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Un sommet pour rien

3 décembre 2010

La presse allemande s'intéresse à un sommet qui n'aura guère produit de résultats si ce n'est mettre en lumière les désaccords entre l'Union européenne et l'Afrique. Ce sommet s'est déroulé à Tripoli en Libye.

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De g. à dr.: Hermann van Rompuy, le colonel Kadhafi et le président Ali Bongo au sommet de TripoliImage : picture-alliance/dpa

Il a montré que, sur le terrain commercial, les Africains rejettent les demandes de l'Europe. L'UE, lit-on dans le Handelsblatt, exige que 80% du marché africain soient ouverts aux produits européens. Mais en Afrique les détracteurs de ce plan craignent que le continent ne soit inondé d'excédents européens. Après six années de croissance continue, les échanges commerciaux entre l'Union européenne et l'Afrique ont diminué en 2009. Ils ont repris pendant les neuf premiers mois de cette année mais l'Union européenne, souligne le journal, n'échange quand même que 9% de ses marchandises avec l'Afrique.

La Tageszeitung évoque quelques exemples d'importations bon marché en provenance d'Europe. Comme le souligne un collaborateur de Misereor cité dans l'article, Armin Pasch, au Cameroun du lait en poudre de la marque Nido, Nestlé donc, a été vendu en août 2009 pour l'équivalent de 51 cents le litre. Les producteurs locaux en revanche devaient demander 60 cents pour pouvoir vivre de la vente de leur lait. Autre exemple: la Côte d'Ivoire où les importations de viande de porc, entre autres de l'Union européenne, sont passées de 5 000 à 35 000 tonnes par an entre 2000 et 2006. Les prix des produits importés étant là aussi inférieurs aux prix de la production locale, la production intérieure s'est effondrée souligne le même représentant de Misereor.

Elfenbeinküste / Wahl / Ouattara-Anhänger
Partisans d'Alassane OuattaraImage : AP

Peu d'espoir en Côte d'Ivoire

Toujours à propos de la Côte d'Ivoire la presse allemande ne commente pas encore les résultats de l'élection présidentielle. La Tageszeitung publie seulement, dans son édition du 3 décembre, un portrait du vainqueur proclamé par la commission électorale, Alassane Ouattara. Les autres articles sont parus avant l'annonce des résultats. Pour la Frankfurter Allgemeine Zeitung par exemple, l'élection présidentielle en Côte d'Ivoire a été accompagnée de tensions. Dans l'ancien pays modèle africain l'espoir est faible et l'amertume grande. Dans les années 70, rappelle aussi le journal, le premier producteur mondial de cacao a failli passer du statut de pays en développement à celui de pays émergent. Il figure aujourd'hui parmi les 20 pays les plus pauvres du monde.

China Afrika Wirtschaft
Construction de logements par les Chinois près d'AlgerImage : AP

Un boom économique XL

Retour à l'économie avec un très long article de l'hebdomadaire Die Zeit sur le boom économique sans pareil, de taille XL selon le journal, que connait le continent africain. En témoigne le titre de la dernière analyse du cabinet McKinsey: "Les lions sont lâchés", par allusion aux tigres d'Asie. Entre 2000 et 2008, les taux de croissance en Afrique ont doublé par rapport à la décennie précédente. De Dakar à Dar-es-Salam et du Caire au Cap, l'économie est en plein essor. Selon les auteurs de l'étude elle le doit aux progrès de la libre économie de marché. Mais poursuit le journal, les sceptiques craignent que ce ne soit qu'un feu de paille alimenté par les cours des matières premières. On parle de la "malédiction des ressources" en renvoyant à l'exemple de l'Angola qui nage dans les pétrodollars, qui pendant les dix dernières années a battu des records mondiaux de croissance avec des taux de 25% par an, mais où l'écrasante majorité de la population continue de végéter dans la pauvreté. Il y a dans cet article beaucoup de chiffres et le journal évoque aussi la révolution en train de s'opérer dans le secteur des technologies de l'information et de la communication. Depuis le mois de juillet, Seacom, un système de câble sous marin en fibre de verre, relie le sud et l'est de l'Afrique à l'Europe et à l'Asie. Le consortium, souligne Die Zeit, est à 75% entre les mains d'investisseurs africains.

Karte Türkei mit Istanbul
Image : DW

Les Afro-Turcs, une minorité négligée

A noter aussi cette semaine dans un journal suisse de langue allemande, la Neue Zürcher Zeitung, un article passionnant. Il concerne les descendants d'esclaves africains en Turquie, les Afro-Turcs. L'hisoire commence au 19ème siècle. A l'époque la Turquie actuelle est le centre d'un vaste empire, l'empire ottoman, qui sera démantelé au cours de la première guerre mondiale. L'esclavage sous ses formes les plus diverses, lit-on dans l'article, a existé dans l'empire ottoman du 14ème au 19ème siècle. La plupart des esclaves étaient alors blancs, originaires des Balkans et du Caucase. Au 19ème siècle, sous la pression des puissances européennes, cet esclavage est interdit. Il en résulte que de 1860 à 1890 10 000 esclaves africains sont arrivés chaque année dans l'empire ottoman. Cet esclavage ne sera définitivement aboli qu'au début du 20ème siècle. De nos jours, précise le journal, il est difficile de chiffrer le nombre d'Afro-Turcs. Notamment parce qu'il y a eu, au fil du temps, de nombreux mariages mixtes. Les femmes noires surtout ont cherché des partenaires blancs pour épargner à leurs enfants la discrimination qu'elles avaient elles-mêmes endurée. L'on apprend au passage que dans la langue turque les noirs sont souvent appelés "arabes". Mais donc, même difficile à chiffrer la minorité noire n'a pas disparu. Fin 2006 un descendant d'esclaves kényans a même créé la première association d'Afro-Turcs. Elle s'efforce de préserver l'héritage de cette minorité négligée. Mais aussi de fournir une aide très concrète, par la livraison de bois, de charbon, d'uniformes scolaires car souligne la NZZ beaucoup d'Afro-Turcs vivent dans la misère.

Auteur: Marie-Ange Pioerron
Edition: Philippe Pognan