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Un si long silence

Carine Debrabandère14 août 2006

Vive émotion en Allemagne après la révélation dans la presse du passé nazi de Günter Grass. Prix Nobel de littérature en 1999, l’auteur du «Tambour » était jusque-là l’une des grandes instances morales du pays.

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Günter Grass dans les Waffen SS
Günter Grass dans les Waffen SSImage : AP

«Il fallait que ça sorte, enfin » : commentaire de Günter Grass dans la Frankfurter Allgemeine Zeitung, le quotidien dans lequel l’aveu du Prix Nobel de littérature a été publié ce samedi. Publication qui survient quelques semaines seulement avant la sortie de son autobiographie « Beim Häuten der Zwiebel » (« En épluchant l’oignon »).

Pour la première fois, le plus grand écrivain allemand contemporain raconte avoir été enrôlé, à 17 ans, dans les Waffen SS, l’unité d’élite du régime national-socialiste. Jusqu’à présent, l’auteur du « Tambour » avait seulement avoué avoir fait partie de la Flak, la défense anti-aérienne, en 1944, avant d’être fait prisonnier par les Américains. En fait, comme il le confit dans l’entretien paru dans la Frankfurter, il s’était porté volontaire à l’âge de quinze ans dans la marine. Seulement à ce moment-là, la marine ne recrutait plus. Le jeune Günter Grass est mobilisé un an plus tard et directement réquisitionné par l’unité d’élite d’Adolf Hitler, impliquée dans le déroulement de la Shoah. « Idiot que j’étais », souligne Günter Grass, « je pensais alors que les Allemands ne pouvaient pas commettre d’atrocités, j’ai tout pris pour de la propagande ».

A l’origine, le jeune homme avait voulu s’enrôler pour échapper à l’étroitesse de son milieu familial de Dantzig, la ville aujourd’hui polonaise de Gdansk, théâtre de son roman le plus célèbre, « Le Tambour ». Dans ce best-seller mondial, qui date de 1959, Günter Grass dénonce précisément la culpabilité allemande, le silence de tout un peuple devant l’innommable.

Le monde intellectuel allemand s’interroge sur les révélations aussi tardives de cette haute figure morale de l’Allemagne de l’après-guerre. Si la plupart des critiques littéraires et des historiens disent ne pouvoir réprimander l’écrivain pour ses erreurs de jeunesse et le voient plutôt presque comme victime de son temps, ils sont en revanche très sévères sur son long silence - en particulier pour un intellectuel de gauche qui a toujours appelé la population à faire la lumière sur son passé. Un autre prix Nobel, le Polonais Lech Walesa, fondateur du syndicat Solidarnosc demande quant à lui à Günter Grass de rendre son titre de citoyen d’honneur de la ville de Gdansk.