1. Aller au contenu
  2. Aller au menu principal
  3. Voir les autres sites DW

Afropresse, l’Afrique à travers la presse allemande

Marie-Ange Pioerron4 février 2005

Pauvreté – Soudan

https://p.dw.com/p/C9kL

Cette semaine la presse allemande ne manque pas de commenter la place occupée par l’Afrique au récent forum économique mondial de Davos en Suisse. Comme l’écrit la Süddeutsche Zeitung, les riches redécouvrent le "continent perdu" – et suscitent du même coup des illusions. Avec leur plaidoyer pour un allègement de la dette et un accroissement de l’aide au développement, le premier ministre britannique Tony Blair et son ministre des finances Gordon Brown sont à l’origine de ce brusque regain d’intérêt pour l’Afrique. Mais souligne le journal, ce nouvel enthousiasme soulève forcément deux questions: d’où viendra l’argent et comment sera-t-il employé? Si l’Afrique est effectivement une victime, elle l’est avant tout parce qu’elle ne peut prendre part à la mondialisation, parce que des pays potentiellement riches sont pillés par des élites corrompues, parce que des guerres civiles ne cessent de détruire les acquis. Encore plus critique Die Welt estime que la rhétorique de la solidarité masque les problèmes. Les pays pauvres d’Afrique ne souffrent pas d’une aide insuffisante, écrit le journal. Depuis des décennies le continent est inondé de subventions. Aucune autre région du monde n’a reçu autant d’argent et ne l’a si peu utilisé pour son développement. L’Afrique, souligne encore Die Welt, doit créer elle-même les conditions préalables à des investissements rentables, et pour cela mettre en place des institutions qui fonctionnent. Le forum de Davos était à peine terminé que l’Union africaine tenait son 4ème sommet à Abuja au Nigéria. Et pour la Tageszeitung il aura montré que l’UA cherche en vain des solutions aux trois principaux foyers de crise en Afrique: la Côte d’Ivoire, la République démocratique du Congo et le Soudan. Partout l’initiative d’un renforcement des sanctions contre les fauteurs de guerre est laissée aux Nations unies.

Le Soudan, précisément, donne lieu dans la presse allemande à de nombreux commentaires après la publication du rapport de la commission d’enquête de l’ONU sur le Darfour. Crimes contre l’humanité, mais pas de génocide au Darfour – ainsi peut-on résumer la teneur de ce rapport très diversement apprécié. Die Welt note que contrairement à toutes les déclarations d’experts de l’Afrique, de coopérants et d’associations de défense des droits de l’homme, contrairement à l’inquiétude des gouvernements américain et allemand, les représentants des Nations unies minimisent les événements du Darfour pour que l‘ONU, et les Etats qui la composent, ne soient pas contraints d’intervenir officiellement et, au besoin, militairement. Pour la Süddeutsche Zeitung, les auteurs du rapport indiquent à juste titre que la gravité des crimes n’est pas amoindrie par le manque de preuves sur l’extermination ciblée d’une ethnie. L’enquête démontre bien plutôt la complexité des liens inter-ethniques dans l’ouest du Soudan. L’image d’un gouvernement arabe planifiant l’extermination de la population africaine du Darfour est par trop unidimensionnelle, estime le journal, avant de souligner que le rapport est un avertissement à la communauté internationale afin qu’elle épuise tous les moyens de pression pour mettre fin à la tuerie. Ce qui implique de contraindre les rebelles et le gouvernement à s’asseoir de nouveau autour d’une table. La Frankfurter Rundschau enfin prédit que les habitants du Darfour, en plus des atrocités endurées, seront les victimes d’une querelle de principes sur la saisie ou non de la Cour pénale internationale. Les Etats-Unis refusant cette juridiction, ils demanderont la mise en place d‘un tribunal ad hoc. Dilemme donc pour les Européens: s’ils disent oui, pour ne pas bloquer les procès sur le Darfour, ils portent préjudice à la CPI. Quoi qu’il en soit, conclut le journal, dans le cas du Darfour la crédibilité internationale est réduite à néant.