaires qui ait vu le jour.
Mais la communauté internationale et les organisations caritatives ont atteint une limite qui existait déjà avant le 12 janvier. Il ne manque pas d'argent, mais il manque de structures pour coordonner les nombreux projets. Et les milliards de dollars qui affluent, surtout des Etats-Unis, n'ont pour l'instant par réussi à changer cela.
De son côté, la Süddeutsche Zeitung constate : moins de la moitié des sommes promises sont effectivement arrivées dans le pays. Les donateurs ne veulent pas payer la totalité tant qu’il n’y aura pas de nouveau gouvernement. Si l’élection est aussi disputée, c’est que le futur exécutif aura à gérer une petite fortune en donations. La corruption prend de l'ampleur.
Le pays a besoin d'une police efficace, mais aussi de techniciens, d'ingénieurs, de formateurs... plutôt que des Casques bleus du Népal ou de Côte d'Ivoire. Par dessus tout, il faut que la célèbre maxime soit appliquée : apprends aux gens à pêcher plutôt que de leur donner du poisson. Parce que pour le moment, les Haïtiens sont maintenus sous perfusion et attendent.
La Frankfurter Rundschau se montre elle aussi très critique. Le traumatisme du tremblement de terre, mais aussi les actions arbitraires de bénévoles venus de l’étranger mettent à rude épreuve le potentiel de ce peuple, estime le journal. Ils entravent les actions des seuls véritables experts qui savent ce dont le pays a besoin : les Haïtiens eux-mêmes.
Quelques organisations caritatives l'ont compris et elles s'appuient désormais sur les premiers concernés pour travailler à la reconstruction. Mais elles se heurtent à des limites, car il manque une structure étatique. La tentative de la communauté internationale d'imposer l'élection d'un président n'aide aucunement. Il était évident que tout cela favoriserait la corruption, les fraudes et des troubles, et les tentatives actuelles de corriger les manipulations les plus graves n'y changeront rien.
Auteur : Sébastien Martineau
Edition : Konstanze von Kotze