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Afropresse, l’Afrique à travers la presse allemande.

Marie-Ange Pioerron18 juin 2004

Darfour – RDC

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Image : AP

La presse allemande, cette semaine, braque à nouveau ses projecteurs sur la crise dans le Darfour. Comme d’autres confrères européens, des journalistes allemands ont pu se rendre dernièrement dans le Darfour, dans l’ouest du Soudan donc, et les journaux nous livrent leurs reportages. Le plus inquiétant, lit-on dans la Frankfurter Allgemeine Zeitung, c’est ce silence. Un silence de mort, dans lequel le grincement des portes métalliques défoncées résonne comme un dernier soupir. Trbiba, c’est le nom de l’endroit, à quelques kilomètres de la frontière tchadienne, a dû être autrefois une localité florissante, écrit le reporter. Les boutiques et les maisons sont en briques. Il y avait une école qui fonctionnait, une route, et des greniers à céréales. Les greniers ont été détruits à coup de grenades. La mosquée est démolie et beaucoup de maisons ont été brûlées. Trbiba a été détruite il y a deux semaines par les milices arabes djandjawids. Une journaliste de la Süddeutsche Zeitung est allée à Kaileck, autre endroit dévasté et abandonné par ses habitants. Les survivants se sont réfugiés à Kas, à 60 km à l’est. Un jour de février, raconte Fatima, 15 ans, j’ai entendu quatre coups de feu, et beaucoup de bruit. Des soldats sont arrivés en voitures, des miliciens sont venus à cheval et à dos de chameau. Pendant l’attaque Fatima s’est enfuie dans les collines avoisinnantes, mais les djandjawids l’ont rattrapée, cinq hommes l’ont emmenée dans leur tente. Ils m’ont tous violée, dit Fatima. Quand ils me violaient ils me liaient les mains et les pieds pour que je ne puisse pas m’échapper. Au bout de dix jours les djandjawids ont abandonné Fatima. Elle ne pouvait plus ni se lever, ni s’asseoir. Sa mère a obtenu des djandjawids l’autorisation de l’emmener chez elle. Fatima, lit-on dans ce reportage est la plus jeune des 76 femmes de Kaileck qui ont été violées, pendant des jours et des jours. Aujourd’hui, donc, elle est réfugiée à Kas. Et elle dit ne plus avoir de larmes pour pleurer.

La République démocratique du Congo, reste elle aussi à la une de l’actualité africaine dans la presse allemande, surtout après la dernière tentative de putsch à Kinshasa.

La deuxième depuis le début de l’année, note la Süddeutsche Zeitung qui se demande pendant combien de temps encore Joseph Kabila pourra se maintenir au pouvoir. Une question d’autant plus actuelle, estime le journal, que la prise momentanée de Bukavu par des rebelles fidèles au Rwanda a déchainé la colère des gens non seulement contre les forces de l’ONU mais aussi et surtout contre Joseph Kabila, accusé de ne pas avoir suffisamment défendu la ville. Des slogans jusqu’à présent impensables ont été scandés contre lui dans les manifestations de Kinshasa, relève le journal. "Nous ne savons pas qui est ton père" ont crié les étudiants, "Nous ne savons pas qui est ta mère, tu pourrais être rwandais". La question de l’origine, souligne notre confrère et l’accusation de collaboration avec l’ennemi rwandais pourrait bientôt sceller l’avenir de Kabila. Le Rwanda justement est pointé du doigt par l’hebdomadaire Der Spiegel, pour qui il ne fait aucun doute que les rebelles qui ont pris Bukavu l’ont fait avec l’appui de Kigali. Très virulent le Spiegel dénonce la dictature tutsie au Rwanda qui exploite la mauvaise conscience de la communauté internationale, il y a dix ans elle n’a rien fait pour empêcher le génocide. Mais aujourd’hui elle finance la caste des guerriers de Paul Kagame sans vérifier si elle est prête à appliquer un minimum de principes démocratiques. L’aide européenne au Rwanda est absurde, souligne le Spiegel. Alors qu’un autocrate comme Robert Mugabe est publiquement cloué au pilori parce que les victimes de sa politique d’expropriation sont des blancs, la troupe tutsie de Kagame peut tyranniser sans encombres une bonne partie de l’Afrique centrale. La Tageszeitung parle d’un "putsch d’opérette" à Kinshasa, mais comme la rébellion à Bukavu elle vise à déstabiliser le processus de paix. En fait, écrit le journal, il y va, dans l’est du Congo comme à Kinshasa, de l’avenir des structures de pouvoir économiques informelles qui sont nées pendant la guerre et qui seraient compromises par une réussite du processus de paix. Le fait que ces questions soient maintenant à l’ordre du jour signifie que l’épreuve de force décisive au Congo est encore à venir.