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Afrique : comment le continent fait face aux fake news

Reliou Koubakin
25 novembre 2020

De plus en plus, des journalistes se lancent dans le fact-checking. Les infox sont dans tous les secteurs de la vie quotidienne. Exemple lors des élections au Burkina Faso et en Guinée. L’Afrique n’a pas échappé non plus à l’infodémie, les fausses informations, pendant la première vague de la Covid-19. Alors qu’en RDC, les violences continuent dans l’Est avec leur lot d’infox. Tour d’horizon.

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Un corps découpé à la machette après le scrutin du 31 octobre à M’Batto, une localité ivoirienne. Un génocide chez les Agni à M’Batto. Une école qui doit fermer ses portes à cause de meetings politiques au Burkina Faso, une photo du président congolais Félix Tshisekedi absente du bureau de la présidente du Parlement, Jeanine Mabunda. Autant de fausses informations qui ont circulé ces derniers jours sur les réseaux sociaux. 

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Et puis une information vérifiée cette fois : un homme, un président de la République, celui du Nigeria, Muhamadu Buhari, obligé il y a deux ans de démentir dans un tweet les fausses informations sur sa mort présumée. Face aux nombreuses infox sur son décès, le président nigérian, alors en visite en Pologne, indique dans une vidéo qu’il s’agit bien de lui, en vie, et non d’un clone.

Les fact-checkers à l’affût des fausses informations

Sur le continent, les fausses informations touchent tous les aspects de la vie quotidienne tout comme la politique. Dimanche (22.11) 6,5 millions d’électeurs étaient appelés aux urnes au Burkina Faso pour les élections législatives et présidentielle. Un double scrutin dont la campagne a aussi été marquée par des infox. Un militant, membre du CDP (ancien parti au pouvoir, le parti de Blaise Compaoré), écrit sur les réseaux sociaux que des écoles ont été fermées lors d’un meeting politique du président sortant Roch Marc Christian Kaboré, à Bobo-Dioulaaso, la deuxième ville du pays.  

"Dans notre travail de fact-checking, nous nous sommes rendus compte que l’auteur de la déclaration n’avait pas de preuves. Quand on a fait le travail, on s’est rendus compte qu’en réalité le jeudi (jour du meeting du président sortant) il n’y avait pas cours dans les établissements publics dans l’après-midi", indique Jordan Méda de Fasocheck, plateforme de fact-checking au Burkina Faso. 

La Guinée, 4ème au monde pour les fake news, vraiment ?

En Guinée aussi, les infox sont présentes dans la vie quotidienne des populations, au point où "le président de la République a dit que la Guinée était classée 4ème en termes de diffusion des fake news. Ce qui était faux", affirme Sally Bilaly Sow de GuinéeCheck. Le président Alpha Condé réagissait sur les médias français aux mises en garde de plusieurs organisations sur les "discours à relent ethnique" pendant la campagne électorale. "Je n’ai jamais tenu ce discours ethnique pour la simple raison que je suis un panafricaniste", a déclaré Alpha Condé.

    

Le scrutin présidentiel du 18 octobre n’a donc pas échappé aux fausses informations.  Sally Bilaly Sow constate en effet qu’"il y a eu une montée vertigineuse des fausses informations autour de la présidentielle". Exemple de cette image d’Alpha Condé le 16 octobre, deux jours avant le scrutin présidentiel. Il aurait fait un malaise et trébuché. "C’était pas vrai", a conclu GuinéeCheck après vérification.

GuinéeCheck prend énormément de temps pour vérifier les fausses informations avant de les démentir, notamment en raison d’une mauvaise connexion internet. Les journalistes de cette plateforme attendent qu’une information soit virale avant de la démonter. 

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Les  fake news "violentes"

En République démocratique du Congo, faire du fact-checking est aussi difficile, reconnaît Fiston Mahamba de Congo Check. La RDC est six fois plus grande que l’Allemagne.

"L’étendue du pays nécessite beaucoup d’efforts, beaucoup de moyens parce que les informations concernent parfois des zones enclavées où vous êtes appelés à vous rendre", affirme Fiston Mahamba de Congo Check, qui a reçu il y a quelques jours le prix francophone de l’innovation.

La RDC manque d’infrastructures routières et de télécommunications. Les fausses informations circulent abondamment sur les réseaux sociaux comme Facebook et WhatsApp. Congo Check passe aussi par les mêmes plateformes pour démonter les fausses informations. Une mission d’autant plus importante que le pays fait face aux violences dans l’Est depuis plusieurs décennies.

"C’est dans ce genre de situations que la vérité est la première victime", pense Fiston Mahamba. Il ajoute que "le fait de relayer une information vraie et de l’illustrer avec une fausse image porte atteinte à la recherche de la vérité et/ou à la résolution de ces conflits qui ne font que durer". Il donne l’exemple de l'attaque récente d’un groupe armé dans une école. L’image pour illustrer cette attaque remontait en fait à 2015. Le nombre d’élèves a aussi été amplifié.

Derrière cette manipulation des informations, Fiston Mahamba ne cache pas qu’il y a aussi des groupes armés. "Dans le souci de s’attirer la sympathie des populations", affirme-t-il. Conséquence : les forces armées de la RDC (FARDC) deviennent des bourreaux, les groupes armés des sauveurs. La confusion s’installe aussi parce que les groupes armés et les FARDC arborent la même tenue militaire.  

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Il est reproché à Facebook de ne pas faire assez contre la diffusion des fausses informations
Il est reproché à Facebook de ne pas faire assez contre la diffusion des fausses informations Image : imago images/ZUMA Wire

Que faire face aux fake news ?

Fiston Mahamba souhaite plus d’éducation des populations sur l'utilisation des réseaux sociaux. Selon Joscha Weber, chef de l’équipe de fact-checking de la Deutsche Welle, la vérification des faits est devenue importante. 

"La désinformation est partout. Le fact-checking est la réponse", dit-il. Joscha Weber appelle les internautes à être critiques lorsqu’ils voient une information. "Il ne faut pas croire d'emblée ce qu'on lit", ajoute-t-il. 

Les utilisateurs qui cliquent sur le bouton "share, partager" font partie, dit-il, de cette "avalanche de désinformation" parce qu’ils ne sont pas posé de questions sur la véracité d’une information avant de partager. Les réseaux sociaux sont accusés de ne rien faire pour lutter contre les fausses informations. 

Le patron de Facebook a dû se soumettre à plusieurs auditions devant les élus américains. Le réseau social a investi dans un programme de vérification par des tiers. Une soixantaine de médias dans le monde y participent. De son côté, Twitter a envoyé des messages d’avertissement suite à un grand nombre de tweets du président américain Donald Trump, notamment cette affirmation sur des fraudes électorales jamais prouvées lors du scrutin présidentiel du 3 novembre dernier.  Ces messages d’avertissement s'adresse aux followers d'un grand utilisateur de Twitter puisque Donald Trump a envoyé 58.000 tweets, dont certains véhiculaient des fausses informations.