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Afropresse, l'Afrique à travers la presse allemande.

Marie-Ange Pioerron23 mai 2008

L'explosion de violence xénophobe en Afrique du sud domine cette semaine l'actualité africaine dans la presse allemande.

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Après une flambée de violence xénophobe en Afrique du sudImage : AP

Des magasins pillés, des vitres brisées, des chaussures couvertes de sang et des épaves de voitures incendiées - le faubourg noir de Cleveland, près de Johannesburg, ressemblait lundi dernier à un champ de bataille, lit-on dans le Tagesspiegel de Berlin. Mais la haine vouée par de nombreux Sud-Africains noirs à leurs frères et soeurs d'autres pays d'Afrique n'est pas nouvelle. Ces dernières années, rappelle le journal, elle a régulièrement resurgi. Au Cap elle frappe surtout les Somaliens, rapidement trahis par leur physique. Depuis 2006 plus de 40 Somaliens y ont été assassinés. L'insécurité est d'ailleurs considérée comme l'un des grands problèmes qui menacent la Coupe du monde de football en 2010. Que le racisme, en Afrique du sud, émane principalement des noirs n'est pas une surprise pour les observateurs, poursuit le journal. Depuis la fin de l'apartheid il y a 14 ans, la moitié de la population noire est devenue encore plus pauvre. Ils sont donc de plus en plus nombreux à chercher un coupable à leur propre misère. L'élite politique du pays, écrit la Süddeutsche Zeitung, a sévèrement condamné ces excès de violence. C'est une bonne chose, mais cela ne règle aucun des problèmes qui ont probablement allumé l'incendie. Comme ailleurs dans le monde, les étrangers sont globalement tenus pour responsables de tout ce qui ne va pas dans le pays. La chasse aux immigrés va réveiller un vieux conflit au sein de l'ANC au pouvoir. Le président Thabo Mbeki passe pour un technocrate froid qui ne s'intéresse pas aux problèmes des pauvres. Cela n'est peut-être pas juste à son égard, mais c'est ainsi qu'il est perçu par les petites gens, et il en porte lui-même la responsabilité. Le gouvernement de l'ANC, poursuit le journal, tente assurément de combattre la pauvreté. Une part importante du budget est affectée à l'éducation et aux services sociaux. Mais la lutte contre la pauvreté est un processus laborieux, qui prendra des décennies. L'ANC va donc devoir renforcer ici son action pour assécher le terreau de la violence. L'hebdomadaire Die Zeit épingle quant à lui le double échec du gouvernement sud-africain. D'une part, souligne lui aussi ce journal, il n'a pas réussi à réduire durablement la pauvreté de la majorité noire. De l'autre l'échec de sa politique est à rattacher au Zimbabwe où le despote Robert Mugabe opprime et affame son peuple. Trois millions de Zimbabwéens ont fui en Afrique du sud au cours des huit dernières années, rappelle Die Zeit. Mais les autorités sud-africaines compétentes , ministère de l'intérieur en tête, ont jusqu'à présent ignoré ou minimisé le problème.

A propos du Zimbabwe précisément, un Sud-Africain célèbre s'exprime cette semaine dans la presse allemande.

Die Welt nous propose une interview avec Desmond Tutu, ancien archevêque anglican du Cap et prix Nobel de la paix. Mgr. Tutu qui dans la perspective du second tour de l'élection présidentielle, le 27 juin, espère tout d'abord que la SADC et l'Union européenne feront pression sur Mugabe et son parti, la ZANU-PF, pour leur faire comprendre ceci: il est dans votre propre intérêt d'autoriser des observateurs internationaux indépendants si vous voulez que l'élection soit reconnue comme libre et équitable. Cela dit Desmond Tutu ne croit pas que Mugabe abandonnera facilement le pouvoir. Il faudrait le placer devant l'alternative suivante: ou bien tu t'accroches au pouvoir, tu diriges un gouvernement illégitime et tu dois alors t'attendre à des conséquences, par exemple une inculpation devant la Cour pénale internationale à cause des graves violations des droits de l'homme dans ton pays. ou bien tu minimises tes pertes, tu te retires avec un reste de dignité et tu acceptes "l'atterrissage en douceur" qui te sera proposé. Enfin si Mgr. Tutu rend hommage au combat pour la liberté mené par Robert Mugabe dans l'ex-Rhodésie, il souligne aussi que Mugabe n'a pas le droit d'abuser de son prestige acquis autrefois pour justifier son comportement actuel. C'est trahir la lutte de libération, ajoute Desmond Tutu.

Autre thème pour la presse allemande de la semaine écoulée: les problèmes énergétiques en Afrique. Ils sont illustrés par l'exemple du Nigéria.

Le Handelsblatt, un journal économique, relate que depuis des mois douze turbines géantes sont en rade dans le port de Koko, dans le sud du Nigéria. Elles étaient destinées à produire des milliers de mégawatts de courant, mais personne ne vient les chercher. Ces turbines, explique le journal, font partie d'un gigantesque programme d'investissement dans l'approvisionnement énergétique du Nigéria. Le gouvernement voulait dépenser pour cela 10 milliards de dollars. Mais les turbines sont toujours dans le port et les responsables politiques nigérians se disputent pour savoir qui est responsable de cette faillite: le fabricant des turbines, General Electric, ou la firme allemande Lahmeyer International, qui a conseillé le gouvernement dans ce projet. Actuellement poursuit le Handelsblatt, le Nigéria produit à peine 3 000 mégawatts d'électricité par an pour ses 140 millions d'habitants. Mathématiquement, cela fait une ampoule pour trois habitants. Chaque entreprise, chaque ménage, chaque petit magasin à Lagos ou à Koko doit acquérir de coûteux générateurs pour avoir un peu de courant.