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À qui profite la violence au Nigeria ?

Marie-Ange Pioerron22 juin 2012

Les violences dans le nord du Nigeria retiennent à nouveau l'intérêt de la presse allemande. Après l'attaque de trois églises chrétiennes dans la ville de Kaduna, des affrontements ont fait au moins 80 morts.

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Après l'attaque d'une église à Kaduna
Après l'attaque d'une église à KadunaImage : dapd

Oeil pour œil, dent pour dent, titre die tageszeitung qui note qu'en milieu de semaine le calme était revenu à Kaduna. Mais dans les quartiers, précisément, où chrétiens et musulmans vivent côte à côte, la peur d'une nouvelle explosion de violence est palpable. Le journal présente à ses lecteurs un homme qui depuis des années s'engage pour le dialogue entre les religions, c'est l'imam Sani Isah. Il travaille pour le centre de médiation interconfessionnel. Selon lui, il n'y a pas eu de combats entre chrétiens et musulmans. Après qu'un kamikaze islamiste, rappelle le journal, a tenté de faire sauter une église chrétienne à Kaduna, des chrétiens ont attaqué des musulmans. Beaucoup se sont enfuis, précise l'imam Sani Isah, ou se sont défendus. Ce ne sont pas des combats.

Le gouvernement nigérian, poursuit le journal, n'en est pas moins inquiet. Pour enrayer la spirale de la violence, on veut miser une fois de plus sur le dialogue. Mais c'est précisément ce qui est déjà fait depuis des années à Kaduna. Les premiers troubles sanglants remontent à l'introduction de la charia, la loi islamique, par le gouvernement provincial en 2000. Il y a eu des centaines de morts. Depuis, d'innombrables organisations non gouvernementales et comités publics tentent d'instaurer une paix durable. Et pourtant la violence revient régulièrement dans cet État de 7 millions d'habitants.

Bombenanschlag auf Kirchen in Nigeria
Soins aux blessés dans un hôpital de KadunaImage : picture-alliance/dpa

La Frankfurter Allgemeine Zeitung parle de la vengeance des pauvres. Mais souligne-t-il, si une guerre de religions est plus à craindre que jamais, les racines n'en sont pas nécessairement confessionnelles. Le gouverneur de l'État du Niger, voisin de celui de Kaduna, estime qu'il ne faut pas attribuer à Boko Haram l'unique responsabilité de la violence. Et pour le gouverneur de l'État de Kaduna les problèmes ne sont pas locaux, mais nationaux.

Les deux gouverneurs pourraient avoir raison, estime le journal. Sous couvert de Boko Haram, des politiciens pourraient s'adonner à des réglements de comptes ou imposer leur appétit de pouvoir. Des jeunes au chômage sont faciles à recruter pour ce genre d'aventure. Ils sont en colère contre le gouvernement, un gouvernement corrompu qui, malgré des recettes pétrolières chiffrées en milliards, maintient les deux tiers de la population dans la misère.

Kongo Armee sucht nach Milizenchef Bosco Ntaganda
Un soldat congolais dans la traque à Bosco NtagandaImage : Reuters

Un géant qui s'effrite

La presse allemande tourne aussi ses regards vers un autre géant de l'Afrique. C'est la République démocratique du Congo. Là aussi, les ressources sont immenses, mais cette richesse ne profite qu'à une minorité, et les combats se poursuivent dans l'est du pays. Le Congo, un pays qui tombe en miettes, lit-on dans die tageszeitung. Jour après jour, de nouveaux réfugiés arrivent dans les camps de l'est du pays. Les organisations humanitaires sont totalement débordées. L'armée congolaise se casse les dents sur les rebelles du M23.

Mais poursuit le journal, parler d'une armée au sens propre dans l'est du Congo serait exagéré. Depuis avril des officiers désertent tous les jours, avec soldats et armes. Selon les experts, ce sont cinq officiers par jour. Le poste frontalier entre Goma, au Congo, et Gisenyi, au Rwanda, permet d'observer comment cela se passe. Des soldats montent dans un véhicule tout terrain et saluent. Leur commandant descend du siège du passager, en jean et T-shirt. Il porte une valise. D'un signe de la tête il prend congé et passe la frontière.

Et, poursuit le journal, plusieurs sources le confirment : les déserteurs comme lui remontent vers le nord et repassent la frontière avec le Congo pour se joindre au M23. Dans un autre article, le même journal relate comment cette rébellion du M23, regroupée autour de l'ex-général tutsi Bosco Ntaganda, est en train de recruter d'anciens miliciens démobilisés hutus des FDLR. Comme quoi le M23, poursuit die tageszeitung, aspire à rassembler tous les combattants rwandophones dans l'est du Congo.

Nigeria Bodo, Ogoniland Öl
Exploitation pétrolière en pays ogoniImage : AP

Shell devant la justice américaine

Retour au Nigeria, mais dans le sud du pays, dans le delta du Niger. Un procès a été intenté, aux États-Unis, contre la compagnie pétrolière Shell et, à en juger par un article de la presse allemande, l'Allemagne s'en inquiète. Cet article est paru dans la Süddeutsche Zeitung qui remonte tout d'abord au début des années 90. Barinem Kiobel et ses compagnons, écrit le journal, n'avaient à l'époque aucune chance. Leur "Mouvement pour la survie du peuple ogoni" avait osé protester contre la société Shell. Par son exploitation pétrolière elle menaçait la survie du peuple ogoni.

En 1994, Kiobel et d'autres dirigeants de son mouvement furent arrêtés et condamnés à mort par un tribunal spécial. Selon sa famille, Shell avait acheté de faux témoignages. À présent, elle cherche à obtenir justice, non pas au Nigeria ni aux Pays-Bas ou en Grande-Bretagne, où le trust anglo-néerlandais a ses deux sièges, mais aux États-Unis. Une loi de 1789 permet en effet de saisir la justice américaine dans des affaires de droits de l'Homme, même lorsqu'elles n'ont rien à voir avec les États-Unis.

Après être passée par différentes instances, l'affaire est maintenant devant la Cour suprême à Washington qui devra trancher sur la compétence de la justice américaine en la matière. Les conséquences, poursuit le journal, pourraient aussi affecter des entreprises allemandes. Raison pour laquelle le gouvernement allemand est intervenu. Dès le mois de février, il a fait parvenir à la Cour suprême une prise de position dans laquelle il exprime son inquiétude pour le cas où des plaintes seraient autorisées aux États-Unis avant que toutes les voies juridiques ne soient épuisées dans les pays d'origine des entreprises. A l'évidence, souligne le journal, l'affaire a sonné l'alarme au sein de l'économie allemande.