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Des éclaireurs en mission pacifique

Andreas Noll / Anne-Julie Martin9 janvier 2013

Dans le passé, des soldats allemands ont occupé à deux reprises la région française de l’Alsace, notamment au temps du national-socialisme. Depuis deux ans, ils sont de retour mais dans un tout autre contexte.

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Non, Patrick Theisen ne peut pas imaginer une telle chose pour l'anniversaire de la réunification allemande : le 3 octobre, une parade militaire avec chars et trompettes sur l'avenue Unter den Linden à Berlin ? « Impensable ! » Même s'il y a quelques mois encore, le chef de section défilait fièrement avec ses camarades sur les Champs-Elysées à Paris pour la fête nationale française du 14 juillet. Sous les yeux du président François Hollande, tenir la cadence de 120 pas par minute, comme l'exige le règlement militaire français. « Un moment inoubliable », mais c'était en France, « en Allemagne, nous n'avons pas la même tradition. »

Au premier abord, la France et l'Allemagne sont assez différentes. Pourtant, lorsqu'on demande à Patrick Theisen ce qui distingue les soldats de chacune des nations, il lui faut un temps de réflexion… En fait, il ne trouve pas. Tout du moins, pas en se comparant lui, l'éclaireur, avec ses camarades français qui ont la même fonction. Il en a fait l'expérience lors de manœuvres dans les hautes montagnes des Alpes bavaroises ou encore en zone urbaine sur un terrain d'entraînement français. De la perplexité au départ, c'est vrai, mais très vite l'unité binationale fonctionne, sans aucune difficulté.

Une troupe symbolique pour une Europe unie

La troupe de Patrick Theisen a un rôle essentiellement politique. C'est en 1987 que le chancelier Helmut Kohl et le président François Mitterrand décident de créer la brigade franco-allemande. Un symbole fort de la coopération mais qui ne répond à aucune nécessité militaire. Durant une vingtaine d'années, la brigade était uniquement basée en Allemagne. Elle est depuis deux ans implantée également sur le territoire français, à quelques kilomètres seulement de la frontière : il s'agit de la caserne Leclerc du 291ème bataillon de chasseurs à Illkirch-Graffenstaden, au sud de Strasbourg.

La chancelière allemande Angela Merkel et le président français Nicolas Sarkozy ont initié cette nouvelle étape symbolique, presque 70 ans après l'annexion de cette région frontalière par le Troisième Reich. A l'époque, environ 100.000 Alsaciens ont été enrôlés de force dans la Wehrmacht. Après la guerre, ils se baptisent eux-mêmes les « Malgré-nous ». Beaucoup d'entre eux ont continué de souffrir après la victoire de la France sur l'Allemagne, soupçonnés de collaboration par leurs compatriotes. Le jeune soldat allemand a souvent l'occasion de rencontrer ces vétérans.

Chaque année, le 8 mai et le 11 novembre, lorsque les Français commémorent la fin des deux guerres mondiales et rendent hommage aux soldats morts au combat, Patrick Theisen et ses camarades allemands sont présents aux côtés des militaires français. Même chose pour les célébrations locales, auxquelles participent régulièrement des représentants de la Bundeswehr (armée allemande). Un accueil que la Bundeswehr apprécie à sa juste valeur, car elle cherche le contact avec la population locale. C'est ainsi que la compagnie des éclaireurs a célébré son changement de commandement en public sur la place du marché de la commune de Rhinau, à 30 kilomètres au sud de Strasbourg.

La fierté de la brigade : le char Fennek
La fierté de la brigade : le char FennekImage : DW/A. Noll

Le choix de Strasbourg

Les soldats rencontrent aussi la population en dehors des événements officiels. Patrick Theisen et ses compagnons sont souvent amenés à quitter la caserne en uniforme. Si bien que la tenue allemande de  camouflage fait désormais partie du paysage, dans le tram, les supermarchés ou dans le centre-ville. Ils n'ont jamais été confrontés à des remarques négatives, que ce soit de la part des jeunes générations ou de celles qui ont connu la guerre. Ceux qui les abordent le font par curiosité, pour leur poser des questions.

Patrick Theisen se sent très bien intégré en Alsace, ce qui s'explique aussi par le fait que son père a été stationné en France pendant des années en tant qu'officier de liaison de la Bundeswehr et que sa mère, belge, parle couramment français. Peut-être même qu'il est plus agréable pour un soldat allemand de vivre en France que dans son propre pays. Ici, cet économiste de formation n'a pas à craindre les antimilitaristes qui viennent perturber une cérémonie de l'armée comme cela est déjà arrivé lors de sa formation à Lunebourg. L'armée est bien mieux considérée en France qu'en Allemagne. Et cela vaut aussi pour les militaires allemands qui sont sur place.

Clichés franco-allemands

« Le déménagement dans le centre-ville de Strasbourg a été véritablement un choix », assure le chef de section qui a actuellement douze soldats sous sa responsabilité. Pour certains de ses subordonnés, en revanche, l'entente avec les camarades français se révèle parfois un peu plus compliquée. Le problème de la langue crée encore quelques difficultés au sein de la brigade.

Les soldats français marchent plus vite que leurs camarades allemands
Les soldats français marchent plus vite que leurs camarades allemandsImage : DW/A. Noll

Mais selon le lieutenant, il n'est pas nécessaire de fournir un manuel de bonne conduite aux nouveaux arrivants pour qu'ils s'adaptent aux pratiques françaises. En général, il suffit de connaître les clichés franco-allemands les plus basiques. Exemple : lorsque Patrick Theisen rassemble ses soldats à 7 heures du matin, comme le veut le rythme de l'armée allemande, et que pendant ce temps leurs camarades français dorment encore à côté. En France, il faut le savoir, on ne prend son service qu'à 8 heures !